CAA de NANCY
N° 16NC00696
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. MESLAY, président
Mme Colette STEFANSKI, rapporteur
M. FAVRET, rapporteur public
lecture du vendredi 30 juin 2017
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L’association Nouvelle société de chasse de Juvigny a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de condamner l’Etat à lui verser une somme de 78 000 euros pour les trois périodes annuelles de chasse allant de 2013 à 2016 en réparation des préjudices résultant de refus du préfet de la Marne de lui attribuer des dispositifs de marquage et des autorisations de chasse dans le cadre de ses demandes de plan de chasse et d’autorisations individuelles.
Par un jugement n° 1400276 du 16 février 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, un mémoire et des pièces enregistrés le 20 avril 2016, le 20 décembre 2016, le 9 mai 2017 et le 24 mai 2017, l’association Nouvelle société de chasse de Juvigny, représentée par MeB…, demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif ;
2°) de condamner l’Etat à lui verser une indemnité de 78 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la Fédération des chasseurs de la Marne, chacun une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– les textes n’autorisent pas le préfet à fonder ses refus sur des motifs de sécurité, ni sur l’absence d’accord avec les autres chasseurs ;
– il n’y a pas de problèmes de sécurité contrairement à ce qu’ont estimé le préfet et le tribunal administratif ;
– elle démontre la réalité et l’étendue de son préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2017, le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
– la requête est irrecevable car tardive ;
– il s’en remet pour l’essentiel aux écritures du préfet de la Marne devant le tribunal administratif ;
– les refus du préfet sont légalement fondés sur des impératifs de sécurité ;
– à titre subsidiaire, la réalité et le montant du préjudice ne sont pas démontrés.
Par des mémoires du 23 juin 2016 et 22 février 2017, la Fédération départementale des chasseurs de la Marne déclare intervenir au soutien de la défense et conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la Nouvelle société de chasse de Juvigny une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les décisions du préfet sont légales compte tenu du morcellement des territoires de chasse qui créent des problèmes de sécurité en l’absence d’accord entre les intéressés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Stefanski, président,
– les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
– et les observations de M. Cailloux, président de l’association Nouvelle société de chasse de Juvigny.
Considérant ce qui suit :
1. La Fédération départementale des chasseurs de la Marne, qui participe à l’élaboration du schéma départemental de gestion cynégétique, justifie d’un intérêt suffisant pour intervenir dans ce dossier relatif à des refus d’attribution de droit de chasse par le préfet de la Marne. Par suite, son intervention doit être admise.
Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête :
2. L’association Nouvelle société de chasse de Juvigny a présenté à l’administration des demandes de plan de chasse pour la saison de chasse 2013-2014. Par courriers du 6 juin 2013 et du 14 octobre 2013, le préfet a rejeté ses demandes et a informé l’association que celles-ci ne seraient pas instruites tant qu’elle n’aurait pas conclu un accord avec les autres détenteurs de droit de chasse afin de garantir une pratique de la chasse en toute sécurité. L’association interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté ses demandes tendant à la condamnation de l’Etat à l’indemniser des préjudices subis au cours des trois saisons allant de 2013 à 2016 pour lesquelles ses demandes de plans de chasse ont été rejetées.
3. En premier lieu, l’association Nouvelle société de chasse de Juvigny soutient que le préfet ne pouvait légalement se fonder sur des considérations de sécurité pour rejeter ses demandes.
4. Toutefois, aux termes de l’article L. 425-2 du code de l’environnement dans sa rédaction alors en vigueur : » Parmi les dispositions du schéma départemental de gestion cynégétique figurent obligatoirement : / 1° Les plans de chasse et les plans de gestion ; / 2° Les mesures relatives à la sécurité des chasseurs et des non-chasseurs (…) « .
5. Aux termes de l’article L. 425-8 du même code : » Le plan de chasse, qui prend en compte les orientations du schéma départemental de gestion cynégétique, est mis en oeuvre après avis de la commission départementale compétente en matière de chasse et de la faune sauvage par le représentant de l’Etat dans le département (…) « .
