Rappelons que l’article 3, alinéa 2 de la loi Bouchardeau prévoit une durée minimale d’un mois (Art. L.123-7 al.2 du Code de l’environnement) pour l’enquête publique, la durée maximale ne pouvant excéder deux mois (D. n°85-453 du 23 avril 1985, art. 11). Cette durée peut être prorogée, par décision motivée du commissaire enquêteur, au maximum de quinze jours (Art. R.123-13 du Code de l’environnement).
Concernant la date à laquelle doit se dérouler l’enquête et circonstances qui doivent l’entourer, faute de disposition textuelle concernant la période durant laquelle peut se dérouler l’enquête, la directive du 14 mai 1976 relative à l’information du public et à l’organisation des enquêtes publiques (JO du 19 mai 1976) qui recommande de ne pas faire coïncider, sauf si l’opération intéresse les touristes, l’enquête publique avec les périodes d’été ou d’hiver, n’ayant pas de valeur réglementaire, le juge administratif procède à une appréciation in concreto, au cas par cas, de l’adéquation de la période choisie avec l’objet de l’enquête, ne censurant toutefois jamais l’autorité administrative pour ce seul motif (CE 27 février 1970, Chenu et a. Rec. p.148 ; CE 9 novembre 1994, Ass. Juvignac-la-Plaine-environnement, n°Rev. Jur. Env. 1995, p.158).
La jurisprudence administrative a eu à connaître à de nombreuses reprises de la question de savoir si une enquête publique était entachée d’illégalité dès lors qu’elle se déroulait en période de congés. En toute logique, ces périodes ne permettent pas au plus grand nombre de faire des observations.
Le Conseil d’État estime au contraire que des enquêtes publiques peuvent inclure des périodes de congés scolaires (CE 4 octobre 1978, Assoc. Féd. Rég. Pour la protection de la nature, région de l’Est : Quot. Jur. 14 décembre 1978, p.12).
Par exemple, s’agissant de l’élaboration d’un plan d’aménagement d’une zone industrielle de recherche scientifique et technique, le juge administrative a estimé que :
« Considérant qu’aucune disposition législative ou réglementaire n’interdisait au maire de la commune de Montbonnot-Saint-Martin de décider que l’enquête relative au plan d’aménagement de zone de la zone industrielle de recherche scientifique et technique se déroulerait du 23 juin au 22 juillet 1988 ; qu’ainsi la circonstance que l’enquête a été menée en partie pendant les congés d’été est sans influence sur la régularité de la procédure suivie ; » (CE 11 juin 1997, Félix et a., n°138665).
Dans une autre affaire, le juge a considéré que :
« la circonstance que l’enquête publique, qui s’est déroulée du 20 juillet au 20 août 1988, a eu lieu durant une période de congés d’été, ne saurait entacher d’irrégularité ladite enquête publique dès lors que le choix de la période retenue n’a pas eu pour objet de placer les personnes intéressées dans l’impossibilité de présenter leurs observations ; que le fait, qu’au cours de l’enquête, un nombre relativement faible d’observations a été recueilli, ne saurait pas davantage faire regarder la procédure suivie comme irrégulière ; »
A titre purement indicatif, le fait que le dossier ne puisse pas être consulté certains jours est indifférent. Ainsi, les samedis, les dimanches et les jours fériés sont comptabilisés au même titre que les jours ordinaires d’ouverture (CE 21 juillet 1970, Epx Courbey, Rec. p.1071 ; CAA Lyon, 19 décembre 1995, Brun, n°95LY00973).
D’une façon très concrète mais en définitive peu contraignante, l’article 14 du décret n°85-453 du 23 avril 1985 (Art. R.123-16 du Code de l’environnement) précise que ces jours et heures :
« doivent être fixés de manière à permettre la participation de la plus grande partie de la population, compte tenu notamment de ses horaires normaux de travail ; ils comprennent au minimum les jours et heures habituels d’ouverture au public de chacun des lieux où est déposé le dossier ; ils peuvent comprendre plusieurs demi-journées prises parmi les samedis, dimanches et jours fériés. »
En définitive, le juge est assez pragmatique, il considère par exemple que la réduction effective de la durée d’une enquête n’a pas été de nature à empêcher les intéressés de présenter leurs observations (CE 17 janvier 1930, Cne de Voutezac, Rec. p.74 ; CE 5 janvier 1994, Veyrier, Rev. Jur. Env. 1995, p.153).
Il résulte des jurisprudences précitées que l’enquête publique peut légalement se dérouler en période de congés si les modalités de son organisation n’empêchent pas les personnes intéressées de présenter leurs observations.
La question s’est rarement posée en sens inverse. Le juge administratif s’est effet rarement prononcé sur la question de savoir si eu égard à l’importance, à l’objet et au lieu du projet (situé dans une ville touristique), l’enquête publique devait absolument inclure une période de congés (été, hiver, ou congés scolaires) pour permettre au plus grand nombre de participer (habitants et touristes).
La Cour administrative d’appel de Nantes a considéré récemment, s’agissant d’un projet d’aménagement d’une route départementale devant contourner plusieurs villes touristiques que :
« […] la circonstance que l’enquête publique ne se soit pas déroulée durant la période estivale au cours de laquelle la commune de Talmont-Saint-Hilaire connaît une importante augmentation de sa population en raison de son caractère touristique, est sans influence sur la régularité de l’enquête publique ; […] » (CAA Nantes, Ass. Talmont Nord Sud et a., n°03NT00632)
Le Conseil d’État a estimé quant à lui récemment, s’agissant de travaux d’aménagement d’une ligne de chemin de fer entre Perpignan et le Perthus, obligeant certaines communes touristiques à mettre leur POS en compatibilité avec le projet, que :
« […] le fait que la période d’enquête ait débuté après les vacances scolaires et se soit déroulée durant les vendanges n’est pas, en lui-même, de nature à entacher d’irrégularité la procédure ; […] » (CE 30 juillet 2003, ADIHT, n°240850).
Il est venu ainsi confirmer une jurisprudence selon laquelle, s’agissant en l’espèce d’une commune littorale, « aucune disposition législative ou réglementaire n’impose que la période choisie pour le déroulement de l’enquête coïncide avec un moment de l’année où une commune connaît une forte affluence touristique » (CE 17 juin 1998, Asso. de défense des propriétaires Longevillais, req. n°169463).
En toute hypothèse, le premier et le dernier jour de l’enquête devront nécessairement correspondre à des jours ouvrables (CE 6 juillet 1077, Cne de Saint-Paul-Trois-Châteaux, Rec. p.180).
En conséquence, il ressort de la jurisprudence qu’une ville touristique pourra organiser l’enquête publique à la période qu’elle souhaite en incluant ou non des périodes de vacances scolaires ; l’important étant que le dispositif de consultation des pièces du dossier d’enquête mis en place en mairie ne fasse pas obstacle à l’accès du public aux documents soumis à enquête, ni n’entrave la possibilité pour les intéressés de formuler leurs observations (CE 17 juin 1998, Asso. de défense des propriétaires Longevillais, req. n°169463).
Frédéric RENAUDIN