Conseil d’État
N° 398322
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère – 6ème chambres réunies
Mme Marie Sirinelli, rapporteur
M. Charles Touboul, rapporteur public
SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP PIWNICA, MOLINIE, avocats
lecture du lundi 2 octobre 2017
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B…A…a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler la décision implicite du 5 novembre 2012 par laquelle le maire de la commune de Lattes a rejeté sa demande tendant à la convocation du conseil municipal en vue de prescrire la modification du plan local d’urbanisme de la commune et d’enjoindre à la même autorité de convoquer le conseil municipal afin de prescrire la modification ou la révision de ce plan et de classer les terrains en litige en zone AU dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Par un jugement n° 1300049 du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14MA03253 du 29 janvier 2016, la cour administrative d’appel de Marseille, saisie d’un appel formé par M.A…, a annulé la décision implicite contestée en tant qu’elle concernait le classement du secteur compris entre l’actuelle autoroute A9 et le futur doublement de l’autoroute et de la ligne ferroviaire s’étendant du lieu-dit la Castelle jusqu’au mas de Saporta, réformé le jugement du 22 mai 2014 en conséquence et enjoint au maire de Lattes de convoquer le conseil municipal de cette commune en inscrivant à l’ordre du jour une modification du classement du secteur compris entre l’actuelle autoroute A9 et le futur doublement de l’autoroute et de la ligne ferroviaire, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son arrêt.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 29 mars 2016, 29 juin 2016 et 28 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, Montpellier Méditerranée Métropole et la commune de Lattes demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M.A… ;
3°) de mettre à la charge de M. A…la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le décret n° 2014-1605 du 23 décembre 2014 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Marie Sirinelli, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Charles Touboul, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de Montpellier Méditerranée Métropole et de la commune de Lattes et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M.A….
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A…, propriétaire de deux parcelles situées sur le territoire de la commune de Lattes, a été exproprié d’une partie de son terrain par une ordonnance du 2 juillet 2012 du juge de l’expropriation du département de l’Hérault. Par un courrier du 31 août 2012, complété d’un second courrier du 17 septembre suivant, il a demandé au maire de la commune de convoquer le conseil municipal afin de modifier le classement prévu par le plan local d’urbanisme de Lattes pour le secteur compris entre l’autoroute A9 et la future ligne à grande vitesse s’étendant du lieu-dit La Castelle jusqu’au mas de Saporta, d’une part, et le secteur de Rauze Basse, d’autre part. Par jugement du 22 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa requête tendant à l’annulation de la décision implicite par laquelle le maire a rejeté cette demande. Par un arrêt du 29 janvier 2016 contre lequel Montpellier Méditerranée Métropole et la commune de Lattes se pourvoient en cassation, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que la décision implicite du maire de la commune en tant qu’ils concernaient le classement du secteur compris entre l’autoroute A9 et la future ligne à grande vitesse s’étendant du lieu-dit La Castelle jusqu’au mas de Saporta et enjoint au maire de cette commune de convoquer le conseil municipal en inscrivant à l’ordre du jour une modification du classement de ce secteur.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par M. A…:
2. Aux termes du I de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales : » La métropole exerce de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : / (…) 2° En matière d’aménagement de l’espace métropolitain : / a) Schéma de cohérence territoriale et schéma de secteur ; plan local d’urbanisme, document en tenant lieu ou carte communale ; (…) « . Le décret du 23 décembre 2014 a créé, à compter du 1er janvier 2015, l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre »Montpellier Méditerranée Métropole », relevant de la catégorie des métropoles et incluant la commune de Lattes. Aux termes du III de l’article L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales : » (…) L’établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes (…) « . En application de ces dispositions, Montpellier Méditerranée Métropole se trouvait substituée à la commune de Lattes à la date d’introduction du pourvoi, le 29 mars 2016. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que cet établissement public n’avait pas qualité pour se pourvoir en cassation ne peut qu’être écartée.
Sur le pourvoi de Montpellier Méditerranée Métropole et de la commune de Lattes :
3. En premier lieu, ont intérêt à contester le refus de modifier ou d’abroger un acte réglementaire les personnes qui auraient eu intérêt à former un recours à l’encontre de cet acte lui-même. Ainsi que l’a relevé la cour administrative d’appel de Marseille, et comme il a été dit au point 1, M.A…, propriétaire de deux parcelles situées sur le territoire de la commune de Lattes, a, après avoir été exproprié d’une partie de son terrain, demandé au maire de la commune de convoquer le conseil municipal afin de modifier le classement prévu par le plan local d’urbanisme de Lattes pour le secteur compris entre l’autoroute A9 et la future ligne à grande vitesse s’étendant du lieu-dit La Castelle jusqu’au mas de Saporta, d’une part, et le secteur de Rauze Basse, d’autre part. En lui reconnaissant un intérêt pour agir en sa qualité de propriétaire de la parcelle qu’il avait conservée à la date d’introduction de sa demande de première instance, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.
