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Refus de Permis d’aménager au delà du délai d’instruction : requalification en retrait de permis tacite !

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL
DE LYON
N° 18LY00673

Société SAS JAD

M. Thierry Besse
Rapporteur

Mme Véronique Vaccaro-Planchet
Rapporteur public

Audience du 8 janvier 2019
Lecture du 29 janvier 2019

68-02-04-02
68-03-025-02-01-02
C+
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
La cour administrative d’appel de Lyon
1ère chambre
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Par deux demandes distinctes, la société SAS JAD a demandé au tribunal administratif
de Grenoble d’annuler l’arrêté du 6 janvier 2015 par lequel le maire de Loriol-sur-Drôme a
refusé de lui délivrer un permis d’aménager, ensemble la décision du 20 avril 2015 rejetant son
recours gracieux, et l’arrêté du 16 septembre 2015 par lequel le maire de Loriol-sur-Drôme a
refusé à nouveau de lui délivrer un permis d’aménager.
Par un jugement n° 1503023-1506975 du 22 décembre 2017, le tribunal administratif de
Grenoble a joint ces demandes et les a rejetées.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 février et 4 octobre
2018, la SAS JAD, représentée par Me Lamamra, demande à la cour :
1°) d’annuler ce jugement du 22 décembre 2017 ;
2°) d’annuler ces arrêtés du 6 janvier 2015 et du 16 septembre 2015, et la décision du
20 avril 2015 rejetant son recours gracieux ;
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3°) d’enjoindre au maire de Loriol-sur-Drôme de lui délivrer le permis d’aménager ou
de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de trente jours à compter de la notification de
l’arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Loriol-sur-Drôme la somme de 3 000 euros
au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
– l’arrêté du 6 janvier 2015, en ce qu’il se fonde sur la méconnaissance des dispositions
de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme, est entaché d’illégalité dès lors qu’aucune
disposition n’impose d’assurer la défense incendie du projet par le réseau d’eau potable et que le
terrain doit être regardé comme desservi par le réseau d’assainissement, dont il est distant de
moins de 100 mètres ;
– l’arrêté du 16 septembre 2015, qui doit être regardé comme procédant au retrait du
permis tacite dont elle bénéficiait dès lors qu’elle n’a été saisie d’aucune demande régulière de
pièces complémentaires, est intervenu sans mise en œuvre d’une procédure contradictoire
préalable ;
– le maire de Loriol-sur-Drôme a entaché ses arrêtés des 6 janvier 2015 et
16 septembre 2015 d’une erreur d’appréciation en estimant que le projet est soumis à un risque
d’inondation et qu’il méconnaît ainsi les dispositions de l’article R. 111-2 du code de
l’urbanisme.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 juillet 2018, la commune de
Loriol-sur-Drôme, représentée par la SELARL Cabinet Champauzac, conclut au rejet de la
requête et à ce qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de
l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
L’instruction a été close le 6 novembre 2018 par une ordonnance du même jour prise en
application de l’article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
La commune de Loriol-sur-Drôme a produit un mémoire enregistré le 6 novembre 2018,
après la clôture de l’instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,
– les conclusions de Mme Véronique Vaccaro Planchet, rapporteur public,
– les observations de Me Combaret pour la SAS JAD, et celles de Me Nicolas pour la
commune de Loriol-sur-Drôme ;
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Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré produites pour la commune de
Loriol-sur-Drôme, enregistrées les 10 et 11 janvier 2019 ;
Considérant ce qui suit :
1. La société SAS JAD a déposé le 6 octobre 2014 une demande de permis d’aménager
en vue de la création d’un lotissement de quinze lots au lieu-dit Dauphin, sur le territoire de la
commune de Loriol-sur-Drôme. Par arrêté du 6 janvier 2015, le maire de cette commune a refusé
de délivrer cette autorisation puis, le 20 avril 2015, a rejeté le recours gracieux formé par la
société à l’encontre de cet arrêté. Le 11 mai 2015, la SAS JAD a déposé une nouvelle demande
de permis d’aménager relative à une opération analogue que le maire de la commune, par arrêté
du 16 septembre 2015, a également rejetée. La SAS JAD relève appel du jugement du
22 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses deux demandes
tendant à l’annulation de ces décisions.
Sur la légalité du refus de permis d’aménager du 6 janvier 2015 :
2. Pour refuser de délivrer le permis d’aménager sollicité par la SAS JAD, le maire de
Loriol-sur-Drôme s’est fondé, d’une part, sur la circonstance que, situé dans une zone inondable,
le projet méconnaissait les dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme et, d’autre
part, sur le fait que ce projet nécessitait la réalisation de travaux sur les réseaux d’eau potable et
d’assainissement, sans que la commune ne soit en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle
collectivité ou quel concessionnaire ces travaux pourraient être exécutés.
3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme dans sa
