Possibilité pour l’Etat (le Préfet en fait) de mettre en oeuvre un projet d’intérêt général (PIG) de protection du paysage (avant il y avait essentiellement des PIG de protection autour d’ICPE, etc.)
Conseil d’État
N° 318465
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
2ème et 7ème sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Yves Gounin, rapporteur
M. Lenica Frédéric, commissaire du gouvernement
BALAT, avocat
lecture du lundi 19 juillet 2010
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 16 juillet et 16 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. Raymond D, demeurant …, M. Alain A, demeurant …, M. Solange B, demeurant …, M. Jean E, demeurant …, M. Julien E, demeurant … et M. Jean-Claude C, demeurant … ; M. D et autres demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt du 30 avril 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté leur requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement du 19 mai 2005 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 11 octobre 2000 par lequel le préfet du Var a approuvé la révision partielle du plan d’occupation des sols de la commune de Vidauban (Var) et, d’autre part, à l’annulation de cet arrêté ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à leur requête d’appel ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Yves Gounin, Maître des Requêtes,
– les observations de Me Balat, avocat de M. D et autres,
– les conclusions de M. Frédéric Lenica, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Balat, avocat de M. D et autres ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 123-7-1 du code de l’urbanisme alors en vigueur : Lorsqu’un plan d’occupation des sols doit être révisé ou modifié pour (…) permettre la réalisation d’un nouveau projet d’intérêt général, le représentant de l’Etat en informe la commune (…) / Dans un délai d’un mois, la commune (…) fait connaître au représentant de l’Etat [si elle] entend opérer la révision ou la modification nécessaire. Dans la négative ou à défaut de réponse dans ce délai, le représentant de l’Etat peut engager et approuver, après avis du conseil municipal (…), la révision ou la modification du plan. Il en est de même si l’intention exprimée de la commune (…) de procéder à la révision ou à la modification n’est pas suivie, dans un délai de six mois à compter de la notification initiale du représentant de l’Etat, d’une délibération approuvant le projet correspondant (…) ; qu’aux termes de l’article R. 123-35-1 du même code, alors en vigueur : Lorsqu’elle est prescrite en application des deux premiers alinéas de l’article L. 123-7-1 (…) la modification ou la révision d’un plan d’occupation des sols approuvé a lieu suivant les modalités ci-après définies. / Le préfet met en demeure, par arrêté, le maire de modifier ou de réviser le plan d’occupation des sols dans les conditions définies selon les cas aux articles R. 123-34 ou R. 123-35. / Lorsque cette mise en demeure a pour objet de permettre la réalisation d’un nouveau projet d’intérêt général, elle est accompagnée de la communication prévue au deuxième alinéa de l’article R. 123-9 (…) ; qu’aux termes du premier alinéa du I de l’article R. 123-35, alors en vigueur : La révision de tout ou partie d’un plan d’occupation des sols (…) a lieu dans les conditions définies aux articles R. 123-3 à R. 123-9 ; qu’enfin, aux termes des deux premiers alinéas de l’article R. 123-9 du même code : Le projet de plan d’occupation des sols arrêté par délibération du conseil municipal est communiqué par le maire pour avis (…) aux personnes publiques associées à l’élaboration du plan (…) Leur avis est réputé favorable faute de réponse dans un délai de trois mois à compter de la transmission. / Lorsque le préfet constate que le projet de plan d’occupation des sols arrêté ne permet pas la mise en oeuvre d’un projet d’intérêt général déjà communiqué à la commune, il porte à la connaissance de celle-ci, parmi les dispositions prévues aux articles R. 123-15 à R. 123-24, celles qui sont nécessaires à la mise en oeuvre d’un projet d’intérêt général (…) ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par arrêté du 6 mai 1997, le préfet du Var a qualifié de projet d’intérêt général (PIG) le projet de protection de la plaine des Maures et en a informé les communes concernées, au nombre desquelles figurait la commune de Vidauban ; que, par arrêté du 28 avril 1998, notifié le 30 avril suivant, le préfet a mis en demeure cette