Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Nantes18-03-2025
n° 22NT04125
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’association Les Amis des chemins de ronde du Morbihan a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler la délibération du 13 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération du Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération (GMVA) a approuvé son schéma de cohérence territoriale.
Par un jugement n° 2001716 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a admis, en son article 1er, l’intervention de la fédération d’associations de protection de l’environnement du Golfe du Morbihan, a annulé, en son article 2, la délibération du 13 février 2020 approuvant le schéma de cohérence territoriale de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération, en tant que ce schéma procède à l’identification de secteurs déjà urbanisés en espaces proches du rivage, rejetant ainsi implicitement le surplus des conclusions à fin d’annulation totale de cette délibération, et a enjoint, en son article 3, à la communauté d’agglomération du Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération d’engager, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement, la procédure appropriée pour parvenir à la régularisation des illégalités affectant le schéma de cohérence territoriale.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 27 décembre 2022 et 18 décembre 2023, l’association Les Amis des chemins de ronde du Morbihan, représentée par Me Dubreuil, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l’annulation dans son intégralité de la délibération du 13 février 2020 du conseil communautaire de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération ;
2°) d’annuler, dans cette même mesure, la délibération du 13 février 2020 du conseil communautaire de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération approuvant le schéma de cohérence territoriale ;
3°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération le versement de la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– le jugement attaqué est irrégulier, dès lors qu’il est insuffisamment motivé et que les premiers juges ont omis de répondre à plusieurs moyens invoqués ;
– la délibération contestée a été prise en violation de l’article L. 121-21 du code de l’urbanisme, en l’absence de détermination de la capacité d’accueil du territoire de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération préalablement à l’arrêt du projet du territoire et préalablement à la détermination des possibilités d’urbanisation des différentes communes littorales à l’échelle du schéma de cohérence territoriale ;
– elle méconnaît les articles L. 121-3 et L. 121-8 du code de l’urbanisme ;
– elle ne respecte pas l’article L. 121-22 du code de l’urbanisme.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2023, la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération, représentée par Me Rouhaud, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête de l’association ;
2°) par la voie de l’appel incident, d’annuler l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 octobre 2022 ;
3°) de mettre à la charge de l’association Les Amis des chemins de ronde du Morbihan le versement de la somme de 2 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme interdisent seulement d’autoriser des constructions et installations dans les secteurs déjà urbanisés situés dans les espaces proches du rivage et n’ont pas été méconnues par le schéma de cohérence territoriale ;
– aucun des moyens invoqués par la requérante n’est fondé.
La requête et l’ensemble des écritures ont été communiquées le 17 décembre 2024 à la Fédération d’associations de protection de l’environnement du Golfe du Morbihan qui n’a pas produit de mémoire.
Les parties ont été informées, par courrier du 7 février 2025, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d’office un moyen d’ordre public tiré de l’irrecevabilité des conclusions d’appel incident présentées par la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération tendant à l’annulation de l’article 2 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 octobre 2022, ces conclusions portant sur un litige distinct de l’appel principal en raison du caractère divisibles des dispositions contestées du schéma de cohérence territoriale en litige.
Les parties ont été invitées par un courrier du 7 février 2025, en application des dispositions de l’article L. 600-9 du code de l’urbanisme, à présenter leurs observations dès lors que la cour est susceptible de surseoir à statuer, pendant un délai de six mois, afin de permettre à la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération de régulariser les vices tirés de l’irrégularité de l’enquête publique en raison de l’insuffisance du résumé non technique et du défaut d’information du public quant à la détermination des capacités d’accueil du territoire au sens des articles L. 121-3 et L. 121-21 du code de l’urbanisme, de la violation des dispositions des articles L. 121-3 et L. 121-21 du code de l’urbanisme, en l’absence de détermination des capacités d’accueil du territoire et de la violation des dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, en raison de l’identification de « Kermoizan-Suscinio » à Sarzeau comme un village au titre de la loi Littoral.
Par un mémoire, enregistré le 14 février 2025, la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération a produit des observations en réponse aux deux lettres du 7 février 2025 de la cour adressées aux parties sur le fondement des articles R. 611-7 du code de justice administrative et L. 600-9 du code de l’urbanisme.
Par un mémoire, enregistré le 21 février 2025, l’association Les Amis des chemins de ronde du Morbihan a produit des observations en réponse aux deux lettres du 7 février 2025 de la cour adressées aux parties sur le fondement des articles R. 611-7 du code de justice administrative et L. 600-9 du code de l’urbanisme.