rédaction alors applicable : « Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de
l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la
sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son
implantation à proximité d’autres installations. ».
4. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet est situé dans une
zone soumise à un aléa faible d’inondation en cas de rupture des digues de la Drôme, situées à
plus d’un kilomètre au nord. Toutefois, si ce risque ne peut être exclu lors de crues centennales,
il ressort notamment de l’étude hydraulique réalisée en 2011 par la direction départementale des
territoires qu’un tel évènement ne provoquerait, dans le secteur du projet, qu’une montée lente
des eaux sur une hauteur restant inférieure à 50 centimètres. En outre, cet aléa faible, qui n’est
ainsi pas de nature à affecter la sécurité des habitants du secteur, a été pris en compte par le
règlement de lotissement qui prévoit, conformément d’ailleurs aux prescriptions des articles
UC 1 et UE 1 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune, que la hauteur de la dalle
finie au rez-de-chaussée des constructions doit impérativement se trouver à 0,5 mètre au-dessus
du terrain naturel. Par ailleurs, et ainsi qu’il ressort de la note du bureau d’études produite par la
société requérante, des solutions techniques permettent d’éviter les remontées d’humidité
susceptibles d’affecter la stabilité des constructions en cas d’inondation. Enfin, il ne ressort pas
des pièces du dossier que l’atteinte qui serait susceptible d’être portée aux équipements collectifs
du lotissement, dont la nature et les effets ne sont d’ailleurs pas précisés, serait telle qu’elle
puisse justifier le refus opposé à la demande de la SAS JAD. Par suite, cette société est fondée à
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soutenir que le refus qu’elle conteste est entaché, au regard des exigences de l’article R. 111-2 du
code de l’urbanisme, d’une erreur d’appréciation.
5. En second lieu, aux termes de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme dans sa
rédaction alors applicable : « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de
l’aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d’eau,
d’assainissement ou de distribution d’électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du
projet, le permis de construire ou d’aménager ne peut être accordé si l’autorité compétente n’est
pas en mesure d’indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel
concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés. »
6.. Il ressort des pièces du dossier que, par avis du 10 novembre 2014, la société chargée
du service de distribution des eaux, après avoir relevé que le terrain d’assiette du projet n’était
pas directement desservi par le réseau d’assainissement, a indiqué au maire de Loriol-sur-Drôme
que le projet nécessitait une extension du réseau d’assainissement depuis la rue Vincent d’Indy,
en lieu et place du raccordement envisagé par la SAS JAD depuis le chemin des ânes. Toutefois,
et malgré une mesure d’instruction diligentée sur ce point, la commune de Loriol-sur-Drôme ne
fait valoir aucun motif expliquant l’impossibilité qui est alléguée du raccordement envisagé par
la société requérante sur le réseau que les pièces du dossier font apparaître sur le chemin des
ânes. Ainsi, la nécessité d’une extension du réseau d’assainissement n’est pas établie. Par
ailleurs, si la commune de Loriol-sur-Drôme soutient qu’un renforcement du réseau d’eau
potable est nécessaire pour assurer la défense incendie des constructions projetées, un tel motif
n’est pas par lui-même de nature à justifier le refus de permis d’aménager en litige, le projet
pouvant, le cas échéant, être autorisé sur ce point au bénéfice de simples prescriptions. Par suite,
la requérante est fondée à soutenir que le motif de rejet tiré de la méconnaissance des
dispositions précitées de l’article L. 111-4 du code de l’urbanisme est entaché d’illégalité.
7. Il résulte de ce qui précède que l’arrêté du 6 janvier 2015 par lequel le maire de
Loriol-sur-Drôme a refusé de délivrer un permis d’aménager à la SAS JAD doit être annulé.
Sur la légalité du refus de permis d’aménager du 16 septembre 2015 :
En ce qui concerne la procédure suivie :
8. D’une part, en vertu de l’article R. 423-23 du code de l’urbanisme, le délai
d’instruction de droit commun est de trois mois pour les permis d’aménager. Aux termes de
l’article R. 423-22 du même code : « Pour l’application de la présente section, le dossier est
réputé complet si l’autorité compétente n’a pas, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du
dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les
conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. ». Enfin, aux termes de l’article
R. 424-1 du même code : « A défaut de notification d’une décision expresse dans le délai
d’instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé
par l’autorité compétente vaut, selon les cas : /(…) /b) Permis de construire, permis d’aménager
ou permis de démolir tacite./ (…) ».
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9. Il ressort des pièces du dossier que la SAS JAD a déposé sa demande de permis
d’aménager le 11 mai 2015. Si, le 3 juin suivant, la commune de Loriol-sur-Drôme a formé une
