Conseil d’État, 6ème – 5ème chambres réunies, 13/10/2023, 464202, Inédit au recueil Lebon
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 19 mai et 22 août 2022 et le 13 septembre 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association nationale des élus du littoral et l’association des maires de France demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’ordonnance n° 2022-489 du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte ;
2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution, notamment son article 61-1 ;
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Rozen Noguellou, conseillère d’Etat,
– les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannontin Avocats, avocat de l’association nationale des élus du littoral et autre ;
Considérant ce qui suit :
1. L’association nationale des élus du littoral et l’association des maires de France demandent l’annulation pour excès de pouvoir de l’ordonnance du 6 avril 2022 relative à l’aménagement durable des territoires littoraux exposés au recul du trait de côte, adoptée sur le fondement de l’article 248 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Elles soulèvent, dans le cadre de ce recours, une question prioritaire de constitutionnalité.
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…) « . Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. En premier lieu, l’article 242 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a introduit dans le code de l’urbanisme un article L. 121-22-1, relatif à la carte d’exposition au recul du trait de côte, ainsi qu’un article L. 121-22-2 précisant le contenu des documents graphiques des plans locaux d’urbanisme des communes concernées. L’ordonnance contestée, qui comporte des dispositions sur le bail réel immobilier pour l’adaptation à l’érosion du littoral, le droit de préemption conféré aux collectivités publiques et les dérogations possibles aux dispositions du code de l’urbanisme propres au littoral, ainsi que des dispositions particulières d’adaptation en outre-mer, pour la zone littorale dite des » cinquante pas géométriques « , n’est relative ni à la cartographie à établir par les communes concernées par le recul du trait de côte, ni au contenu des documents d’urbanisme. Dès lors, les articles L. 121-22-1 et L. 121-22-2 du code de l’urbanisme ne sont pas applicables au présent litige au sens et pour l’application des dispositions de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 citées au point 2.
4. En deuxième lieu, l’article 244 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a introduit dans le code de l’urbanisme un article L. 219-1, dont la rédaction a été modifiée par l’ordonnance attaquée, qui met en place, dans les communes concernées, un droit de préemption pour l’adaptation des territoires au recul du trait de côte. Si les associations requérantes soutiennent que cette disposition méconnaîtrait le principe de libre administration des collectivités territoriales, garanti par l’article 72 de la Constitution et précisé par le premier alinéa de l’article 72-2 de la Constitution, en ce que le législateur n’aurait pas prévu de ressources particulières pour que les communes et établissements publics de coopération intercommunale littoraux puissent mettre en œuvre ce droit de préemption, il résulte des dispositions en cause que l’usage de ce droit de préemption constitue une simple possibilité pour les communes concernées, qu’elles pourront décider de mettre en œuvre en prenant en considération, notamment, les ressources dont elles disposent. Par suite, le grief tiré de ce que l’article L. 219-1 du code de l’urbanisme méconnaîtrait la libre administration des collectivités territoriales ne présente pas de caractère sérieux.
5. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 219-7 du code de l’urbanisme, inséré dans le code par l’ordonnance attaquée : » I. – A défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation, en tenant compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, notamment de l’indemnité de réemploi. / Le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles prévues en matière d’expropriation publique sous réserve des dispositions de la présente section. / II. – La date de référence prévue à l’article L. 322-2 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique, à laquelle est pris en considération l’usage effectif des immeubles et droits réels immobiliers en vue de leur estimation, est la date à laquelle est devenu opposable aux tiers le plus récent des actes rendant public, approuvant, révisant ou modifiant le plan local d’urbanisme ou la carte communale et délimitant, en application de l’article L. 121-22-2 du présent code, la zone exposée au recul du trait de côte dans laquelle il est situé. / III. – Le prix d’un bien immobilier situé dans une zone exposée au recul du trait de côte délimitée en application du 1° de l’article L. 121-22-2 est fixé en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification et avec un niveau d’exposition similaire situés dans cette même zone./ Lorsque les références mentionnées au précédent alinéa ne sont pas suffisantes, le prix du bien est fixé en priorité par référence à des mutations et accords amiables portant sur des biens de même qualification situés hors de la zone exposée au recul du trait de côte dans laquelle il se situe. Dans ce cas, pour tenir compte de la durée limitée restant à courir avant la disparition du bien, un abattement est pratiqué sur la valeur de ces références. Cet abattement peut, notamment, être déterminé par application d’une décote calculée en fonction du temps écoulé depuis la première délimitation, en application de l’article L. 121-22-2, de la zone dans laquelle se situe le bien, rapporté à la durée totale prévisionnelle avant la disparition du bien à compter de cette première délimitation « .
