Conseil d’État, 6ème sous-section jugeant seule, 12/12/2014, 377571, Inédit au recueil Lebon
1°) d’annuler l’arrêt n° 12NT01515 du 14 février 2014 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes, sur la requête du ministre de l’égalité des territoires et du logement, a, d’une part, annulé le jugement n° 0901416 du 30 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 27 janvier 2009 par laquelle le préfet du Finistère a rejeté la demande de M. et Mme A…tendant au retrait de l’arrêté du 31 mai 1999 approuvant la modification du tracé de la servitude de passage des piétons sur le littoral de la commune de Logonna-Daoulas et cet arrêté et, d’autre part, rejeté la demande présentée contre cette décision du préfet par M. et Mme A…devant le tribunal administratif de Rennes ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d’appel ;
3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
Vu l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu le code de l’urbanisme, notamment son article L. 160-6 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat de Mme A…;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 822-1 du code de justice administrative : » Le pourvoi en cassation devant le Conseil d’Etat fait l’objet d’une procédure préalable d’admission. L’admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n’est fondé sur aucun moyen sérieux. » ;
Sur la question prioritaire de constitutionnalité :
2. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’État (…) » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 160-6 du code de l’urbanisme, issu de l’article 52 de la loi du 31 décembre 1976 portant réforme de l’urbanisme : » Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d’une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. / L’autorité administrative peut, par décision motivée prise après avis du ou des conseils municipaux intéressés et au vu du résultat d’une enquête publique effectuée comme en matière d’expropriation : / a) Modifier le tracé ou les caractéristiques de la servitude, afin, d’une part, d’assurer, compte tenu notamment de la présence d’obstacles de toute nature, la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, d’autre part, de tenir compte des chemins ou règles locales préexistants ; le tracé modifié peut grever exceptionnellement des propriétés non riveraines du domaine public maritime ; / b) A titre exceptionnel, la suspendre. / Sauf dans le cas où l’institution de la servitude est le seul moyen d’assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, la servitude instituée aux alinéas 1 et 2 ci-dessus ne peut grever les terrains situés à moins de quinze mètres des bâtiments à usage d’habitation édifiés avant le 1er janvier 1976, ni grever des terrains attenants à des maisons d’habitation et clos de murs au 1er janvier 1976. » ;
4. Considérant que Mme A…soutient qu’en instituant une différence de traitement injustifiée entre les propriétaires de terrains bâtis et clôturés avant le 1er janvier 1976 et ceux dont les terrains l’ont été après cette date, le dernier alinéa de l’article L. 160-6 du code de l’urbanisme méconnaît le principe d’égalité garanti par l’article 6 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; que, toutefois, en excluant du champ d’application de la servitude qu’il instituait, sauf dans le cas où l’institution de cette servitude serait le seul moyen d’assurer la continuité du cheminement des piétons ou leur libre accès au rivage de la mer, les propriétés sur lesquelles ont été édifiées des habitations avant le début de l’année civile au cours de laquelle la disposition contestée a été discutée et adoptée par le Parlement, le législateur a entendu prendre en compte la situation des propriétaires qui ont légalement édifié leur habitation à une époque où l’institution d’une telle servitude n’était pas envisagée ; que ces propriétaires se trouvaient, au regard de l’institution par la loi de la servitude, dans une situation différente de celle des propriétaires de terrains non bâtis et de ceux qui ont édifié une habitation sur des terrains déjà grevés par la servitude ; que dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le dernier alinéa de l’article L. 160-6 du code de l’urbanisme méconnaîtrait le principe d’égalité devant la loi est dépourvu de caractère sérieux ; que, par suite, la question soulevée, qui n’est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ;
5. Considérant qu’ainsi, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que le dernier alinéa de l’article L. 160-6 du code de l’urbanisme porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être regardé comme non sérieux ;
Sur les autres moyens :
6. Considérant que pour demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque, Mme A… soutient, en outre, qu’en estimant que la modification de la servitude approuvée par l’arrêté du 31 mai 1999 était justifiée par la topographie du terrain, qui implique de contourner une parcelle et de passer sur la parcelle dont elle est propriétaire pour assurer la continuité du cheminement, la cour administrative d’appel de Nantes a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier ; qu’en estimant que les informations relatives à la largeur du passage contenues dans la notice explicative étaient de nature à compenser l’absence de plan parcellaire, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier ; qu’en estimant que l’absence de consultation, lors de l’enquête publique, des époux A…n’avait pas entaché d’illégalité les décisions litigieuses du préfet du Finistère, dès lors qu’ils n’apparaissaient pas alors comme propriétaires d’une des parcelles concernées, la cour a commis une erreur de droit ; qu’en estimant que la mesure exceptionnelle de suspension de la servitude de passage le long du littoral, prévue par les dispositions alors en vigueur de l’article R. 160-14 du code de l’urbanisme, ne trouvait pas à s’appliquer en l’espèce en l’absence d’aménagements préexistants permettant un cheminement continu et sécurisé, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier ; qu’en estimant qu’elle n’apportait pas d’éléments permettant d’établir que la maison des propriétaires de la parcelle n° 1625 avait été construite après le 1er janvier 1976, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier ; qu’en se fondant sur les dispositions du règlement du plan d’occupation des sols de la commune de Logonna-Daoulas adopté postérieurement à l’arrêté litigieux du 31 mai 1999, la cour a commis une erreur de droit ; qu’en estimant qu’il n’était pas établi que le nouveau tracé était plus dangereux que le tracé de la servitude de droit, la cour a entaché son arrêt d’erreur de droit et de dénaturation des pièces du dossier ;
7. Considérant qu’aucun de ces moyens n’est de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par MmeA….
Article 2 : Le pourvoi de Mme A…n’est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme B…A…et à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.