demande de pièces complémentaires, elle n’a pas adressé celle-ci au pétitionnaire lui-même,
comme celui-ci l’avait pourtant expressément demandé dans son dossier de demande, mais au
géomètre-expert en charge du dossier, sans que la commune n’allègue avoir été invitée à saisir
celui-ci en lieu et place du pétitionnaire. Ainsi, et alors même que le géomètre-expert a produit
les pièces sollicitées le 31 août 2015, le délai d’instruction de la demande de la SAS JAD n’a été
interrompu par aucune demande de pièces régulièrement notifiée à celle-ci ou à un représentant
qu’elle aurait désigné. Dans ces conditions, la SAS JAD était titulaire d’un permis d’aménager
tacite à compter du 11 août 2015. Par suite, l’arrêté du maire de Loriol-sur-Drôme du 16
septembre 2015 refusant de délivrer le permis d’aménager sollicité par la SAS JAD doit être
regardé comme le retrait du permis tacite dont la SAS JAD bénéficiait à cette date.
10. D’autre part, aux termes de l’article 24 alors en vigueur de la loi du 12 avril 2000
susvisée : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles
qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet
1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre
l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à
même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations
orales (…) ». La décision portant retrait d’un permis d’aménager étant au nombre de celles qui
doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979, une telle décision doit être
précédée d’une procédure contradictoire, qui constitue une garantie pour le titulaire du permis
que l’autorité administrative entend rapporter.
11. Il est constant que la SAS JAD n’a pas été mise à même de présenter des
observations avant que ne lui soit notifié l’arrêté contesté du 16 septembre 2015. Dans ces
conditions, cet arrêté a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière.
En ce qui concerne le motif de la décision :
12. Pour retirer le permis tacite dont bénéficiait la SAS JAD, le maire de
Loriol-sur-Drôme s’est fondé sur le motif tiré de ce que, du fait de sa localisation en zone
inondable, le projet était de nature à porter atteinte à la sécurité des personnes et des biens. Pour
les motifs exposés aux points 3 et 4, le maire a entaché son arrêté d’une erreur d’appréciation.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS JAD est fondée à soutenir que c’est à
tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes et à
demander, outre l’annulation de ce jugement, l’annulation des arrêtés des 6 janvier 2015 et
16 septembre 2015, ainsi que de la décision du 20 avril 2015 rejetant son recours gracieux.
Sur les conclusions aux fins d’injonction :
14. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa
décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de
droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens
déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette
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mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. ». Aux termes de l’article L. 911-2 du
même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit
public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau
une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens,
prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans
un délai déterminé. »
15. L’annulation de l’arrêté du 6 janvier 2015 n’implique pas nécessairement que le
maire de Loriol-sur-Drôme délivre à la SAS JAD le permis d’aménager qu’elle a sollicité dans sa
demande du 6 octobre 2014. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu d’enjoindre à la
commune de réexaminer la demande de la SAS JAD dans un délai de deux mois.
16. La SAS JAD étant titulaire d’un permis tacite à compter du 11 août 2015,
l’annulation de l’arrêté du 16 septembre 2015 n’implique ni que le maire de Loriol-sur-Drôme
lui délivre un permis d’aménager, ni qu’il statue à nouveau sur sa demande. Par suite, les
conclusions à fin d’injonction de la requête relatives à la seconde demande de permis
d’aménager de la société JAD doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle
à ce que la somme que la commune de Loriol-sur-Drôme demande au titre des frais qu’elle a
exposés soit mise à la charge de la SAS JAD, qui n’est pas partie perdante. En application de ces
mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la
commune de Loriol-sur-Drôme le versement de la somme de 2 000 euros à la SAS JAD au titre
des frais d’instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 22 décembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble, les
arrêtés des 6 janvier 2015 et 16 septembre 2015 par lesquels le maire de Loriol-sur-Drôme a
refusé de délivrer un permis d’aménager à la SAS JAD et la décision du 20 avril 2015 rejetant
son recours gracieux sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la commune de Loriol-sur-Drôme de réexaminer la demande de
permis d’aménager déposée le 6 octobre 2014 par la SAS JAD dans un délai de deux mois à
compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La commune de Loriol-sur-Drôme versera à la SAS JAD la somme de 2 000 euros
au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

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