6. Il résulte de ces dispositions que l’évaluation des biens immobiliers soumis au recul du trait de côte et susceptibles d’être préemptés ou expropriés relève, à défaut d’accord amiable, du juge judiciaire, compétent en matière d’expropriation, et tient compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte. Le législateur a ainsi garanti la prise en compte de la situation particulière de chaque bien. Les griefs tirés de ce que le législateur aurait méconnu l’étendue de sa compétence et porté atteinte au droit de propriété en omettant de prévoir qu’il serait tenu compte, dans la fixation de l’indemnité d’expropriation, de l’état des ouvrages de protection et des stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte sont dépourvus de caractère sérieux.
7. En quatrième lieu, aux termes de l’article L. 321-18 du code de l’environnement : » Est dénommé » bail réel d’adaptation à l’érosion côtière » le contrat de bail par lequel l’Etat, une commune ou un groupement de communes, un établissement public y ayant vocation ou le concessionnaire d’une opération d’aménagement, consent à un preneur pour une durée comprise entre douze ans et quatre-vingt-dix-neuf ans, des droits réels immobiliers en vue d’occuper lui-même ou de louer, exploiter, réaliser des installations, des constructions ou des aménagements, dans les zones exposées au recul du trait de côte délimitées dans les conditions prévues par l’article L. 121-22-2 du code de l’urbanisme. / (…) A l’échéance du bail, le terrain d’assiette du bien fait l’objet d’une renaturation comprenant, le cas échéant, la démolition de l’ensemble des installations, des constructions ou des aménagements, y compris ceux réalisés par le preneur, et les actions ou opérations de dépollution nécessaires « . Aux termes de l’article L. 321-25 du même code : » Le bail précise les conditions dans lesquelles le bien doit être libéré à son terme. / A l’échéance du bail, le bailleur, sauf stipulations contraires, procède à la renaturation du terrain, comprenant, le cas échéant, la démolition de l’ensemble des installations, des constructions ou des aménagements, y compris ceux réalisés par le preneur, et les actions ou opérations de dépollution nécessaires « .
8. Les associations requérantes soutiennent que ces dispositions, en ce qu’elles auraient pour effet de mettre à la charge de la seule collectivité publique le coût de la remise en état du terrain, méconnaissent les dispositions de l’article 4 de la charte de l’environnement aux termes desquelles : » Toute personne doit contribuer à la réparation des dommages qu’elle cause à l’environnement, dans les conditions définies par la loi « . Toutefois, l’opération de renaturation prévue par les dispositions précitées ne constitue pas, en tant que telle, la réparation d’un dommage à l’environnement. Par suite, les dispositions de l’article 4 de la charte de l’environnement ne peuvent être utilement invoquées.
9. En cinquième lieu, les articles L. 312-8 et L. 312-9 du code de l’urbanisme issus de l’article 7 de l’ordonnance attaquée prévoient des dérogations aux dispositions du code de l’urbanisme propres au littoral en vue de permettre la relocalisation des constructions, ouvrages ou installations menacés par l’évolution du trait de côte, l’article L. 312-9 subordonnant cette relocalisation à » l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat « . Les associations requérantes soutiennent que ces dispositions méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales en ce qu’elles instaureraient une tutelle de l’Etat en matière d’urbanisme.
10. Toutefois, si en vertu de l’article 72 de la Constitution les collectivités territoriales » s’administrent librement par des conseils élus « , les dispositions litigieuses, qui donnent aux autorités compétentes de l’Etat le pouvoir de s’opposer à une opération de relocalisation dérogeant aux dispositions du code de l’urbanisme relatives aux zones littorales, ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte qui excèderait la réalisation de l’objectif d’intérêt général poursuivi par les nécessités de protection de l’espace particulièrement sensible que constitue le littoral.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les questions de constitutionnalité soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas de caractère sérieux. Il n’y a, dès lors, pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.
