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Police de l’eau : soumission des installations et ouvrages fondés en titre !

Pour mémoire : Les droits fondés en titre sont des droits d’usage de l’eau particuliers, exonérés de procédure d’autorisation ou de renouvellement. Les ouvrages qui bénéficient de ces droits sont dits « ouvrages fondés en titre », ou encore « usines ayant une existence légale ».

Conseil d’État
N° 384204   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
Mme Clémence Olsina, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public

lecture du mercredi 2 décembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par un mémoire, enregistré le 12 mai 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la Fédération des moulins de France, l’association des riverains de France, l’association départementale des amis des moulins de l’Indre, l’association ibbai erekak et le syndicat de défense des ouvrages hydrauliques et de l’eau demandent au Conseil d’Etat, en application de l’article 23-5 de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, et à l’appui de leur requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir des articles 7 et 17 du décret n° 2014-750 du 1er juillet 2014 harmonisant la procédure d’autorisation des installations hydroélectriques avec celle des installations, ouvrages, travaux et activités prévue à l’article L. 214-3 du code de l’environnement, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

– la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
– l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
– le code de l’environnement, notamment le II et le VI de son article L. 214-6 ;
– l’ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie Roussel, maître des requêtes,

– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article 23-5 de l’ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel :  » Le moyen tiré de ce qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (…) à l’occasion d’une instance devant le Conseil d’Etat (…)  » ; qu’il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu’elle n’ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant qu’aux termes du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets :  » II. – Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d’une législation ou réglementation relative à l’eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre.  » ; que, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions n’ont pas, par elles-mêmes, pour effet de soumettre les installations et ouvrages fondés en titre aux dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement, mais ont pour seul objet de permettre à leurs propriétaires de conserver leurs droits d’antériorité ; que, par suite, eu égard à leur portée, le moyen tiré de ce qu’elles portent une atteinte non justifiée, d’une part, au droit de propriété protégé par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, d’autre part, aux situations légalement acquises protégées par l’article 16 de cette même Déclaration ne présente pas un caractère sérieux ;

3. Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article L. 214-2 du code de l’environnement :  » Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L. 214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en Conseil d’Etat après avis du Comité national de l’eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques compte tenu notamment de l’existence des zones et périmètres institués pour la protection de l’eau et des milieux aquatiques.  » ; qu’il résulte des dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement citées au point 2 que les installations et ouvrages fondés en titres sont réputés déclarés ou autorisés, conformément aux dispositions de la section 1 du chapitre IV du titre Ier du livre II du code de l’environnement, en fonction de leur classement dans la nomenclature prévue à l’article L. 214-2 du code de l’environnement, laquelle est établie selon des critères objectifs fondés sur les effets de l’installation ou de l’ouvrage en cause sur les milieux aquatiques ; que les requérants ne sauraient sérieusement soutenir que les dispositions de l’article L. 214-6 du code de l’environnement qu’ils critiquent impliqueraient que les installations et ouvrages fondés en titre relèvent tous d’un régime d’autorisation et qu’il résulterait de l’impossibilité pour eux d’être placés sous un régime de déclaration une différence de traitement injustifiée et une atteinte au principe d’égalité devant les charges publiques ;

4. Considérant, enfin, que la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité ;

5. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité, que le moyen tiré de ce que les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement, dans leur rédaction issue de l’ordonnance du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l’eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l’immersion des déchets, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Il n’y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la Fédération des moulins de France et autres.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des moulins de France, à l’association des riverains de France, à l’association départementale des amis des moulins de l’Indre, à l’association ibbai erekak, au syndicat de défense des ouvrages hydrauliques et de l’eau et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

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