La Préemption de l’article L.210-2 du Code de l’urbanisme peut s’appliquer peut importe le nombre de locataires à maintenir dans les lieux.
Cour Administrative d’Appel de Paris
N° 09PA01762
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre
Mme LACKMANN, président
Mme Claudine BRIANCON, rapporteur
Mme VIDAL, rapporteur public
SARASSAT, avocat
lecture du jeudi 8 juillet 2010
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2009 présentée pour la COMMUNE D’ALFORTVILLE, représentée par son maire, par Me Sarassat ; la COMMUNE D’ALFORTVILLE demande à la cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0703757/4 du 22 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 10 mai 2007 de son maire d’exercer le droit de préemption urbain sur un bien situé 69 rue Edouard Vaillant à Alfortville ;
2°) rejeter la demande de M. Pascal A présentée devant le tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 2006-685 du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un immeuble ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 17 juin 2010 :
– le rapport de Mme Briançon, rapporteur,
– les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
– et les observations de Me Sarassat, pour la COMMUNE D’ALFORTVILLE et celles de Me Jorion, pour M. A ;
Considérant que M. A s’est porté acquéreur d’un immeuble sis 69 rue Edouard Vaillant à Alfortville ; que cet immeuble étant situé dans une zone de préemption urbaine, la propriétaire a adressé à la COMMUNE D’ALFORTVILLE une déclaration d’intention d’aliéner ; que, par une décision du 10 mai 2007, le maire de la commune a décidé de faire usage du droit de préemption sur le fondement de l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme afin d’assurer le maintien dans les lieux des locataires ; que la COMMUNE D’ALFORTVILLE relève appel du jugement du 22 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Melun a annulé cette décision ;
Considérant qu’aux termes de l’article 1er de la loi n° 2006-685 du 13 juin 2006 relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d’un immeuble : I. – Après l’article 10 de la loi n° 75-1351 du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation, il est inséré un article 10-1 ainsi rédigé : Art. 10-1. – I. – A. – Préalablement à la conclusion de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, d’un immeuble à usage d’habitation ou à usage mixte d’habitation et professionnel de plus de dix logements au profit d’un acquéreur ne s’engageant pas à proroger les contrats de bail à usage d’habitation en cours à la date de la conclusion de la vente afin de permettre à chaque locataire ou occupant de bonne foi de disposer du logement qu’il occupe pour une durée de six ans à compter de la signature de l’acte authentique de vente qui contiendra la liste des locataires concernés par un engagement de prorogation de bail, le bailleur doit faire connaître par lettre recommandée avec demande d’avis de réception à chacun des locataires ou occupants de bonne foi l’indication du prix et des conditions de la vente, dans sa totalité et en une seule fois, de l’immeuble ainsi que l’indication du prix et des conditions de la vente pour le local qu’il occupe.(…) – B. – Préalablement à la conclusion de la vente mentionnée au premier alinéa du A, le bailleur communique au maire de la commune sur le territoire de laquelle est situé l’immeuble le prix et les conditions de la vente de l’immeuble dans sa totalité et en une seule fois. Lorsque l’immeuble est soumis à l’un des droits de préemption institués par les chapitres Ier et II du titre Ier du livre II du code de l’urbanisme, la déclaration préalable faite au titre de l’article L. 213-2 du même code vaut communication au sens du présent article. -II – Les dispositions du I ne sont pas applicables en cas d’exercice de l’un des droits de préemption institués par le titre Ier du livre II du code de l’urbanisme (…) II. – Après l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme, il est inséré un article L. 210-2 ainsi rédigé : art. L. 210-2. – En cas de vente d’un immeuble à usage d’habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le maintien dans les lieux des locataires. ;
Considérant que les conditions exposées au I de l’article 1er de loi du 13 juin 2006 susvisée ne sont pas applicables à l’ensemble des droits de préemption institués au profit des communes par le titre 1er du livre II du code de l’urbanisme, y compris le droit de préemption prévu par l’article L. 210-2 alors même que ce nouvel article du code a été introduit par cette loi ; que, dès lors, contrairement a ce qu’a estimé le tribunal, la circonstance que l’immeuble préempté par la COMMUNE D’ALFORTVILLE ne comportait que huit logements et ne relevait donc pas du champ d’application de l’article 10-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la protection des occupants de locaux à usage d’habitation, est sans incidence sur la possibilité pour la commune de faire usage du droit de préemption institué par l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme ; que, par suite, la COMMUNE D’ALFORTVILLE est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé pour ce motif la décision de son maire en date du 10 mai 2007 ;
Considérant, toutefois, qu’il appartient à la Cour, saisie par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par M. A devant le Tribunal administratif de Melun ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme : le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption ; qu’aux termes de l’article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département ou à son délégué dans l’arrondissement ; qu’au nombre de ces actes figurent les décisions de préemption ; que pour être exécutoire au terme du délai de deux mois, la décision de préemption doit être notifiée au vendeur et transmise au représentant de l’Etat ; que la réception de la décision par le vendeur et le représentant de l’Etat dans le délai de deux mois, à la suite respectivement de sa notification et de sa transmission, constitue, par suite, une condition de légalité de la décision de préemption ;