Sur les autres moyens du recours pour excès de pouvoir formé par l’association nationale des élus du littoral et l’association des maires de France :
En ce qui concerne la procédure de consultation :
12. Aux termes de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement : » I.- Le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public, prévu à l’article 7 de la Charte de l’environnement, est applicable aux décisions, autres que les décisions individuelles, des autorités publiques ayant une incidence sur l’environnement lorsque celles-ci ne sont pas soumises, par les dispositions législatives qui leur sont applicables, à une procédure particulière organisant la participation du public à leur élaboration. (…) II (…) Dans le cas où la consultation d’un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause est obligatoire et lorsque celle-ci intervient après la consultation du public, la synthèse des observations et propositions du public lui est transmise préalablement à son avis. (…) « .
13. D’une part, la collectivité territoriale de Guyane ne constitue pas un organisme consultatif comportant des représentants des catégories de personnes concernées par la décision en cause visé par les dispositions de l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement précité. D’autre part, il ressort des pièces du dossier, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que la consultation du public sur l’ordonnance attaquée est intervenue entre le 3 et le 24 mars 2022, alors que le Conseil national d’évaluation des normes, dont la consultation était obligatoire en application des dispositions de l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales, a examiné le projet d’ordonnance lors de sa séance du 25 mars 2022. La consultation de cette instance a donc eu lieu à une date à laquelle ne pouvait lui être transmise la synthèse des observations et propositions du public. Par suite, le moyen tiré d’une irrégularité sur ce point de la procédure d’élaboration de l’ordonnance ne peut qu’être écarté.
En ce qui concerne les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte :
14. En premier lieu, aux termes du 3° du I de l’article 248 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets : » Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance, au plus tard neuf mois après la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant : / (…) 3° De définir ou d’adapter les outils d’aménagement foncier et de maîtrise foncière nécessaires à l’adaptation des territoires exposés au recul du trait de côte, notamment en ajustant les missions des gestionnaires de foncier public et en définissant les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, tout en prenant en compte l’état des ouvrages de protection et les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, ainsi que, le cas échéant, les modalités de calcul des indemnités d’expropriation et les mesures d’accompagnement « .
15. Il résulte de ces dispositions que le législateur a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure définissant les modalités d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte. Dès lors, l’ordonnance attaquée pouvait, sans méconnaître le champ de l’habilitation législative, prévoir que pour tous les biens situés dans une zone exposée au recul du trait de côte, y compris ceux entrant dans le champ des articles L. 561-1 et L. 561-3 du code de l’environnement relatifs à l’expropriation pour risques naturels majeurs, les modalités d’évaluation soient celles prévues à l’article L. 219-7 du code de l’urbanisme issu de l’article 1er de cette même ordonnance. Par suite, le moyen tiré de ce que l’ordonnance serait entachée d’incompétence doit être rejeté.
16. En deuxième lieu, le propriétaire d’un bien soumis à l’érosion côtière est placé dans une situation différente de celle des propriétaires de biens soumis à d’autres risques naturels majeurs. C’est donc sans méconnaissance du principe d’égalité que l’ordonnance a pu prévoir un mécanisme d’évaluation propre aux biens soumis au recul du trait de côte.
17. En troisième lieu, il ne résulte pas des termes de la loi d’habilitation rappelés au point 14 que l’ordonnance devait expressément prévoir de prendre en compte, au titre de la méthode d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte, l’état des ouvrages de protection et les stratégies locales de gestion intégrée du trait de côte, ainsi que les mesures d’accompagnement. Par suite, en prévoyant que la méthode d’évaluation des biens exposés au recul du trait de côte se ferait » en tenant compte de l’exposition du bien au recul du trait de côte « , l’article L. 219-7 du code de l’urbanisme issu de l’article 1er de l’ordonnance attaquée, cité au point 5, a respecté les termes de la loi d’habilitation.
En ce qui concerne le bail réel immobilier :
18. Aux termes du 1° de l’article 248 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant de la loi et permettant » 1° De créer un nouveau régime de contrat de bail réel immobilier de longue durée, par lequel un bailleur consent à un preneur des droits réels en contrepartie d’une redevance foncière, en vue d’occuper ou de louer, d’exploiter, d’aménager, de construire ou de réhabiliter des installations, ouvrages et bâtiments situés dans des zones exposées au recul du trait de côte ou à des risques naturels aggravés par le changement climatique « . L’ordonnance attaquée a prévu, à son article 5, le régime de ce bail réel immobilier, notamment codifié aux articles L. 321-18 et L. 321-25 du code de l’environnement cités au point 7.
