Vu la procédure suivante :
M. Jean-Louis Le Cor a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 4 septembre 2014 délivré par la commune de Plouézec (Côtes-d’Armor) à son profit, et portant permis d’aménager un site multisports comprenant une piste de BMX et une piste de moto-cross. Par un jugement n° 1404724 du 24 mai 2017, le tribunal administratif a fait droit à cette demande.
Par un arrêt n° 17NT02196 du 2 juillet 2019, la cour administrative d’appel de Nantes a, sur appel de la commune de Plouézec, annulé ce jugement et rejeté la demande de M. Le Cor.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 septembre et 2 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. Le Cor demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Plouézec la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Didier-Pinet, avocat de M. Le Cor et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune de Plouezec ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 10 juillet 2014, le conseil municipal de la commune de Plouézec (Côtes-d’Armor) a approuvé la modification simplifiée de son plan local d’urbanisme, selon laquelle les aménagements et installations liés à l’exercice des sports mécaniques sont interdits en zone N « à l’exception de la zone Ny ». La commune s’est, le 4 septembre 2014, délivrée à elle-même un permis d’aménager portant sur la réalisation, au lieu-dit Keristan, situé en zone Ny, d’un site multisports comportant une piste de moto-cross et une piste de BMX. M. Le Cor a demandé au tribunal administratif de Rennes l’annulation de ce permis. Le tribunal administratif a, par un jugement du 24 mai 2017, fait droit à cette demande. Par un arrêt du 2 juillet 2019 contre lequel M. Le Cor se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement du tribunal administratif de Rennes et rejeté sa demande d’annulation du permis d’aménager.
2. Aux termes de l’article L.123-1 dans rédaction applicable au litige : « I. – Le plan local d’urbanisme fait l’objet d’une révision lorsque l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-6, la commune envisage : / […] / 3° Soit de réduire une protection édictée en raison des risques de nuisance, de la qualité des sites, des paysages ou des milieux naturels, ou d’une évolution de nature à induire de graves risques de nuisance. » Aux termes de l’article L.123-13-2 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : « Sauf dans le cas des majorations des possibilités de construire prévues au deuxième alinéa de l’article L. 123-1-11 ainsi qu’aux articles L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2, lorsque le projet de modification a pour effet : / 1° Soit de majorer de plus de 20 % les possibilités de construction résultant, dans une zone, de l’application de l’ensemble des règles du plan ; / 2° Soit de diminuer ces possibilités de construire ; / 3° Soit de réduire la surface d’une zone urbaine ou à urbaniser ; / Il est soumis à enquête publique par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-6, le maire. / […] / A l’issue de l’enquête publique, ce projet, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d’enquête, est approuvé par délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-6, du conseil municipal. » Enfin, aux termes de l’article L. 123-13-3 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : « I. En dehors des cas mentionnés à l’article L. 123-13-2, et dans le cas des majorations des possibilités de construire prévues au deuxième alinéa de l’article L. 123-1-11 ainsi qu’aux articles L. 127-1, L. 128-1 et L. 128-2, le projet de modification peut, à l’initiative du président de l’établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu au deuxième alinéa de l’article L. 123-6, du maire, être adopté selon une procédure simplifiée. Il en est de même lorsque le projet de modification a uniquement pour objet la rectification d’une erreur matérielle. »
3. Il résulte de ces dispositions que le recours à la procédure de modification simplifiée, quand elle vise à rectifier une erreur matérielle, est légalement possible afin de corriger une malfaçon rédactionnelle ou cartographique portant sur l’intitulé, la délimitation ou la règlementation d’une parcelle, d’un secteur ou d’une zone ou le choix d’un zonage, dès lors que cette malfaçon conduit à une contradiction évidente avec les intentions des auteurs du plan local d’urbanisme, telles qu’elles ressortent des différents documents constitutifs du plan local d’urbanisme, et notamment du rapport de présentation, des orientations d’aménagement ou du projet d’aménagement et de développement durable. Elle ne peut, à ce titre, avoir pour objet d’autoriser une nouvelle activité incompatible avec la vocation d’une zone ou d’un secteur définis par le plan local d’urbanisme.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, si le rapport de présentation du plan local d’urbanisme de la commune de Plouézec et les orientations d’aménagement et de programmation faisaient apparaître l’intention de la commune d’aménager, à l’avenir, le site de Keristan, situé en zone Ny, pour y permettre notamment la pratique du moto-cross, le plan local d’urbanisme prévoyait expressément, en son article N1, l’interdiction des aménagements et installations liés à l’exercice des sports mécaniques dans l’ensemble de la zone N. Il en ressort également que la modification de l’article N1 du règlement du plan local d’urbanisme par la délibération litigieuse, qui autorise l’exercice des sports mécaniques en zone Ny, a pour effet de réduire la protection résultant, pour l’ensemble de la zone N, du règlement du plan local d’urbanisme. Par suite, en jugeant que la modification, par la délibération litigieuse, du règlement de la zone Ny pour y autoriser les aménagements et installations liés à l’exercice des sports mécaniques, pouvait être regardée comme la rectification d’une erreur matérielle à laquelle il était loisible, pour la commune, de procéder en recourant à la procédure simplifiée, la cour administrative d’appel a inexactement qualifié les faits de l’espèce.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, que M. Le Cor est fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la commune de Plouézec la somme de 3 500 € à verser à M. Le Cor au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de M. Le Cor, qui n’est pas partie perdante dans la présente instance.
Décide :
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Nantes du 2 juillet 2019 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Nantes.
Article 3 : La commune de Plouézec versera la somme de 3 500 € à M. Le Cor au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Plouézec au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Louis Le Cor et à la commune de Plouézec.