Considérant qu’il ressort de la décision attaquée, revêtue du cachet de réception apposé par les services de la préfecture en date du 15 mai 2007, que la formalité de la transmission au représentant de l’Etat dans le département a été respectée ; qu’ainsi, la COMMUNE d’ALFORTVILLE a bien exercé son droit de préemption dans le délai de deux mois suivant la réception de la déclaration d’intention d’aliéner reçue le 15 mars 2007 ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes des dispositions de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme: (…) Toute décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel ce droit est exercé. (…) Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu’elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l’habitat, la décision de préemption peut, sauf lorsqu’il s’agit d’un bien mentionné à l’article L. 211-4, se référer aux dispositions de cette délibération. (…) et qu’aux termes de l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme : En cas de vente d’un immeuble à usage d’habitation, la commune peut faire usage de son droit de préemption pour assurer le maintien dans les lieux des locataires ;
Considérant, d’une part, qu’en visant le plan d’occupation des sols de la COMMUNE d’ALFORTVILLE, mais également la délibération instituant le droit de préemption urbain sur l’ensemble du territoire communal ainsi que l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme puis en indiquant, d’une part, que la volonté de la COMMUNE d’ALFORTVILLE [était] de maintenir dans les lieux les occupants de l’immeuble objet de la déclaration d’intention d’aliéner , et d’autre part, que les loyers pratiqués sont du même ordre de grandeur que les loyers du parc social , la COMMUNE d’ALFORTVILLE a suffisamment motivé la décision litigieuse ;
Considérant, d’autre part, que M. A soutient que la COMMUNE D’ALFORTVILLE ne justifiait d’aucun projet précis et certain, ni d’aucune volonté antérieure à la déclaration d’intention d’aliéner de maintenir les locataires dans les lieux, ni même d’une opération d’aménagement d’une certaine importance ; que, toutefois, la décision litigieuse est fondée sur l’article L. 210-2 du code de l’urbanisme dont le but est de garantir aux locataires un maintien dans les lieux qui s’inscrit dans le cadre de la délibération prescrivant la révision du plan local d’urbanisme de la commune et la volonté de cette dernière de soutenir le renouvellement urbain qui permet le maintien de la population tout en assurant la diversité des formes urbaines (…). ;
Considérant, en troisième lieu, que si M. A soutient que la décision de préemption est entachée d’une erreur de fait en ce que la COMMUNE D’ALFORVILLE aurait préempté le bien pour un montant de 430 000 euros et non pour un montant de 403 000 euros, et qu’elle n’aurait alors pas pris en compte la commission due à l’agence immobilière, il ressort des pièces du dossier que la COMMUNE D’ALFORVILLE a bien entendu préempter pour un montant de 403 000 euros, les 27 000 euros supplémentaires correspondant au montant de la commission due à l’agence immobilière ; qu’en outre, les visas de la décision de préemption mentionne l’avis des domaines qui faisait apparaître la ventilation entre le prix du bien litigieux et la commission due à l’agence immobilière ;
Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article R. 213-10 du code de l’urbanisme : A compter de la réception de l’offre d’acquérir faite en application des articles R. 213-8 (c) ou R. 213-9 (b), le propriétaire dispose d’un délai de deux mois pour notifier au titulaire du droit de préemption :a) Soit qu’il accepte le prix ou les nouvelles modalités proposés en application des articles R. 213-8 (c) ou R. 213-9 (b) ; b) Soit qu’il maintient le prix ou l’estimation figurant dans sa déclaration et accepte que le prix soit fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation ; c) Soit qu’il renonce à l’aliénation. Le silence du propriétaire dans le délai de deux mois mentionné au présent article équivaut à une renonciation d’aliéner.
Considérant que si M. A soutient qu’il n’y a pas eu accord sur le prix dès lors que la lettre d’accompagnement de la décision de préempter invitait la propriétaire à exercer une des trois options prévues à l’article R. 213-10 du code de l’urbanisme alors que la préemption au prix proposé dans la déclaration d’intention d’aliéner implique un accord sur le prix qui doit être constaté dans un délai de trois mois en application de l’article R. 213-12 ; que, toutefois, l’erreur de plume, consistant pour la commune à avoir reproduit l’article R. 213-10 dans le courrier d’accompagnement de la décision litigieuse, ne saurait être interprétée comme un désaccord de cette dernière sur le prix mentionné dans la déclaration d’intention d’aliéner ;
Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE D’ALFORVILLE est fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Melun a annulé la décision du 10 mai 2007 ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. A à fin d’injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 0703757/4 du Tribunal administratif de Melun du 22 janvier 2009 susvisé est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Melun est rejetée.
Article 3 : M. A versera à la COMMUNE D’ALFORTVILLE une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.