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Schéma régional de l’offre de soins : l’exception d’illégalité est possible via un contentieux contre une autorisation de création d’activité !

Arrêt rendu par Conseil d’Etat
19-05-2021
n° 433523
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée Imagerie de Clairval a demandé au tribunal administratif de Marseille d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 octobre 2014 par laquelle le directeur général de l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur a autorisé la société à responsabilité limitée Sud Santé Imagerie à installer un appareil scanographe sur le site de l’Hôpital européen de Marseille. Par un jugement n° 1409093 du 19 avril 2017, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par un arrêt n° 17MA02601 du 13 juin 2019, la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel formé par la société Imagerie de Clairval contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 août et 12 novembre 2019 et le 8 janvier 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Imagerie de Clairval demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– le code de la santé publique ;

– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

– les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société Imagerie de Clairval et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de société à responsabilité limitée Sud Santé Imagerie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 10 janvier 2014, le directeur général de l’agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d’Azur a fixé, en application des articles L. 6122-9 et R. 6122-29 du code de la santé publique, les périodes de l’année 2014 au cours desquelles pourraient être reçues les demandes d’autorisation ou de renouvellement d’autorisation portant sur des activités de soins ou équipements matériels lourds d’une même nature. Puis, en application de l’article R. 6122-30 du même code, il a arrêté, le 14 février 2014, le bilan quantifié de l’offre de soins en prévoyant que, compte tenu des besoins identifiés par le schéma régional d’organisation des soins non couverts par les autorisations existantes, trois nouvelles autorisations d’installation d’appareils scanographes pourraient être accordées sur le territoire de santé des Bouches-du-Rhône pour la première période de dépôt. A l’issue de la procédure d’examen des demandes reçues au cours de cette période, il a, par une décision du 27 octobre 2014, autorisé la société Sud Santé Imagerie à installer un appareil scanographe sur le site de l’Hôpital européen de Marseille. La société Imagerie de Clairval, qui n’a pas obtenu l’autorisation qu’elle sollicitait, se pourvoit contre l’arrêt du 13 juin 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 avril 2017 rejetant sa demande d’annulation de la décision du 27 octobre 2014.

2. D’une part, l’article L. 1434-7 du code de la santé publique dispose, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée, que : « Le schéma régional d’organisation des soins a pour objet de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l’offre de soins afin de répondre aux besoins de santé de la population et aux exigences d’efficacité et d’accessibilité géographique […]. » En vertu de l’article L. 1434-9 de ce code, dans sa rédaction applicable à la même date, ce schéma, qui est en vertu de l’article L. 1434-2 une composante du projet régional de santé, « fixe, en fonction des besoins de la population, par territoire de santé : / 1° Les objectifs de l’offre de soins par activités de soins et équipements matériels lourds, dont les modalités de quantification sont fixées par décret ; / 2° Les créations et suppressions d’activités de soins et d’équipements matériels lourds ; / 3° Les transformations et regroupements d’établissements de santé, ainsi que les coopérations entre ces établissements ; / […] Les autorisations accordées par le directeur général de l’agence régionale de santé en vertu des 2° et 3° doivent être compatibles avec les objectifs fixés par le schéma régional d’organisation des soins. […] ». L’article R. 1434-4 dispose que : « Le schéma régional d’organisation des soins comporte : / 1° Une partie relative à l’offre de soins définie à l’article L. 1434-9. Cette partie est opposable aux établissements de santé, aux autres titulaires d’autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds, ainsi qu’aux établissements et services qui sollicitent de telles autorisations […]. » Aux termes de l’article D. 6121-6 du même code, dans sa rédaction applicable à la même date : « Les objectifs quantifiés de l’offre de soins qui sont précisés par le schéma d’organisation des soins portent sur les activités de soins et les équipements matériels lourds faisant l’objet du schéma d’organisation des soins mentionnés à l’article L. 1434-9. » Et l’article D. 6121-9 de ce code, dans sa rédaction applicable à la même date, prévoit que : « Les objectifs quantifiés de l’offre de soins mentionnés à l’article D. 6121-6 sont exprimés, par territoire de santé, pour les équipements matériels lourds : / – en nombre d’implantations disposant d’un équipement matériel lourd déterminé ; / – en nombre d’appareils par équipement matériel lourd […]. » Aux termes de l’article L. 1434-3-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « L’illégalité pour vice de forme ou de procédure du projet régional de santé et de ses composantes prévues à l’article L. 1434-2 ne peut être invoquée par voie d’exception après l’expiration d’un délai de six mois à compter de la prise d’effet du document concerné. »

3. D’autre part, aux termes de l’article L. 6122-1 du code de la santé publique : « Sont soumis à l’autorisation de l’agence régionale de santé […] l’installation des équipements matériels lourds […] », dont font partie les scanographes à utilisation médicale en vertu du 3° de l’article R. 6122-26 de ce code. L’article L. 6122-2 du même code dispose que : « L’autorisation est accordée lorsque le projet : / 1° Répond aux besoins de santé de la population identifiés par les schémas mentionnés aux articles L. 1434-7 et L. 1434-10 ; / 2° Est compatible avec les objectifs fixés par ce schéma ; / 3° Satisfait à des conditions d’implantation et à des conditions techniques de fonctionnement […]. »

4. Il résulte de l’ensemble de ces dispositions, d’une part, que le législateur a entendu que les autorisations d’activités de soins et d’équipements matériels lourds soient compatibles avec les objectifs fixés par le schéma régional d’organisation des soins. Mais, d’autre part, il a également prévu que ces autorisations soient prises pour l’application des objectifs de l’offre de soins arrêtés par le schéma régional de l’offre de soins, notamment de ses objectifs quantifiés, et entendu permettre que la légalité de ce schéma en sa partie relative à l’offre de soins et notamment en ce qui concerne les objectifs quantifiés de l’offre de soins, puisse être contestée par voie d’exception, dans la limite prévue par l’article L. 1434-3-1 du code de la santé publique, dont les dispositions sont désormais reprises à l’article L. 1434-5 du même code. Par suite, ces autorisations qui font application du schéma régional de l’offre de soins en sa partie relative aux objectifs de l’offre de soins et notamment de ses objectifs quantifiés, peuvent être utilement contestés par des moyens tirés, par voie d’exception, de leur illégalité. En écartant comme inopérants les moyens tirés, par la voie de l’exception, de l’illégalité du schéma régional d’organisation des soins de Provence-Alpes-Côte d’Azur pour les années 2012 à 2016 au motif que les décisions relatives à l’autorisation d’installation des équipements matériels lourds n’étaient pas prises pour l’application de ce schéma, la cour administrative d’appel de Marseille a dès lors commis une erreur de droit.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la société Imagerie de Clairval est fondée à demander pour ce motif l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Imagerie de Clairval, qui n’est pas la partie perdante, la somme que demande la société Sud Santé Imagerie au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Imagerie de Clairval au titre des mêmes dispositions.

Décide :

Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 13 juin 2019 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Marseille.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société par actions simplifiée Imagerie de Clairval et à la société à responsabilité limitée Sud Santé Imagerie.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.

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