Un mémoire en défense, présenté par la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération, a été enregistré le 23 février 2025 et n’a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Ody,
– les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
– les observations de Me Dubreuil, représentant l’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan et celles de Me Rouhaud, représentant la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération.
Une note en délibéré, présentée pour la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération, a été enregistrée le 3 mars 2025.
Une note en délibéré, présentée pour l’association des « Amis des chemins de ronde du Morbihan », a été enregistrée le 6 mars 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 13 février 2020, le conseil communautaire de la communauté d’agglomération du Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération (GMVA), regroupant trente-quatre communes autour de l’agglomération de Vannes, a approuvé son schéma de cohérence territoriale. Par un jugement n° 2001716 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Rennes a admis, en son article 1er, l’intervention de la fédération d’associations de protection de l’environnement du Golfe du Morbihan, a annulé, en son article 2, à la demande de l’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, la délibération du 13 février 2020 en tant que le schéma de cohérence territoriale approuvé procède à l’identification de plusieurs secteurs déjà urbanisés, mentionnés aux points 57 à 59, en espaces proches du rivage, rejetant ainsi implicitement le surplus des conclusions à fin d’annulation totale de cette délibération, et a enjoint, en son article 3, à la communauté d’agglomération du Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération d’engager, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de ce jugement, la procédure appropriée pour parvenir à la régularisation des illégalités affectant le schéma de cohérence territoriale de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération approuvé le 13 février 2020. L’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan relève appel de ce jugement en tant qu’il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l’annulation dans son intégralité de la délibération du 13 février 2020 du conseil communautaire du Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération. Par la voie de l’appel incident, la communauté d’agglomération demande l’annulation de l’article 2 du jugement.
Sur la recevabilité de l’appel incident de la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération :
2. La communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération demande l’annulation du jugement du tribunal administratif de Rennes du 27 octobre 2022 en tant qu’il a annulé la délibération du 13 février 2020 du conseil communautaire en tant que le schéma de cohérence territoriale approuvé procède à l’identification de plusieurs secteurs déjà urbanisés, mentionnés aux points 57 à 59, comme espaces proches du rivage. Il ressort des pièces de la procédure que la communauté d’agglomération a reçu notification du jugement attaqué le 28 octobre 2022 et son mémoire comportant ces conclusions n’a été enregistré au greffe de la cour que le 2 novembre 2023, après l’expiration du délai d’appel. Ces conclusions sont dès lors des conclusions incidentes. Elles portent sur des dispositions qui sont divisibles de celles mises en cause par l’appel principal. Elles soulèvent ainsi un litige distinct et ne sont, dès lors, pas recevables.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le moyen tiré de l’irrégularité de l’enquête publique :
3. D’une part, aux termes de l’article L. 143-22 du code de l’urbanisme : « Le projet de schéma de cohérence territoriale arrêté est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l’environnement par le président de l’établissement public prévu à l’article L. 143-16. » Aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’environnement : « L’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement mentionnées à l’article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l’enquête sont prises en considération par le maître d’ouvrage et par l’autorité compétente pour prendre la décision. » Aux termes de l’article L. 123-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « I. – Font l’objet d’une enquête publique soumise aux prescriptions du présent chapitre préalablement à leur autorisation, leur approbation ou leur adoption : / […] 2° Les plans, schémas, programmes et autres documents de planification faisant l’objet d’une évaluation environnementale en application des articles L. 122-4 à L. 122-11 du présent code, ou L. 104-1 à L. 104-3 du code de l’urbanisme, pour lesquels une enquête publique est requise en application des législations en vigueur ; […]. » Enfin, aux termes de l’article L. 104-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction en vigueur : « Font l’objet d’une évaluation environnementale, dans les conditions prévues par la directive 2001/42/ CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2001, relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ainsi que ses annexes et par le présent chapitre : / […] 3° Les schémas de cohérence territoriale ; […]. »
4. D’autre part, aux termes de l’article R. 123-8 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable au litige : « Le dossier soumis à l’enquête publique comprend les pièces et avis exigés par les législations et réglementations applicables au projet, plan ou programme. […]. » L’article L. 104-4 du code de l’urbanisme relatif au contenu de l’évaluation environnementale prévoit : « Le rapport de présentation des documents d’urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : / 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l’environnement ; / 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; / 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l’environnement, parmi les partis d’aménagement envisagés, le projet a été retenu. » L’article L. 104-5 du code de l’urbanisme énonce quant à lui : « Le rapport de présentation contient les informations qui peuvent être raisonnablement exigées, compte tenu des connaissances et des méthodes d’évaluation existant à la date à laquelle est élaboré ou révisé le document, de son contenu et de son degré de précision et, le cas échéant, de l’existence d’autres documents ou plans relatifs à tout ou partie de la même zone géographique ou de procédures d’évaluation environnementale prévues à un stade ultérieur. »
