Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’association Erdre et Nature, M. et Mme Jean-Pierre A. et M. et Mme Olivier B. ont demandé au tribunal administratif de Nantes d’annuler l’arrêté du 12 avril 2016 du président du conseil départemental de la Loire-Atlantique portant délimitation de l’emprise de la servitude de marchepied grevant les propriétés riveraines de l’Erdre sur le territoire de la commune de La Chapelle-sur-Erdre.
Par un jugement n° 1604880, 1604904 du 9 octobre 2018, le tribunal administratif de Nantes a rejeté notamment leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 11 décembre 2018 et le 23 mai 2019, L’association Erdre et Nature, M. et Mme Jean-Pierre A. et M. et Mme Olivier B., représentés par la Selarl Ares puis par Me Le Dantec, demandent à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes en tant qu’il a rejeté leur demande ;
2°) d’annuler l’arrêté du président du conseil départemental de la Loire-Atlantique du 12 avril 2016 ;
3°) de mettre à la charge du département de la Loire-Atlantique une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
– le tribunal n’a pas répondu au moyen tiré de ce que seul l’Etat pouvait compétemment alourdir la servitude légale de marchepied et s’écarter du tracé tel qu’il résulte des dispositions légales ;
– le tribunal n’a pas répondu au moyen tiré de l’atteinte aux principes de protection de l’environnement ;
– en fixant la limite de l’emprise de la servitude de marchepied sans être saisi d’une demande formée par le conseil municipal de La Chapelle-sur-Erdre, seul compétent pour présenter, sur le fondement de l’article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques, une telle demande au nom de la commune, le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique, qui ne pouvait s’autosaisir, a entaché son arrêté de vice de procédure ;
– le département ne peut être regardé comme l’autorité administrative compétente pour, en application de l’article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques, fixer la limite de l’emprise de la servitude de marchepied, seul l’Etat, plus précisément son représentant dans le département, pouvant alourdir la servitude légale de marchepied et s’écarter du tracé tel qu’il résulte des dispositions légales ;
– le département de la Loire-Atlantique n’étant pas devenu régulièrement et légalement propriétaire du domaine public fluvial de l’Erdre, il ne pouvait compétemment édicter l’arrêté contesté ;
– il n’est pas établi que le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique ait été valablement habilité par son conseil pour procéder à la délimitation de la servitude de marchepied ;
– l’arrêté contesté aurait dû être précédé d’une étude d’impact ou a minima d’une évaluation environnementale conformément aux articles L. 122-1 et suivants et L. 122-4 et suivants du code de l’environnement ;
– il aurait dû donner lieu à enquête publique ;
– il est intervenu en méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement ;
– l’autorisation prévue à l’article L. 341-10 du code de l’environnement n’a pas été recueillie ;
– il est insuffisamment motivé en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et les administrations ;
– l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et les administrations a été méconnu ;
– la portion des rives de l’Erdre concernée par l’arrêté n’appartenant pas au domaine public naturel, le régime de la servitude de marchepied ne lui est pas applicable ;
– l’arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a délimité le domaine public fluvial est illégal et a, d’ailleurs, été partiellement annulé ;
– l’arrêté méconnaît, du fait de son imprécision, les dispositions de l’article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques ;
– les contournements sont généralisés et non justifiés au regard des dispositions de l’article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques ;
– l’arrêté est entaché de contradiction interne ;
– il revient à procéder à une expropriation de fait ;
– il porte une atteinte excessive au droit de propriété des riverains, protégé notamment par les stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– il porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale des riverains, en méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– il méconnaît les principes de protection de l’environnement, en particulier les principes de précaution, d’action préventive et de correction et de solidarité écologique.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2019, le département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des requérants d’une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
– le moyen tiré du défaut d’évaluation environnementale est inopérant ;
– le moyen tiré de l’exception d’illégalité de l’arrêté du 27 mars 2013 portant délimitation du domaine public fluvial à La Chapelle-sur-Erdre est irrecevable ;
– les autres moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la Constitution ;
– la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code des relations entre le public et les administrations ;
– la loi du 26 décembre 1908 portant fixation des recettes et des dépenses de l’exercice 1909, notamment son article 67 ;
– la loi du 8 avril 1910 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1910, notamment son article 128 ;
– la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 ;
– la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
– la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 ;
– l’ordonnance du 10 juillet 1835 ;
– l’ordonnance n° 2006-460 du 21 avril 2006 ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Bougrine,
– les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
– les observations de Me Le Dantec, représentant les requérants et les observations de Me Robert, représentant le département de la Loire-Atlantique.
