Cour Administrative d’Appel de Bordeaux
N° 09BX00918
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. LEDUCQ, président
Mme Evelyne BALZAMO, rapporteur
M. ZUPAN, commissaire du gouvernement
SCP ETCHEGARAY & ASSOCIES, avocat
lecture du jeudi 1 avril 2010
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu 1°) la requête enregistrée au greffe de la cour le 17 avril 2009, sous le n° 09BX00918, présentée par le PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES ;
Le PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES demande à la cour :
– d’annuler le jugement nos 0800419-0800530-0800531 en date du 17 février 2009 du Tribunal administratif de Pau rejetant sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 27 décembre 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gurmençon a approuvé le plan local d’urbanisme ;
– d’annuler la délibération du 27 décembre 2007 ;
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Vu 2°) la requête enregistrée le 17 avril 2009, sous le n° 09BX00919, présentée pour l’EARL DU PAS D’ASPE, dont le siège est 70 route du Somport à Gurmençon (64400), pour M. et Mme A demeurant … et pour M. Jean A, demeurant …, par Me Coudevylle, avocat ;
Ils demandent à la cour :
– d’annuler le jugement nos 0800419-0800530-0800531 du 17 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande tendant à l’annulation de la délibération du 27 décembre 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gurmençon a approuvé le plan local d’urbanisme ;
– d’annuler la délibération du 27 décembre 2007 ;
– de condamner la commune à leur verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu 3°) la requête enregistrée le 17 avril 2009, sous le n° 09BX00920, présentée pour l’EARL B, dont le siège est 13 route du Somport à Gurmençon (64400), et les consorts B demeurant … par Me Coudevylle, avocat ;
Les requérants demandent à la cour :
– d’annuler le jugement nos 0800419-0800530-0800531 du 17 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du 27 décembre 2007 par laquelle le conseil municipal de la commune de Gurmençon a approuvé le plan local d’urbanisme ;
– d’annuler la délibération du 27 décembre 2007 ;
– de condamner la commune à lui verser la somme de 1.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 mars 2010,
– le rapport de Mme Balzamo, premier conseiller ;
– les observations de Me Jambon de la SCP Etchegaray associés, avocat de la commune de Gurmençon ;
– les observations de Me Coudevylle avocat de l’EARL DU PAS D’ASPE, M. et Mme Pierre A, M. Jean A, l’EARL B et les consorts B ;
– et les conclusions de M. Zupan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée aux parties ;
Considérant que les requêtes n° 09BX00918, n° 09BX00919 et n° 09BX0020 présentées par le PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES, l’EARL B, les consorts B, l’EARL DU PAS D’ASPE et les consorts A sont dirigées contre un même jugement en date du 17 février 2009 par lequel le Tribunal administratif de Pau a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation de la délibération du 27 décembre 2007 du conseil municipal de Gurmençon approuvant le plan local d’urbanisme de cette commune ; qu’il y a lieu, par suite, de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Les plans locaux d’urbanisme exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et précisent les besoins répertoriés en matière de développement économique, d’agriculture, d’aménagement de l’espace, d’environnement, d’équilibre social de l’habitat, de transports, d’équipements et de services (…) ; que l’article R. 123-1 du même code prévoit que : Le plan local d’urbanisme comprend un rapport de présentation, le projet d’aménagement et de développement durable de la commune et un règlement ainsi que des documents graphiques (…) ; qu’enfin, l’article R. 123-2 du code de l’urbanisme précise que : Le rapport de présentation : 1° Expose le diagnostic prévu au premier alinéa de l’article L. 123-1 ; 2° Analyse l’état initial de l’environnement ; 3° Explique les choix retenus pour établir le projet d’aménagement et de développement durable, expose les motifs de la délimitation des zones, des règles qui y sont applicables et des orientations d’aménagement. Il justifie l’institution des secteurs des zones urbaines où les constructions ou installations d’une superficie supérieure à un seuil défini par le règlement sont interdites en application du a) de l’article L. 123-2 ; 4° Evalue les incidences des orientations du plan sur l’environnement et expose la manière dont le plan prend en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur. En cas de modification ou de révision, le rapport de présentation est complété par l’exposé des motifs des changements apportés. ;