5. Enfin, aux termes de l’alinéa 2 de l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme, faisant partie des dispositions spécifiques au littoral : « […] Le schéma de cohérence territoriale précise, en tenant compte des paysages, de l’environnement, des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire, les modalités d’application des dispositions du présent chapitre. Il détermine les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8, et en définit la localisation. » En outre, aux termes de l’article L. 121-21 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « Pour déterminer la capacité d’accueil des espaces urbanisés ou à urbaniser, les documents d’urbanisme doivent tenir compte : / 1° De la préservation des espaces et milieux mentionnés à l’article L. 121-23 ; / 1° bis De l’existence de risques littoraux, notamment ceux liés à la submersion marine ; / 2° De la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes ; / 3° Des conditions de fréquentation par le public des espaces naturels, du rivage et des équipements qui y sont liés. / Dans les espaces urbanisés, ces dispositions ne font pas obstacle à la réalisation des opérations de rénovation des quartiers ou de réhabilitation de l’habitat existant, ainsi qu’à l’amélioration, l’extension ou la reconstruction des constructions existantes. »
6. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances d’une évaluation environnementale ne sont susceptibles de vicier la procédure, et donc d’entraîner l’illégalité de la décision prise au vu de cette évaluation, que si elles ont pu avoir pour effet de nuire à l’information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative.
7. En vertu des dispositions précitées de l’alinéa 2 de l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme, issues de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite loi ELAN, il revient au schéma de cohérence territoriale de préciser les modalités d’application de la loi Littoral sur son territoire en tenant compte des paysages, de l’environnement, des particularités locales et de la capacité d’accueil du territoire. Il résulte de ces dispositions qu’il appartient aux auteurs du schéma de cohérence territoriale, notamment, de déterminer la capacité d’accueil du territoire concerné qui doit s’entendre comme étant le niveau maximum de pression exercée par les activités ou les populations permanentes et saisonnières que peut supporter le système de ressources du territoire sans mettre en péril ses spécificités.
8. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation du schéma de cohérence territoriale soumis à l’enquête publique comprenait deux pages relatives à la « détermination de la capacité d’accueil » de l’ensemble du territoire couvert par le SCOT, sans distinction entre les communes littorales et les autres communes. De plus, les termes du rapport de présentation particulièrement généraux évoquent la volonté des auteurs du schéma de cohérence territoriale de trouver un « équilibre entre le respect de ce que l’on pourrait considérer comme la capacité brute à accueillir […] et la nécessité de préserver un accueil démographique et économique adapté afin de garantir une mixité sociale et générationnelle, notamment dans les secteurs sous pression foncière du littoral ». Dans son avis du 6 août 2019, la mission régionale d’autorité environnementale de Bretagne relève que « l’absence de réelle justification de la capacité d’accueil du territoire littoral par le schéma de cohérence territoriale ne permet pas de fonder le scénario de croissance retenu » et recommande à Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération « de prendre en compte la capacité d’accueil de ce territoire afin d’ajuster le plan climat-air-énergie territorial (PCAET) et le plan des déplacements urbains (PDU) en fonction du scénario qui pourra être retenu et pour que les plans locaux d’urbanisme des communes de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération, ou à terme un plan local d’urbanisme intercommunal, puissent s’inscrire dans un cadre suffisamment cohérent ». La mission régionale d’autorité environnementale a également relevé dans son avis que « le fait que le schéma de cohérence territoriale soit défini sur un scénario de croissance qui ne tient pas compte de la capacité d’accueil du territoire constitue un point d’attention majeur pour la prise en compte de l’environnement par le schéma » et « parce que les effets positifs du PCAET et du PDU pourront s’avérer insuffisants pour répondre à l’impact environnemental d’une croissance démographique non justifiée ». Enfin, la mission régionale d’autorité environnementale a retenu que l’objectif de 200 000 habitants à l’horizon 2035 est basé sur l’observation de la tendance démographique actuelle mais ne s’appuie pas sur un travail prospectif permettant d’apprécier la poursuite du rythme de croissance démographique observé. Il ressort encore des pièces du dossier que dans son avis du 25 juin 2019, la direction départementale des territoires et de la mer du Morbihan relevait également l’absence dans le document d’orientations et d’objectifs de développements spécifiques répondant à l’obligation d’expliciter la capacité d’accueil du territoire en application de l’article L. 121-21 du code de l’urbanisme. Enfin, la commission d’enquête, dans son avis et ses conclusions rendus à l’issue de l’enquête publique qui s’est tenue du 19 août au 19 septembre 2019, a relevé cette lacune dans le dossier mis à la disposition du public et notait que Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération a produit un dossier complémentaire de treize pages sur le sujet dans son mémoire en réponse adressé à la commission d’enquête, dossier qui a été intégré au rapport de présentation finalement approuvé.