Une note en délibéré présentée par *** a été enregistrée le ***.
Considérant ce qui suit :
1. L’association Erdre et Nature, M. et Mme A. et M. et Mme B. relèvent appel du jugement du 9 octobre 2018 du tribunal administratif de Nantes en tant qu’il a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 12 avril 2016 par lequel le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a, en application de l’article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques, fixé la limite de l’emprise de la servitude de marchepied mentionnée à l’article L. 2131-2 du même code sur le territoire de la commune de La Chapelle-sur-Erdre (Loire-Atlantique).
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D’une part, contrairement à ce que soutiennent les appelants, le tribunal a suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce que seul l’Etat aurait été compétent pour prendre l’arrêté en litige.
3. D’autre part, le jugement attaqué vise le moyen tiré de ce que l’arrêté du 12 avril 2016 méconnaîtrait les principes de précaution, d’action préventive et de correction ainsi que de solidarité écologique. Toutefois, ce moyen, au soutien duquel les demandeurs n’ont au demeurant présenté aucune argumentation propre, est inopérant. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu’en s’abstenant d’y répondre, les premiers juges auraient entaché leur jugement d’irrégularité.
Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 12 avril 2016 :
4. Aux termes de l’article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques : « Les propriétaires riverains d’un cours d’eau ou d’un lac domanial ne peuvent planter d’arbres ni se clore par haies ou autrement qu’à une distance de 3,25 mètres. Leurs propriétés sont grevées sur chaque rive de cette dernière servitude de 3,25 mètres, dite servitude de marchepied. / Tout propriétaire, locataire, fermier ou titulaire d’un droit réel, riverain d’un cours d’eau ou d’un lac domanial est tenu de laisser les terrains grevés de cette servitude de marchepied à l’usage du gestionnaire de ce cours d’eau ou de ce lac, des pêcheurs et des piétons. / […] / La continuité de la servitude de passage, dite « servitude de marchepied », doit être assurée tout au long du cours d’eau ou du lac domanial ; la ligne délimitative ne peut s’écarter de celle du domaine fluvial, sauf à titre exceptionnel lorsque la présence d’un obstacle naturel ou patrimonial rend nécessaire son détournement. Dans ce cas, la ligne délimitative de la servitude est tracée au plus près de celle du domaine public fluvial, dans la propriété concernée. » Le troisième alinéa de l’article L. 2131-4 du même code dispose : « Une commune, un établissement public de coopération intercommunale, un département, un syndicat mixte ou une association d’usagers intéressés peuvent demander à l’autorité administrative compétente de fixer la limite des emprises de la servitude de marchepied mentionnée à l’article L. 2131-2, dans les cas où celle-ci n’est pas déjà fixée. L’autorité administrative compétente en opère la délimitation dans le délai d’une année suivant la date de la demande. »
En ce qui concerne la compétence du département :
5. En premier lieu, les dispositions précitées de l’article L. 2131-4 du code général de la propriété des personnes publiques, qui prévoient que « l’autorité administrative compétente » fixe la limite des emprises de la servitude de marchepied, ne font pas de distinction selon que la ligne délimitative s’écarte ou non de celle du domaine public fluvial en présence d’un obstacle naturel ou patrimonial. Dès lors, les requérants ne sauraient utilement faire valoir que seul l’Etat était compétent pour « alourdir la servitude ».
6. En deuxième lieu, en vertu de l’article 32 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, dont les dispositions ont été reprises à l’article 4 de l’ordonnance du 21 avril 2006 relative à la partie législative du code général de la propriété des personnes publiques, les cours d’eau et canaux qui ont été mis à la disposition d’une région sur le fondement de la loi du 22 juillet 1983 complétant celle du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, antérieurement à la loi du 13 août 2004, sont transférés de plein droit et en toute propriété à cette région, sauf si elle s’y oppose expressément avant le 31 juin 2007.