Considérant que le rapport de présentation du projet portant révision du plan d’occupation des sols et élaboration du plan local d’urbanisme de la commune de Gurmençon précise qu’à l’occasion de la réalisation de la voie de contournement de Gurmençon et compte tenu de la proximité de cette commune avec la ville d’Oloron, il est prévu de constituer, à proximité du centre bourg, des réserves foncières destinées à l’habitat dans le but d’accueillir de nouveaux habitants ; que ce rapport prévoit qu’environ 10 à 15 hectares de terres précédemment affectées à l’activité agricole seront ouvertes à l’urbanisation ; que si ce document rappelle le caractère essentiellement rural de la commune et précise les critères retenus pour la délimitation des zones agricoles, il se borne à décrire de manière générale l’activité agricole existant à Gurmençon en omettant la part essentielle de l’activité d’élevage ; qu’il ne comporte aucun diagnostic ni aucune prévision en ce qui concerne les besoins de développement de l’activité agricole ; qu’il omet également d’analyser les effets des choix d’aménagement retenus sur cette activité, en particulier, en ce qui concerne l’ouverture à l’urbanisation de plusieurs hectares de terrain à proximité immédiate de trois des quatre élevages agricoles importants existant à Gurmençon ; que compte tenu des objectifs d’aménagement retenus par la commune, qui sont l’accueil d’une nouvelle population et la préservation de l’activité agricole, les lacunes relatives, d’une part, à la cohabitation entre les installations agricoles les plus importantes et les zones résidentielles projetées et, d’autre part, à l’avenir des exploitations agricoles concernées sont de nature à entacher d’irrégularité ce rapport de présentation ; qu’enfin, alors même que l’ouverture à l’urbanisation ne concernerait qu’une faible partie des surfaces agricoles de la commune, le rapport de présentation ne peut être regardé comme répondant aux exigences de l’article L. 123-1 précité compte tenu de l’impact de l’évolution envisagée sur la pérennité des activités agricoles existant ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que le classement en zone d’urbanisation future de parcelles du quartier Caillabets et des quartiers Lattets et Lazères a pour effet de faire obstacle au développement et à la pérennité des élevages existant dans ces secteurs notamment en limitant leurs possibilités d’adaptation technique et en leur interdisant de procéder à l’épandage de leur exploitation compte tenu de la proximité avec les zones d’habitation ; qu’en enclavant ces exploitations bovines et porcines, comportant plusieurs centaines d’animaux, et qui sont classées au titre de la législation sur la protection de l’environnement, au sein de zones à vocation résidentielle, les auteurs du plan local d’urbanisme, qui n’ignorent pas les conflits existant déjà au voisinage de telles installations, ont entaché leur décision d’une erreur manifeste d’appréciation alors au surplus qu’il ressort des pièces du dossier que les zones urbaines de l’ancien plan d’occupation des sols n’étaient pas totalement occupées et que des secteurs proches du centre bourg, qui n’étaient pas soumis à de tels risques de nuisances pouvaient être également ouverts à l’urbanisation ;
Considérant, enfin, qu’aux termes de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme : Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme et les cartes communales déterminent les conditions permettant d’assurer : 1° L’équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le développement de l’espace rural, d’une part, et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d’autre part, en respectant les objectifs du développement durable. ;
Considérant que si le classement en zone 1 AU ou 2 AU n’affecte qu’une faible partie de la zone agricole de la commune de Gurmençon, cette ouverture à l’urbanisation, compte tenu de son influence considérable sur les conditions d’exploitations des principaux élevages agricoles de la commune et des contraintes qu’elle entraîne pour ceux-ci, méconnaît les dispositions précitées de l’article L. 121-1 du code de l’urbanisme, en portant atteinte à l’équilibre qui doit être assuré entre le développement urbain et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles ;
Considérant que, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par les requérants n’est susceptible, en l’état du dossier, d’entraîner l’annulation de la délibération du conseil municipal de la commune de Gurmençon du 27 décembre 2007 ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le PREFET DES PYRENEES-ATLANTIQUES, l’EARL B, les consorts B, l’EARL DU PAS D’ASPE et les consorts A sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Pau a rejeté leur demande ;
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l’Etat, de l’EARL B et de l’EARL DU PAS D’ASPE qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, quelque somme que ce soit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de condamner la commune de Gurmençon à verser à l’EARL B et aux consorts B, à l’EARL DU PAS D’ASPE et aux consorts A la somme de 750 euros chacun sur le fondement des mêmes dispositions ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Pau en date du 17 février 2009 et la délibération du 27 décembre 2007 du conseil municipal de la commune de Gurmençon sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Gurmençon présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La commune de Gurmençon versera à l’EARL B et aux consorts B une somme globale de 750 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La commune de Gurmençon versera à l’EARL DU PAS D’ASPE et aux consorts A une somme globale de 750 euros sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.