9. Il résulte de ce qui précède que le dossier soumis à enquête publique présentait une lacune importante s’agissant de l’analyse de la capacité d’accueil des communes littorales qui doit être déterminée en prenant en compte la préservation des espaces remarquables et, par extension, de l’ensemble des milieux et des ressources associées, les risques littoraux, notamment liés à la submersion marine, la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes, les conditions de fréquentation par le public des espaces naturels, du rivage et des équipements qui y sont liés, la mixité sociale et la diversité des fonctions, alors que le territoire couvert par le schéma de cohérence territoriale de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération comprend dix-sept communes littorales sur un nombre total de trente-quatre communes. Dans ces conditions, l’insuffisance du dossier soumis à l’enquête publique a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population. La procédure d’enquête publique se trouve dès lors entachée d’une irrégularité entraînant l’illégalité de la décision prise au vu de cette évaluation.
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des articles L. 121-3 et L. 121-21 du code de l’urbanisme dans la détermination de la capacité d’accueil du territoire au titre de la loi Littoral :
10. Ainsi qu’il a été exposé au point 7, dans le cadre de l’élaboration d’un schéma de cohérence territoriale, la détermination de la capacité d’accueil des territoires littoraux constitue un préalable ayant pour but d’analyser le niveau maximum de pression exercée par les activités ou les populations permanentes et saisonnières que peut supporter le territoire des communes littorales.
11. Il ressort des pièces du dossier que des développements relatifs à la détermination de la capacité d’accueil au titre de la loi Littoral ont été ajoutés, postérieurement à l’enquête publique, dans le rapport de présentation approuvé par la délibération du 13 février 2020 contestée. Il ne ressort pas des pièces du dossier et il n’est pas allégué que d’autres développements du dossier auraient été par ailleurs amendés pour traiter de la détermination de la capacité d’accueil des territoires littoraux. Une note préliminaire précise que si les dispositions précitées du code de l’urbanisme imposent de déterminer les capacités d’accueil dans les seules communes littorales, les réflexions engagées dans le rapport de présentation l’ont été à l’échelle globale du territoire de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération et en lien avec les territoires connexes pour des analyses le nécessitant telles que les ressources en eau ou les fonctionnalités écologiques. Si une telle analyse globale n’est pas interdite par les dispositions précitées, elle ne doit toutefois pas aboutir à une absence d’analyse spécifique aux communes littorales. S’agissant de la prise en compte de la préservation des espaces et milieux mentionnés à l’article L. 121-23 du code de l’urbanisme, de l’existence de risques littoraux, notamment ceux liés à la submersion marine, de la protection des espaces nécessaires au maintien ou au développement des activités agricoles, pastorales, forestières et maritimes, des conditions de fréquentation par le public des espaces naturels, du rivage et des équipements qui y sont liés, il ressort des pièces du dossier que le livret 2 du rapport de présentation relatif à l’état initial de l’environnement présente de nombreuses données mais à caractère général, en se bornant à faire référence aux directives et règlements communautaires ainsi qu’aux lois et règlements applicables. Il ressort également du rapport de présentation que les auteurs du schéma de cohérence territoriale ont procédé à une analyse dite « atouts / faiblesse – opportunités / menaces » (AFOM), visant à mettre en perspective la situation actuelle du territoire et les perspectives d’évolution. Il ressort de la lecture de ces tableaux d’analyse que lorsque des données recueillies sur l’état initial ne sont pas favorables et révèlent l’existence de risques liés notamment aux pollutions des eaux ou aux inondations et phénomènes de submersion marine, les auteurs du schéma de cohérence territoriale se réfèrent à des projets ou actions à l’issue incertaine ou dépendant d’autres acteurs qui « devraient permettre » d’améliorer la situation. C’est ainsi que les auteurs du schéma de cohérence territoriale qui n’avaient pas présenté dans le dossier soumis à enquête publique la détermination de la capacité d’accueil du territoire des communes littorales ne parviennent pas davantage, que ce soit dans le rapport de présentation, dans le document d’orientations et d’objectifs ou dans tout autre élément du dossier, à procéder, de manière rétroactive, à cette analyse et à justifier les choix retenus par le document au regard de cette capacité d’accueil. Enfin, les développements relatifs à la détermination de la capacité d’accueil au titre de la loi Littoral ajoutés, postérieurement à l’enquête publique, dans le rapport de présentation, ne suffisent pas à pallier les insuffisances relevées lors de l’instruction du projet de schéma de cohérence territoriale, notamment par la mission régionale d’autorité environnementale de Bretagne et la direction départementale des territoires et de la mer du Morbihan. Dans ces conditions, la délibération contestée a été prise sans détermination préalable de la capacité d’accueil des territoires littoraux, en violation des articles L. 121-3 et L. 121-21 du code de l’urbanisme.