7. Aux termes de l’article L. 3113-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version applicable au litige : « Les transferts de propriété du domaine public fluvial au profit d’une collectivité territoriale ou d’un groupement de collectivités territoriales de la part de l’Etat ou d’une autre personne publique peuvent être opérés à la demande de l’assemblée délibérante de la collectivité territoriale ou du groupement. […] / Ces transferts s’opèrent en priorité au profit de la région ou du groupement de régions territorialement compétent qui en fait la demande. Lorsque d’autres collectivités ou groupements de collectivités territorialement compétents souhaitent bénéficier d’un tel transfert, leurs demandes sont transmises pour avis à la région. Ils peuvent bénéficier de ce transfert si, à l’issue d’un délai de six mois à compter de la saisine pour avis, la région territorialement compétente n’a pas elle-même formulé la demande. » En vertu de l’article R. 3313-4 du même code, lorsqu’une collectivité autre que la région a formulé une demande de transfert de propriété d’un élément du domaine public fluvial, le préfet transmet cette demande pour avis à la région intéressée, laquelle dispose alors d’un délai de six mois pour faire connaître son refus d’exercer son droit de priorité.
8. Par un décret du Premier ministre du 15 juin 1989, ont été transférées à la région des Pays de la Loire les compétences exercées par l’Etat en matière d’aménagement et d’exploitation de plusieurs voies navigables dont l’Erdre. A ce titre, les dépendances du domaine public correspondant à ces voies navigables ont été mises à la disposition de la région. Il ressort des pièces du dossier et notamment du relevé de conclusions de la réunion technique, portant sur le transfert de propriété du domaine public fluvial dans le département de la Loire-Atlantique, qui s’est déroulée le 5 juillet 2006 et à laquelle participaient notamment le secrétaire général aux affaires régionales, deux représentants du conseil régional des Pays de la Loire et un représentant du conseil général de la Loire-Atlantique, que la région des Pays de la Loire était informée du souhait du département de la Loire-Atlantique de bénéficier du transfert de propriété du domaine public fluvial de l’Erdre. Par une délibération du 20 octobre 2006, le conseil régional des Pays de la Loire a décidé de « refuser le transfert [à son profit] du domaine public fluvial sur lequel celle-ci a reçu compétence d’aménagement et d’exploitation » et émis « un avis favorable sur le transfert en pleine propriété des voies d’eau concernées au profit des collectivités qui en ont fait la demande ». Dans ces conditions, alors même qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande de transfert formée par le département ait été formellement transmise pour avis à la région, cette dernière doit être regardée comme n’ayant pas, en l’espèce, été privée de la garantie et de la priorité dont elle bénéficiait sur le fondement des dispositions de l’article L. 3113-1 du code général de la propriété des personnes publiques et de l’article 32 de la loi du 13 août 2004. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le transfert d’une partie du domaine public fluvial de l’Erdre au département serait intervenu au terme d’une procédure irrégulière.
9. En troisième lieu, l’arrêté du 12 avril 2016 procède à la délimitation de l’emprise de la servitude de marchepied le long des rives de l’Erdre et non de celles de l’Hocmard. Par suite, la circonstance que cet affluent serait un cours d’eau privé est sans incidence sur la compétence du département pour prendre l’arrêté en litige.
En ce qui concerne la compétence du président du conseil départemental :
10. Le président du conseil départemental est compétent pour prendre l’acte, purement recognitif, par lequel est délimitée l’emprise de la servitude de marchepied qui longe les cours d’eau domaniaux appartenant au département. Par suite, le moyen tiré de ce que le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique n’aurait pas été habilité par l’assemblée délibérante pour prendre l’arrêté contesté ne peut qu’être écarté.
En ce qui concerne la forme de l’arrêté :
11. Les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-3 du code des relations entre le public et les administrations, qui prévoient une exigence de motivation, concernent les seules décisions administratives individuelles. L’arrêté portant délimitation de l’emprise de la servitude de marchepied ne revêt pas le caractère d’une décision individuelle. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces articles doit, dès lors, être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne la procédure :
12. En premier lieu, l’arrêté contesté n’étant pas, ainsi qu’il vient d’être dit, une décision individuelle, les requérants ne peuvent utilement invoquer les dispositions de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et les administrations relatives à la procédure contradictoire préalable.
13. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le président du conseil départemental de la Loire-Atlantique a pris l’arrêté du 12 avril 2016 à la « demande de la commune de La Chapelle-sur-Erdre ». Si les requérants soutiennent que cette demande émane du maire et non du conseil municipal de cette collectivité, le maire, « seul chargé de l’administration » communale, en vertu de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, a pu légalement demander au président du conseil départemental de la Loire-Atlantique de fixer la limite des emprises de la servitude de marchepied sur le territoire de la commune de La Chapelle-sur-Erdre.
14. En troisième lieu, l’arrêté en litige est un acte recognitif qui se borne à constater l’emprise de la servitude de marchepied telle qu’elle résulte de l’observation sur le terrain des éléments objectifs définis par les dispositions, citées au point 4, de l’article L. 2131-2 du code général de la propriété des personnes publiques. Il n’a ni pour objet ni pour effet d’instituer la servitude de marchepied, laquelle lui préexiste et résulte des dispositions de l’article L. 2131-2. A cet égard, les piétons tiennent leur droit de passage sur l’emprise de la servitude de marchepied de ces dispositions législatives et non de l’arrêté qui se borne à en reconnaître l’étendue. Il n’est pas davantage attributif de propriété. Enfin, il n’implique par lui-même aucun projet ni a fortiori aucun aménagement susceptible d’avoir une incidence sur l’environnement. Il s’ensuit que les moyens tirés de ce que l’arrêté du 12 avril 2016 aurait dû faire l’objet d’une évaluation environnementale, d’une étude d’impact, d’une évaluation d’incidence Natura 2000, d’une enquête publique et d’une autorisation au titre de la législation sur les monuments naturels et sites classés ne peuvent qu’être écartés.
15. En quatrième lieu, ainsi qu’il vient d’être dit, l’arrêté contesté ne peut être regardé, eu égard à son caractère recognitif, comme ayant une incidence sur l’environnement. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe de participation consacré à l’article 7 de la Charte de l’environnement et précisé à l’article L. 120-1 du code de l’urbanisme doit être écarté comme inopérant.
En ce qui concerne l’appartenance de l’Erdre au domaine public fluvial naturel :
16. Aux termes de l’article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques, dans sa version applicable au litige : « Le domaine public fluvial naturel est constitué des cours d’eau et lacs appartenant à l’Etat, à ses établissements publics, aux collectivités territoriales ou à leurs groupements, et classés dans leur domaine public fluvial. » En vertu de l’article 67 de la loi du 26 décembre 1908 portant fixation des recettes et des dépenses de l’exercice 1909, complété par l’article 128 de la loi du 8 avril 1910 portant fixation du budget général des dépenses et des recettes de l’exercice 1910, les cours d’eau sont « 1° ceux qui figurent au tableau annexé à l’ordonnance du 10 juillet 1835, en tenant compte des modifications apportées à ce tableau par les décrets postérieurs de classement et de déclassement ; […] Les cours d’eau, portions de cours d’eau et canaux ainsi définis ne pourront être distraits du domaine public qu’en vertu d’une loi […] ».
17. Le tableau annexé à l’ordonnance du 10 juillet 1835, portant désignation « par département, des parties de fleuves et rivières et des canaux navigables ou flottables par lesquels la pêche sera exercée au profit de l’Etat », mentionne, au titre des « rivières ou parties de rivières », l’Erdre « depuis Niort jusqu’à son embouchure dans la Loire ».
18. Il suit de là que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, l’Erdre constituant un cours d’eau domanial au sens de l’article L. 2111-7 du code général de la propriété des personnes publiques, les propriétés riveraines situées à La Chapelle-sur-Erdre et sur lesquelles porte l’arrêté contesté sont grevées de la servitude de marchepied prévue à l’article L. 2131-2 du même code.
