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Retrait d’un permis tacite : procédure contradictoire obligée

Le retrait d’un permis de construire tacite (période de 3 mois) doit faire l’objet d’une procédure contradictoire (Art. 24 L. 12 avril 2000). 

 

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON

N° 07LY00614   
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BEZARD, président
Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT, rapporteur
M. BESSON, commissaire du gouvernement
SELARL ADAMAS AFFAIRES PUBLIQUES, avocat

lecture du mardi 22 décembre 2009

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la requête, enregistrée le 16 mars 2007, présentée pour la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE, représentée par son maire;

La COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 0503924 du Tribunal administratif de Lyon en date du 10 janvier 2007 qui a annulé à la demande de la société Rotanna, la décision en date du 18 janvier 2005 par laquelle le maire de la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE a refusé de délivrer à cette société le permis de construire sollicité le 12 juillet 2004 et la décision implicite portant rejet de son recours gracieux déposé le 14 février 2005 ;

2°) de rejeter la demande de la société Rotanna ;

3°) de condamner la société Rotanna à lui verser une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en prenant en considération la date de notification de la décision et non sa date d’entrée en vigueur ; que c’est une décision de refus que la commune a prise et non une décision de retrait ; que le délai d’instruction d’une demande de permis de construire court à compter de la date de réception par la commune de la demande ; que la décision attaquée n’entrait pas dans le champ d’application de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 puisque la commune a statué sur sa demande ; que l’absence de procédure contradictoire préalable à cette décision ne saurait dans les circonstance de l’espèce faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrête attaqué ; qu’elle ne pouvait organiser une procédure contradictoire entre le 18 janvier et le 19 janvier 2005 ; que la première adjointe pouvait légalement signer les décisions de permis de construire, dès lors que l’arrêté a été certifié publié ou notifié selon les termes de la réglementation en vigueur ; que l’autorisation sollicitée méconnaît les dispositions de l’article UB3 du POS, dès lors que le projet d’élargissement est indéterminé ; que les demi-tours seront difficiles ; que le projet compte tenu de la faible largeur de la voie d’accès méconnaît les dispositions de l’article R. 111-4 du code de l’urbanisme ; que la SCI Rotanna ne démontre pas qu’elle dispose d’une servitude de passage ; qu’elle peut solliciter la substitution de motifs ; qu’elle a suffisamment motivé sa décision en ce qui concerne le non respect de l’article UB4 du POS ; que l’article UB11 a été méconnu, dès lors que l’architecture du projet, en ce qui concerne la hauteur des bâtiments et leur toiture n’est pas en concordance avec le paysage bâti environnant et le caractère général du site ; que l’article UB13 du POS est méconnu ; que le plan de masse et le dossier de demande sont insuffisants ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 janvier 2008, présenté pour la SCI Rotanna ; elle conclut au rejet de la requête et demande que la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE soit condamnée à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu’il appartient à la commune de justifier de l’absence de tardiveté de sa requête ; que la requête n’est pas suffisamment motivée ; que la décision du 20 janvier 2005 doit être regardée comme valant retrait du permis tacitement délivré; qu’une procédure contradictoire devait être préalablement organisée ; que le signataire de la décision attaquée n’avait pas compétence ; que, pour le surplus, elle s’en rapporte à son argumentation de première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2009, présenté pour la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE, représentée par son maire ; elle conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que sa requête n’est pas tardive et qu’elle est recevable ;

Vu l’ordonnance en date du 2 février 2009 fixant la clôture d’instruction au 6 mars 2009, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 24 novembre 2009 :

– le rapport de Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller ;

– les observations de Me Xynopoulos, avocat de la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE et celles de Me Simard, avocat de la SCI Rotanna ;

– les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

– la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que par un jugement en date du 10 janvier 2007, le Tribunal administratif de Lyon a annulé à la demande de la société Rotanna, la décision en date du 18 janvier 2005 par laquelle le maire de la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE a refusé de lui délivrer le permis de construire qu’elle a sollicité le 12 juillet 2004 et la décision implicite de rejet de son recours gracieux déposé le 14 février 2005 ; que la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE relève appel de ce jugement ;

Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par la SCI Rotanna :

