Une question prioritaire de constitutionnalité sur le droit de défricher son bois sans autorisation (DP) n’est pas sérieuse.
Conseil d’État
N° 342502
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème sous-section jugeant seule
Mme Hubac, président
M. Philippe Ranquet, rapporteur
lecture du mercredi 3 novembre 2010
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu l’ordonnance n° 1004244 du 13 août 2010, enregistrée le 17 août 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président de la 9ème chambre du tribunal administratif de Versailles, avant qu’il soit statué sur la demande de Mme Christine A tendant à l’annulation de l’arrêté du 15 septembre 2009 par lequel le préfet de l’Essonne a autorisé le défrichement d’un terrain boisé d’une superficie de 14 105 m2 sur le territoire de la commune de Boussy-Saint-Antoine, a décidé, par application des dispositions de l’article 23-2 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d’Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 311-1 du code forestier ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 2010 au greffe du tribunal administratif de Versailles, présenté pour Mme Christine A, demeurant …, en application de l’article 23-1 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu l’article L. 311-1 du code forestier ;
Vu le code de justice administrative et notamment son article R. 771-15 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Philippe Ranquet, Maître des Requêtes,
– les conclusions de Mme Catherine de Salins, rapporteur public ;
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article 23-4 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu’une juridiction relevant du Conseil d’Etat a transmis à ce dernier, en application de l’article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant qu’aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 311-1 du code forestier : Nul ne peut user du droit de défricher ses bois sans avoir préalablement obtenu une autorisation. Sous réserve de l’application des dispositions de l’article L. 311-3, l’autorisation est délivrée à l’issue d’une procédure dont les formes sont fixées par décret en Conseil d’Etat. Faute de réponse de l’administration dans les délais déterminés par décret en Conseil d’Etat, le défrichement peut être exécuté ;
Considérant qu’à l’appui de la question prioritaire de constitutionnalité qu’elle soulève à l’encontre des dispositions précitées, Mme A soutient qu’elles méconnaissent l’article 7 de la Charte de l’environnement qui réserve au législateur le soin de préciser les conditions et limites dans lesquelles s’exerce le droit reconnu à toute personne de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ;
Considérant, toutefois, que les dispositions de l’article L. 311-1 du code forestier ont été édictées à une date antérieure à l’intervention de la loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à la Charte de l’environnement ; que, par suite, la méconnaissance par le législateur de la compétence qui lui a été conférée par les dispositions de l’article 7 de cette charte ne peut être invoquée utilement à leur encontre ; qu’au surplus, en prévoyant que les formes de la procédure de délivrance des autorisations de défrichement sont fixées par décret en Conseil d’Etat, le législateur n’a pas habilité le pouvoir réglementaire à déterminer les conditions dans lesquelles le public est informé des projets et mis à même de formuler des observations, cette question étant réglée par des dispositions législatives relatives aux enquêtes publiques sur les projets de travaux de nature à affecter l’environnement, insérées au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement et précisées par des dispositions réglementaires ; que, par suite, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède qu’il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par Mme A ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Versailles.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Christine A, au préfet de l’Essonne, au Premier ministre, à l’association foncière urbaine libre des Boissières, à la SNC Lotibey, à la société Foncière immobilière européenne et à la société Espace habitat construction.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au tribunal administratif de Versailles.