En ce qui concerne la délimitation de l’emprise de la servitude de marchepied :
19. En premier lieu, l’arrêté du 12 avril 2016 est intervenu à la demande de la commune de La Chapelle-sur-Erdre. Ainsi, il procède à la délimitation de l’emprise de la servitude de marchepied existante sur le territoire de cette commune à l’échelle de 1/2500e. Contrairement à ce qu’allèguent les requérants, les riverains de l’Erdre sont en droit, indépendamment de tout projet de construction, clôture ou plantation, de demander à l’autorité administrative de délimiter l’emprise de la servitude de marchepied qui grève leur propriété. Par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général n’imposait au président du conseil départemental de la Loire-Atlantique de compléter la délimitation tracée sur le plan annexé à l’arrêté par une matérialisation sur le terrain. Il suit de là que le moyen tiré de ce que l’imprécision du plan ne permettrait pas aux riverains de localiser l’emprise de la servitude doit être écarté.
20. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que si l’arrêté fait précisément état de trois secteurs dans lesquels la ligne délimitative contourne des obstacles naturels et patrimoniaux, en indiquant les points kilométriques correspondants, les planches annexées à cet arrêté font apparaitre que, à plusieurs autres endroits du linéaire, la ligne délimitative de l’emprise de la servitude s’écarte de celle du domaine public fluvial. Toutefois, en soi, cette circonstance n’entache pas l’arrêté d’illégalité.
21. En troisième lieu, alors que le département fait valoir que la ligne délimitative s’écarte de celle du domaine public fluvial en présence d’arbres, de rochers, de zones humides et de sols meubles ainsi que de deux bases nautiques, les requérants, qui se bornent à soutenir que les contournements sont généralisés et non justifiés, n’apportent aucun élément tangible au soutien de leurs allégations selon lesquelles ces écarts ne correspondraient pas effectivement à la présence sur les lieux d’obstacles naturels ou patrimoniaux. Ils ne sauraient sérieusement, pour contester le caractère d’obstacle patrimonial aux bases nautiques, se prévaloir du code du patrimoine. Ils ne démontrent pas davantage que leurs parcelles présenteraient les mêmes caractéristiques que les terrains d’assiette de ces bases nautiques.
22. En quatrième lieu, d’une part, l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l’application du premier acte ou s’il en constitue la base légale. D’autre part, en raison des effets qui s’y attachent, l’annulation pour excès de pouvoir d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l’annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n’auraient pu légalement être prises en l’absence de l’acte annulé ou qui sont en l’espèce intervenues en raison de l’acte annulé.
23. Par un arrêt n° 16NT03177 du 9 novembre 2018, devenu définitif, la présente cour a jugé que l’arrêté du 27 mars 2013 par lequel le président du conseil général de la Loire-Atlantique a délimité, sur le territoire de la commune de La Chapelle-sur-Erdre, le domaine public fluvial procédait à une inexacte délimitation de ce domaine en ce qui concerne les secteurs de marécages et de boires et en a, dans cette seule mesure, prononcé l’annulation. Cet arrêté du 27 mars 2013 ne constitue pas la base légale de l’arrêté en litige, lequel n’a pas été pris pour son application. Les requérants ne sauraient ainsi utilement invoquer, par voie d’exception, l’illégalité de l’arrêté du 27 mars 2013. Par ailleurs, l’arrêté délimitant les emprises de la servitude de marchepied peut être pris même en l’absence d’un arrêté portant délimitation du domaine public fluvial. En l’espèce, l’arrêté litigieux est intervenu à la demande de la commune de La Chapelle-sur-Erdre et non en raison de l’arrêté du 27 mars 2013. Il s’ensuit que l’annulation partielle de ce dernier arrêté n’entraîne pas, par voie de conséquence, celle de l’arrêté du 12 avril 2016.
24. Ainsi qu’il a été dit au point 14 du présent arrêt, l’arrêté du 12 avril 2016 ne revêt qu’un caractère recognitif et n’a, par lui-même, aucune incidence sur l’environnement. Il n’affecte pas davantage le droit de propriété et la vie privée et familiale des riverains. Dès lors, ne peuvent qu’être écartés comme inopérants les moyens tirés de « l’expropriation de fait » et de la méconnaissance des principes de protection de l’environnement, des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.
25. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner la recevabilité de la demande, que les requérants ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
26. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge du département de la Loire-Atlantique, lequel, n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par les requérants et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique au même titre.
Décide :
Article 1er : La requête de l’association Erdre et Nature, M. et Mme A. et M. et Mme B. est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département de la Loire-Atlantique sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Erdre et Nature, M. et Mme A., M. et Mme B. et au département de la Loire-Atlantique.