19. Les associations requérantes soutiennent que ces dispositions, en ce qu’elles feraient peser sur la collectivité publique le coût de la renaturation et de la dépollution en fin de bail, seraient contraires aux termes de la loi d’habilitation, à un principe général du droit selon lequel ce serait au preneur de remettre les lieux en l’état, au principe constitutionnel du pollueur-payeur et à la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux. Toutefois, d’une part, le 1° de l’article 248 de la loi du 22 août 2021 cité au point 18 autorisait le Gouvernement à créer un nouveau bail réel immobilier, ce qui impliquait nécessairement, comme l’a fait l’ordonnance, d’en préciser le régime juridique, d’autre part, aucun principe général du droit n’implique qu’il incomberait nécessairement au preneur à bail de remettre les lieux en l’état et, enfin, les dispositions de la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004, transposées aux articles L. 160-1 et suivants du code de l’environnement, ne sont pas applicables au bail réel immobilier institué par l’ordonnance attaquée, dont le régime ne fait au demeurant pas par lui-même obstacle à l’application du principe du pollueur-payeur. Enfin, et en tout état de cause, ainsi que cela résulte des dispositions de l’article L. 321-25 citées au point 7, qui permettent de prévoir des clauses imposant au preneur à bail de procéder à la renaturation et à la dépollution du terrain, ainsi que de l’article L. 321-21 du code de l’environnement, aux termes duquel le montant de la redevance et du prix à verser à la signature du bail est calculé pour tenir compte » des coûts prévisionnels pour assurer la réalisation de l’ensemble des actions ou opérations permettant la renaturation du terrain d’assiette du bien à l’expiration du bail « , le coût de la renaturation et de la dépollution du terrain pourra être pris en charge par le preneur à bail.
En ce qui concerne les possibilités de déroger aux dispositions du code de l’urbanisme propres au littoral :
20. Les dispositions prévues par l’article 7 de l’ordonnance attaquée, codifiées aux articles L. 312-8 et suivants du code de l’urbanisme, autorisent, en vue de la relocalisation de constructions, d’ouvrages ou d’installations menacés par l’évolution du trait de côte, qu’il soit dérogé aux dispositions du code de l’urbanisme relatives au littoral, sous réserve, d’une part, de la signature d’un contrat de projet partenarial d’aménagement prévoyant une opération d’aménagement ayant pour objet de mettre en œuvre la recomposition spatiale du territoire des communes concernées et, d’autre part, de l’accord du représentant de l’Etat. Outre le grief d’inconstitutionnalité analysé aux points 9 et 10, les associations requérantes soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient les termes de la loi d’habilitation.
21. Le 4° de l’article 248 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a autorisé le Gouvernement à prévoir des dérogations limitées et encadrées au chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme, lorsqu’elles sont nécessaires à la mise en œuvre d’un projet de relocalisation durable des constructions situées dans les zones d’exposition au recul du trait de côte. Les dispositions contestées constituent des dérogations limitées et encadrées aux dispositions du code de l’urbanisme relatives au littoral. Par suite, le moyen tiré de ce qu’elles méconnaîtraient les termes de la loi d’habilitation ne peut qu’être écarté.
22. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l’association nationale des élus du littoral et autre doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par l’association nationale des élus du littoral et autre.
Article 2 : La requête de l’association nationale des élus du littoral et autre est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à l’association nationale des élus du littoral, première dénommée, à la Première ministre, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel.
Délibéré à l’issue de la séance du 20 septembre 2023 où siégeaient : Mme Christine Maugüé, présidente adjointe de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, M. Jean-Philippe Mochon, présidents de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, conseillers d’Etat et Mme Rozen Noguellou, conseillère d’Etat-rapporteure.
Rendu le 13 octobre 2023.
La présidente :
Signé : Mme Christine Maugüé
La rapporteure :
Signé : Mme Rozen Noguellou
La secrétaire :
Signé : Mme Valérie Peyrisse