6. En application de ces dispositions, le schéma départemental de gestion cynégétique de la Marne comporte des dispositions relatives à la sécurité et prévoit notamment que » pour des raisons de sécurité, la chasse collective simultanée sur deux territoires contigus est interdite et une distance inférieure égale à 200 m. A…cas de constat d’un tel cas de chasse collective simultanée, sont considérés comme étant en infraction l’ensemble des chasseurs des deux territoires en cause se trouvant en deçà de la distance maximale de 200 m ne pas dépasser (…) « . Il comporte également l’interdiction de chasses collectives simultanées sur deux territoires à une distance inférieure ou égale à 200 mètres, l’interdiction de chasser à proximité des habitations et des voies de circulation, la nécessité de surfaces minimales de chasse de vingt hectares d’un seul tenant.
7. Ainsi, le préfet de la Marne a pu légalement, en application de ces dispositions combinées, opposer un refus aux demandes de plan de chasse de l’association requérante en se fondant sur les nécessités d’assurer la sécurité de la chasse sur le territoire de la commune de Juvigny.
8. En deuxième lieu, l’association Nouvelle société de chasse de Juvigny fait valoir que c’est à tort que le préfet a estimé que des problèmes de sécurité se posaient sur le territoire de chasse communal.
9. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment des plans produits, que les territoires de chasse de la commune, dont celui de l’association Nouvelle société de chasse de Juvigny, ont la particularité d’être très morcelés et imbriqués, de taille très réduite ou de configuration ne permettant presque jamais de placer les tireurs de façon à assurer leur sécurité ou la sécurité d’autres chasses voisines, au point qu’il s’avère très difficile pour les chasseurs de ne pas empiéter sur un territoire voisin, le territoire de la commune ne comportant que quelques parcelles propres à permettre la chasse en toute sécurité.
10. Il résulte de ces circonstances, ainsi que des conflits incessants opposant la requérante à une autre association de chasse dont les territoires sont voisins des siens, que la pratique de la chasse est, en l’état, particulièrement dangereuse ainsi que l’a constaté en 2012 un lieutenant de louveterie chargé d’analyser la situation et de tenter de trouver un accord entre les intéressées. Contrairement à ce qu’elle soutient, l’association requérante n’est pas en mesure, dans un tel contexte, d’assurer la sécurité sur ses territoires de chasse. Dans ces conditions, le préfet n’a commis ni erreur de fait, ni erreur d’appréciation en refusant les plans de chasse de la Nouvelle société de chasse de Juvigny tant qu’elle ne trouverait pas, comme l’on fait les détenteurs de droits d’autres communes, un accord stable de nature à assurer la sécurité de la chasse, sans que la circonstance qu’il n’y a pas encore eu d’accident ait une influence sur la légalité de la décision contestée.
11. La circonstance qu’un plan de chasse ait été accordé à d’autres détenteurs de droit de chasse, dont les territoires ne sont pas dans la même configuration que ceux de la requérante, est sans incidence sur la légalité des décisions prises pas le préfet.
12. Ainsi la requérante ne peut soutenir que le préfet de la Marne aurait commis des fautes de nature à engager la responsabilité de l’Etat à son égard. En tout état de cause, l’association ne démontre pas l’étendue des préjudices qu’elle soutient avoir subis.
13. Il résulte de ce qui précède que la Nouvelle société de chasse de Juvigny n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, et de la fédération départementale des chasseurs de la Marne, les sommes que la Nouvelle société de chasse de Juvigny demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la Nouvelle société de chasse de Juvigny une somme de 1 000 euros à verser à la Fédération départementale des chasseurs de la Marne au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : La requête de l’association Nouvelle société de chasse de Juvigny est rejetée.
Article 2 : L’association Nouvelle société de chasse de Juvigny versera une somme de 1 000 (mille) euros à la Fédération départementale des chasseurs de la Marne au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l’association Nouvelle société de chasse de Juvigny, à la Fédération départementale des chasseurs de la Marne et au ministre de la transition écologique et solidaire.
Copie en sera adressée au préfet de la Marne.