Conseil d’État
N° 374957
ECLI:FR:CESSR:2015:374957.20151102
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
M. Yannick Faure, rapporteur
M. Jean Lessi, rapporteur public
SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
lecture du lundi 2 novembre 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Procédure contentieuse antérieure
La société Incity immobilier a demandé au tribunal administratif de Melun d’annuler pour excès de pouvoir la décision du 4 août 2011 par laquelle le maire de Choisy-le-Roi a exercé le droit de préemption de la commune sur un bien situé 25, rue du Général Leclerc, cadastré section O n° 1. Par un jugement n° 1106819 du 14 décembre 2012, le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.
Par un arrêt n° 13PA00910 du 25 novembre 2013, la cour administrative d’appel de Paris a rejeté l’appel formé par la commune de Choisy-le-Roi contre le jugement du tribunal administratif de Melun.
Procédure devant le Conseil d’Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 janvier 2014, 28 avril 2014 et 27 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Choisy-le-Roi demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 25 novembre 2013 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la société Incity immobilier la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Yannick Faure, auditeur,
– les conclusions de M. Jean Lessi, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Choisy-le-Roi, et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la société Incity immobilier ;
1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme : » Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l’intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l’article L. 300-1 (…) » ; qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 300-1 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : » Les actions ou opérations d’aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l’habitat, d’organiser le maintien, l’extension ou l’accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d’enseignement supérieur, de lutter contre l’insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent justifier, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par décision du 4 août 2011, le maire de Choisy-le-Roi a exercé le droit de préemption de la commune sur un bien situé 35 avenue du Général Leclerc, en vue de réaliser sur la parcelle considérée un programme d’habitation sociale d’environ 35 logements ;
3. Considérant qu’un projet de construction de trente-cinq logement sociaux, eu égard à son ampleur et à sa consistance, présente par lui-même le caractère d’une action ou d’une opération d’aménagement ; que la politique locale de l’habitat entre dans les objets énumérés par les dispositions précitées de l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, et que sa mise en oeuvre peut en conséquence justifier l’exercice du droit de préemption ; qu’un projet de construction de trente-cinq logements sociaux a, par nature, pour objet la mise en oeuvre d’une politique locale de l’habitat ; qu’est à cet égard sans incidence la circonstance que la commune concernée ait atteint les objectifs fixés par les dispositions de l’article L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation en termes de logements locatifs sociaux ; que, par suite, en jugeant que le projet invoqué par la commune de Choisy-le-Roi à l’appui de la décision litigieuse ne pouvait être regardé comme un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, la cour a inexactement qualifié les faits de l’espèce ;
4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que la commune de Choisy-le-Roi est fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque ;
5. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Incity immobilier une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces même dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Choisy-le-Roi, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 25 novembre 2013 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Paris.
Article 3 : La société Incity immobilier versera à la commune de Choisy-le-Roi une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la société Incity immobilier au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Choisy-le-Roi, à la société Incity immobilier et à M. B…A….
Copie en sera adressée à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.