En ce qui concerne le moyen tiré de la violation des articles L. 121-3 et L. 121-8 du code de l’urbanisme dans l’identification et la localisation des villages au titre de la loi Littoral :
12. Aux termes de l’article L. 121-3 du code de l’urbanisme : « Le schéma de cohérence territoriale […] détermine les critères d’identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l’article L. 121-8, et en définit la localisation. » Aux termes de l’article L. 121-8 du même code : « L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L. 121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs. / L’autorisation d’urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. » Il résulte de ces dispositions que, dans les communes littorales, ne peuvent être autorisées que les constructions réalisées en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions ou, sous certaines conditions, au sein des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, se distinguant des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages ou de ces secteurs déjà urbanisés.
13. Il ressort des pièces du dossier que le document d’orientations et d’objectifs du schéma de cohérence territoriale contesté énonce les critères d’identification des secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages et les identifie. Ce document énonce ainsi que ces secteurs se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par la présence au minimum d’environ 25 bâtiments situés en continuité les uns des autres, une épaisseur du tissu urbanisé permettant notamment de les distinguer d’une urbanisation purement linéaire, la présence d’un réseau de voirie adaptée à la bonne desserte des bâtiments, la présence de réseaux d’accès aux services publics, de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets et une relative densité résultant de la continuité des bâtiments entre eux. De plus, le document d’orientations et d’objectifs prévoit que deux critères additionnels peuvent venir conforter l’indentification de tels secteurs, à savoir la présence d’un noyau ancien historique et la présence d’un équipement ou d’un lieu de vie collectif. Il ressort des pièces du dossier que le lieu-dit La Lande de Trévras sur le territoire de la commune de Baden comprend une vingtaine de constructions implantées sur de vastes parcelles et le long d’une seule voie de circulation. Eu égard à la faible densité des constructions et à l’absence d’épaisseur du tissu urbanisé, l’identification de ce lieu-dit en tant que secteur déjà urbanisé n’est pas compatible avec les dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le lieu-dit Kerbigeot à Sarzeau comprend, pour sa part, une quinzaine de constructions, dont seulement six sont mitoyennes, implantées de façon linéaire le long d’une voie de circulation. Le lieu-dit ne présente pas une urbanisation structurée et sa densité de constructions est faible. Dans ces conditions, l’identification de ce lieu-dit parmi les secteurs déjà urbanisés n’est pas compatible avec les dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.
14. Pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens n’apparaît susceptible, en l’état de l’instruction, de fonder l’annulation de l’arrêté en litige.
15. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la régularité du jugement attaqué, que l’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan est fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté le surplus des conclusions de leur demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération de la somme qu’elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération le versement à l’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan d’une somme de 1 500 € au titre des mêmes frais.
Décide :
Article 1er : La délibération du 13 février 2020 du conseil communautaire de Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération est annulée en tant qu’elle n’a pas déjà été annulée par l’article 2 du jugement n° 2001716 du 27 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes.
Article 2 : Le jugement du 27 octobre 2022 du tribunal administratif de Rennes est réformé en ce qu’il a de contraire aux dispositions de l’article 1er du présent arrêt.
Article 3 : La communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération versera à l’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan la somme de 1 500 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : L’appel incident et les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, présentés par la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération sont rejetés.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Les amis des chemins de ronde du Morbihan, à la Fédération d’associations de protection de l’environnement du Golfe du Morbihan et à la communauté d’agglomération Golfe du Morbihan – Vannes Agglomération.
CAA Nantes, 18 mars 2025, n° 22NT04125, Les Amis des chemins de ronde du Morbihan (Assoc.)