4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la délibération du 12 mars 2009 par laquelle la commune de Lattes a approuvé la révision de son plan d’occupation des sols et sa transformation en plan local d’urbanisme : » Les plans locaux d’urbanisme (…) comportent un projet d’aménagement et de développement durable qui définit les orientations générales d’aménagement et d’urbanisme retenues pour l’ensemble de la commune. (…) Les plans locaux d’urbanisme comportent un règlement qui fixe, en cohérence avec le projet d’aménagement et de développement durable, les règles générales et les servitudes d’utilisation des sols permettant d’atteindre les objectifs mentionnés à l’article L. 121-1, qui peuvent notamment comporter l’interdiction de construire, délimitent les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger et définissent, en fonction des circonstances locales, les règles concernant l’implantation des constructions « . Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, ces dispositions ne se bornent pas à prévoir un simple rapport de compatibilité entre le règlement et le projet d’aménagement et de développement durable du plan local d’urbanisme. Par suite, en jugeant que le classement de l’ensemble du secteur litigieux en zone agricole opéré par le règlement était incohérent avec l’orientation n° 16 de ce projet, qui prévoyait dans ce secteur des zones d’extension économique et d’équipement nécessitant, au moins partiellement, une urbanisation, sans qu’aucune autre de ses orientations justifie le parti retenu, la cour, qui n’a pas pour autant exigé la conformité du règlement au projet d’aménagement et de développement durable, n’a pas commis d’erreur de droit ni méconnu son office. Elle n’a pas plus commis d’erreur de droit en jugeant illégal pour ce motif le classement ainsi retenu sans rechercher s’il était au surplus entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
5. En dernier lieu, toutefois, il appartient au juge administratif, lorsqu’il est saisi, sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d’exécution, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision. Il résulte de ce qui a été dit au point 2 que Montpellier Méditerranée Métropole se trouvait, à la date de l’arrêt attaqué, le 29 janvier 2016, substituée à la commune de Lattes dans l’exercice de sa compétence en matière de plan local d’urbanisme. Dans ces conditions, les requérantes sont fondées à soutenir qu’en enjoignant, par l’article 3 de son dispositif, au maire de cette commune de convoquer le conseil municipal en inscrivant à l’ordre du jour une modification de ce plan, l’arrêt attaqué est entaché d’erreur de droit et doit, dans cette mesure, être annulé.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler, dans cette mesure, l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.
7. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : » Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution « .
8. Si M. A…demande qu’il soit enjoint au maire de la commune de Lattes de convoquer le conseil municipal en inscrivant à l’ordre du jour une modification du plan local d’urbanisme relative au classement de la zone en litige, ainsi qu’il a été dit au point 2, il résulte des dispositions de l’article L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales que, depuis la création, à compter du 1er janvier 2015, de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre » Montpellier Méditerranée Métropole « , cet établissement se trouve substitué à la commune de Lattes pour ce qui concerne, notamment, les modifications du plan local d’urbanisme. Dans ces conditions, eu égard aux motifs qui la fondent, l’annulation prononcée par l’arrêt de la cour administrative d’appel de Marseille du 29 janvier 2016 implique nécessairement d’enjoindre au président du conseil de la métropole de convoquer ce conseil en inscrivant à l’ordre du jour une modification du plan local d’urbanisme relative au classement de la zone concernée conforme aux motifs exposés au point 6 de cet arrêt, dans un délai de deux mois à compter de la présente décision. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
9. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de M.A…, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante pour l’essentiel. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par celui-ci au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L’article 3 de l’arrêt n° 14MA03253 de la cour administrative d’appel de Marseille du 29 janvier 2016 est annulé.
Article 2 : Il est enjoint au président du conseil de Montpellier Méditerranée Métropole de convoquer le conseil de la métropole en inscrivant à l’ordre du jour une modification du plan local d’urbanisme relative au classement du secteur compris entre l’autoroute A9 et la future ligne à grande vitesse s’étendant du lieu-dit La Castelle jusqu’au mas de Saporta, dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Montpellier Méditerranée Métropole et de la commune de Lattes est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de M. A…tendant à la condamnation de la commune de Lattes au versement d’une astreinte et celles qu’il présente sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Montpellier Méditerranée Métropole, à la commune de Lattes et à M. B…A….