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Une agglomération SRU de 50.000 habitants, c’est quoi ?

Conseil d’État 

N° 350071    

Mentionné dans les tables du recueil Lebon
5ème et 4ème sous-sections réunies
M. Jean-Dominique Langlais, rapporteur
Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats

lecture du mercredi 17 avril 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juin et 12 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la commune de Juvignac, représentée par son maire ; la commune de Juvignac demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 09MA00490 du 7 avril 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0601968 du 2 décembre 2008 du tribunal administratif de Montpellier rejetant sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 16 février 2006 par lequel le préfet de l’Hérault a, sur le fondement de l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation, prononcé sa carence et fixé à 58 % la majoration à appliquer pour l’année 2007 au prélèvement prévu à l’article L. 302-7 et, d’autre part, à la condamnation de l’Etat à lui reverser la somme de 55 492 euros correspondant au produit de la compensation opérée sur les attributions versées à la commune par le Trésor public au titre de l’article L. 2332-2 du code général des collectivités territoriales ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l’habitation ;

Vu le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, Maître des Requêtes,

– les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Juvignac,

– les conclusions de Mme Fabienne Lambolez, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune de Juvignac ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 :  » Les dispositions de la présente section s’appliquent aux communes dont la population est au moins égale à 1 500 habitants en Ile-de-France et 3 500 habitants dans les autres régions qui sont comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants, et dans lesquelles le nombre total de logements locatifs sociaux représente, au 1er janvier de l’année précédente, moins de 20 % des résidences principales (…)  » ; qu’aux termes de l’article L. 302-7 du même code :  » A compter du 1er janvier 2002, il est effectué chaque année un prélèvement sur les ressources fiscales des communes visées à l’article L. 302-5 (…)  » ; qu’enfin, aux termes de l’article L. 302-9-1 :  » Lorsque, dans les communes soumises au prélèvement défini à l’article L. 302-7, au terme de la période triennale échue, (…) le nombre de logements locatifs sociaux à réaliser en application du dernier alinéa de l’article L. 302-8 n’a pas été atteint, le préfet informe le maire de la commune de son intention d’engager la procédure de constat de carence. Il lui précise les faits qui motivent l’engagement de la procédure et l’invite à présenter ses observations dans un délai au plus de deux mois. / En tenant compte de l’importance de l’écart entre les objectifs et les réalisations constatées au cours de la période triennale échue, des difficultés rencontrées le cas échéant par la commune et des projets de logements sociaux en cours de réalisation, le préfet peut, par un arrêté motivé pris après avis du comité régional de l’habitat, prononcer la carence de la commune. Par le même arrêté, il fixe, pour une durée maximale de trois ans à compter du 1er janvier de l’année suivant sa signature, la majoration du prélèvement défini à l’article L. 302-7 (…)  » ;

2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté pris le 16 février 2006 sur le fondement de l’article L. 302-9-1 du code de l’habitation et de la construction, le préfet de l’Hérault a, d’une part, constaté que la commune de Juvignac n’avait pas atteint le nombre de logements sociaux dont la réalisation lui incombait en application de l’article L. 302-5 et, d’autre part, fixé à 58% la majoration à appliquer pour l’année 2007 au prélèvement effectué sur ses ressources fiscales, prévu à l’article L. 302-7 ; que la commune a attaqué cette décision devant le tribunal administratif de Montpellier, qui a rejeté sa demande par un jugement du 2 décembre 2008 ; qu’elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 7 avril 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement ;

3. Considérant que la commune de Juvignac contestait en appel, par une argumentation précise et qui n’était pas inopérante, son inclusion dans l’agglomération de Montpellier, sur laquelle l’arrêté attaqué se fondait pour lui faire application des dispositions de l’article L. 302-9-1 ; qu’elle soutenait en particulier qu’il existait entre les parties bâties des deux communes une distance supérieure à deux cents mètres ; qu’en se bornant à retenir qu’il ressortait  » du document de l’INSEE intitulé  » Composition communale des unités urbaines, population et délimitation 1999  » et d’un courrier en date du 20 février 2007 adressé par le directeur général de cet institut à son maire  » que la commune de Juvignac était comprise dans l’agglomération de Montpellier, la cour administrative d’appel a insuffisamment motivé son arrêt; que, par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la commune de Juvignac est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

4. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant, en premier lieu, qu’un moyen d’inconstitutionnalité des dispositions législatives applicables au litige, initialement irrecevable parce que présenté dans un mémoire enregistré le 7 août 2009, antérieurement à la date du 1er mars 2010 fixée par l’article 7 du décret du 16 février 2010 relatif à l’application de l’article 61-1 de la Constitution, a été ensuite repris dans un mémoire distinct produit le 12 avril 2010 ; que, par une décision du 23 juillet 2010, le Conseil d’Etat, auquel la question prioritaire de constitutionnalité avait été transmise par une ordonnance du président de la cour administrative d’appel de Marseille du 18 mai 2010, a décidé de ne pas renvoyer cette question au Conseil constitutionnel ; qu’ainsi le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait fondée sur des dispositions législatives contraires à la Constitution ne saurait être accueilli ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément aux dispositions citées ci-dessus de l’article L. 302-9-1, le préfet de l’Hérault a, par une lettre du 12 octobre 2005, informé le maire de Juvignac de son intention d’engager la procédure de constat de carence et l’a invité à présenter ses observations ; que, si la commune invoque une circulaire ministérielle n° 2005-50 UHC/DUH du 5 août 2005 qui prévoit que le préfet informe le maire avant le 15 septembre, cette mention se réfère au 15 septembre de l’année précédant celle au titre de laquelle le préfet entend appliquer la majoration du prélèvement ; que ce n’est qu’à compter du 1er janvier 2007 que, par l’arrêté attaqué, le préfet a fixé la majoration du prélèvement prévu à l’article L. 302-7 ; qu’ainsi, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la lettre d’information du 12 octobre 2005 serait intervenue à une date qui ne serait pas conforme aux mentions de la circulaire manque en fait ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte des dispositions des articles L. 302-5 à L. 302-9-2 du code de la construction et de l’habitation, éclairées par les travaux préparatoires de la loi  » solidarité et renouvellement urbain  » du 13 décembre 2000 d’où elles sont issues, que, pour déterminer si des communes sont  » comprises, au sens du recensement général de la population, dans une agglomération de plus de 50 000 habitants « , il y a lieu de se référer à la notion d’  » unité urbaine  » retenue par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ; que l’unité urbaine, telle que définie par l’INSEE à la date de la décision attaquée, est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu, c’est-à-dire sans coupure de plus de deux cents mètres entre deux constructions, les terrains servant à des  » buts publics  » ou à des  » fins industrielles  » ainsi que les cours d’eau traversés par des ponts n’étant pas pris en compte pour la détermination de la distance séparant les habitations ; que, si la commune requérante soutient qu’il n’y a pas, entre elle et la commune de Montpellier, continuité du bâti, il ressort des pièces du dossier que les parties bâties de la commune de Juvignac ne sont pas séparées de celles de la commune de Montpellier par une distance supérieure à deux cents mètres, ni la présence d’axes routiers ni celle d’un parc public n’étant de nature, eu égard à ce qui a été dit ci-dessus, à interrompre la continuité de ces espaces ; que le préfet de l’Hérault n’a dès lors commis ni erreur d’appréciation ni erreur de droit en faisant application à la commune de Juvignac, qui ne conteste pas qu’étaient remplies, par ailleurs, les autres conditions posées par l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation, des dispositions des articles L. 302-5 à L 302-9-2 de ce code ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la commune de Juvignac n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 16 février 2006 du préfet de l’Hérault ; que ses conclusions aux fins de condamnation de l’Etat à lui reverser une somme correspondant à la majoration contestée ne peuvent, par voie de conséquence, qu’être rejetées ;

9. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt du 7 avril 2011 de la cour administrative d’appel de Marseille est annulé.

Article 2 : La requête de la commune de Juvignac devant la cour administrative d’appel de Marseille est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Juvignac présentées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Juvignac et à la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

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