commune, en application des articles L. 123-7-1 et R. 123-35-1 du code de l’urbanisme, de modifier son plan d’occupation des sols (POS) pour le rendre compatible avec les dispositions du PIG ; que la commune a prescrit la mise en révision partielle du POS par une délibération de son conseil municipal du 25 mai 1998 et arrêté le projet de révision partielle par délibération du 17 juillet 1998 ; que le préfet du Var a, par courrier en date du 28 septembre 1998 parvenu en mairie le 10 octobre suivant, fait part à la commune de ses observations sur les éléments du projet de POS révisé encore incompatibles avec le PIG ; que le maire de la commune a mis à l’enquête publique le projet arrêté par la commune le 13 octobre 1998 ; que, le 9 février 1999, le préfet du Var, après avoir constaté que la révision du plan d’occupation des sols n’avait pas été approuvée et que sa mise en demeure ainsi que ses observations étaient ainsi restées sans effet, a prescrit la révision partielle du POS de la commune de Vidauban ; que cette révision partielle a été approuvée par arrêté préfectoral du 11 octobre 2000 dont les requérants ont demandé sans succès l’annulation devant le tribunal administratif de Nice puis devant la cour administrative d’appel de Marseille ; que M. D et autres se pourvoient en cassation contre l’arrêt du 30 avril 2008 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille a rejeté leur appel ;
Considérant, en premier lieu, qu’en estimant que les appelants ne pouvaient pas utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire ministérielle du 27 juin 1985 relative aux projets d’intérêt général, laquelle est dépourvue de caractère réglementaire, nonobstant les dispositions de l’article 1er du décret du 28 novembre 1983, alors en vigueur, la cour administrative d’appel de Marseille, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, n’a pas commis d’erreur de droit ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’en jugeant que le préfet avait régulièrement fait part à la commune, en application de l’article R. 123-9 du code de l’urbanisme, de ses observations sur le projet arrêté par cette dernière dans le délai de trois mois à compter de la date à laquelle il en avait eu communication, et en retenant que, le délai de six mois imparti à la commune par l’article L. 123-7-1 du code de l’urbanisme pour réviser son POS étant expiré, le préfet avait pu légalement décider, par son arrêté du 9 février 1999, de mettre à nouveau en révision le POS de cette commune pour le rendre conforme au PIG et n’avait ainsi commis aucun détournement de procédure, la cour n’a ni entaché son arrêt d’insuffisance de motivation ni commis d’erreur de droit ;
Considérant, en troisième lieu, qu’en jugeant que les conditions dans lesquelles ce projet d’intérêt général avait été mis en oeuvre n’étaient pas contraires aux stipulations de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, la cour n’a ni entaché son arrêt d’insuffisance de motivation ni dénaturé les faits qui lui étaient soumis ;
Considérant, en quatrième lieu, que, s’agissant du classement de la zone des Blaïs, du quartier de la Veine et du quartier des Près de Réchou, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ni d’erreur de qualification juridique des faits en estimant que, eu égard notamment à l’objectif de protection paysagère recherché, le relèvement de la surface minimale des terrains constructibles dans la zone des Blaïs ou l’inscription en zone ND de certaines parcelles, pourtant desservies par la voirie et proches de constructions voisines, des quartiers de la Veine et des Près de Réchou étaient compatibles avec les objectifs du PIG ;
Considérant, en cinquième lieu, que la cour n’a pas plus commis d’erreur de droit en jugeant que le préfet n’avait pas commis d’illégalité en s’écartant, par l’arrêté préfectoral attaqué, de la mise en demeure adressée à la commune de Vidauban le 28 avril 1998 dès lors que cette modification, mineure, n’était pas incompatible avec les objectifs du PIG ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. D et autres doit être rejeté ; que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. D et autres la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. D et autres est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Raymond D, à M. Alain A, à M. Solange B, à M. Jean E, à M. Julien E, à M. Jean-Claude C, à la commune de Vidauban et au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.