Considérant qu’aux termes de l’article R. 421-14 du code de l’urbanisme : Dans le cas où le demandeur n’a pas reçu, dans les quinze jours suivant le dépôt de sa demande, la lettre prévue à l’article R. 421-12 ou R. 421-13, il peut saisir l’autorité compétente par lettre recommandée avec demande d’avis de réception postal pour requérir l’instruction de sa demande (…). Lorsque, dans les huit jours de la réception de l’avis de réception postal de cette mise en demeure, la lettre prévue à l’article R. 421-12 ou R. 421-13 n’a pas été notifiée, le délai d’instruction de la demande part de ladite date de réception telle qu’elle figure sur l’avis de réception postal de la mise en demeure. Sauf dans les cas prévus à l’article R. 421-19, si aucune décision n’a été adressée au demandeur à l’expiration du délai de deux mois prévu au premier alinéa de l’article R. 421-18, la lettre de mise en demeure, accompagnée de son avis de réception postal, vaut, dans ce cas, permis de construire dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article R. 421-12. ; qu’aux termes de l’article R. 421-12 dudit code : Si le dossier est complet, l’autorité compétente pour statuer fait connaître au demandeur, dans les quinze jours de la réception de la demande en mairie, par une lettre de notification adressée par pli recommandé avec demande d’avis de réception postal, le numéro d’enregistrement de ladite demande et la date avant laquelle, compte tenu des délais réglementaires d’instruction, la décision devra lui être notifiée. Le délai d’instruction part de la date de la décharge ou de l’avis de réception postal prévus à l’article R. 421-19 (…) ;

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier qu’après avoir déposé, le 12 juillet 2004 une demande de permis de construire, complétée le 21 septembre 2004, et en l’absence de la lettre de notification prévue à l’article R. 421-12 sus-rappelé du code de l’urbanisme lui indiquant, notamment, la date à laquelle la décision à intervenir lui serait notifiée, la société Rotanna a mis en demeure, par lettre en date du 18 novembre 2004, reçue le 19 novembre 2004 par la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE, cette dernière de procéder à l’instruction de sa demande, conformément aux dispositions de l’article R. 421-14 du même code ; qu’il est constant que la commune n’a pas donné de réponse quant à l’instruction de son dossier de demande dans les huit jours prévus à l’article R .421-14 précité ; que, dans ces conditions, la société Rotanna doit être regardée comme ayant obtenu, dès le 19 janvier 2005 minuit, un permis de construire tacite ; que contrairement à ce que soutient la commune, il n’y a pas lieu de prendre en compte la date d’édiction de la décision de l’administration mais la date de notification de celle-ci à son destinataire, seule susceptible de faire obstacle à la naissance du permis de construire tacite ; que, par suite, la décision de refus contestée en date du 18 janvier 2005, qui n’a été notifiée que le 20 janvier 2005 s’analyse ainsi comme un retrait de permis de construire tacite ;

Considérant qu’aux termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée : Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (…). Les dispositions de l’alinéa précédent ne sont pas applicables : 1° en cas d’urgence ou de circonstances exceptionnelles (…) ;

Considérant qu’il est constant que la décision de retrait n’a pas été précédée de la procédure contradictoire prévue à l’article 24 précité ; que, la demande de la société Rotanna portait sur l’octroi d’un permis de construire, et non sur le retrait du permis obtenu entre-temps tacitement, retrait qu’a opéré la décision de refus en litige ; qu’ainsi, cette décision entre dans le champ d’application de l’article 24 sus-rappelé ; que contrairement, à ce que soutient la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE, la circonstance que le délai entre le retrait et le permis tacite était très court ne saurait être regardée comme une situation exceptionnelle la dispensant de mettre en oeuvre la procédure contradictoire prévue par l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors qu’elle pouvait prendre une décision de refus de permis avant l’expiration du délai d’instruction ou différer sa décision de retrait pour mettre en oeuvre la procédure contradictoire ; qu’ainsi, le retrait en cause a été décidé à la suite d’une procédure irrégulière au regard des dispositions précitées de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000, et qu’il est, dès lors, entaché d’illégalité pour ce motif ; que le second motif retenu par le Tribunal relatif à la compétence du signataire de la décision attaquée n’est pas sérieusement contesté par la commune qui se borne à indiquer que l’arrêté du 30 mars 2001 portant délégation de signature a été certifié publié ou notifié selon les termes de la réglementation en vigueur ; qu’ainsi, la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 18 janvier 2005 refusant à la SCI Rotanna la délivrance d’un permis de construire ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Rotanna qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la société Rotanna et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 07LY00614 de la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE versera la somme de 1 200 euros à la société Rotanna en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE FERNEY-VOLTAIRE, à la société Rotanna et au ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer.
Délibéré après l’audience du 24 novembre 2009 à laquelle siégeaient :
M. Bézard, président de chambre,
M. Fontbonne, président-assesseur,
Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 décembre 2009.

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