Conseil d’État
N° 374027
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
Mme Florence Marguerite, rapporteur
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public
SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, avocats
lecture du mardi 15 décembre 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B…-S…K…, M. B…F…et M. C…F…, d’une part, M. M… L…, MmeH…N…, MmeI…D…, MmeJ…E…, MmeO…P…et M. G…L…, d’autre part, ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 12 septembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Saint-Cergues (Haute-Savoie) a approuvé la modification de son plan local d’urbanisme classant en zone agricole à vocation paysagère Ap la zone précédemment classée en zone à urbaniser AUb aux lieux dits » La Tuilière » et » Aux Hutins « .
Par un jugement n°s 1105810, 1201568 du 23 février 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° 13LY01084 du 15 octobre 2013, la cour administrative d’appel de Lyon a, sur l’appel de M. K…et MM.F…, annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble et la délibération du 12 septembre 2011.
Par un arrêt n° 13LY01068 du même jour, la cour administrative de Lyon a, sur l’appel de M. M…L…, MmeH…N…, MmeI…D…, MmeJ…E…, MmeO…P…et M. G…L…, annulé le même jugement du tribunal administratif de Grenoble et la même délibération.
1° Sous le n° 374027, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2013, 12 mars et 23 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Saint-Cergues demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 13LY01084 de la cour administrative d’appel de Lyon du 15 octobre 2013 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de M. K…et MM. F…;
3°) de mettre à la charge de M. K…et MM. F…la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 374028, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 décembre 2013, 12 mars 2014 et 23 décembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune de Saint-Cergues demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 13LY01068 de la cour administrative d’appel de Lyon du 15 octobre 2013 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel de MM.L…, MmeN…, MmeD…, MmeE…et MmeP…;
3°) de mettre à la charge de MM.L…, MmeN…, MmeD…,Mme E… et MmeP…la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
– la Constitution ;
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 ;
– le décret du n° 85-453 du 23 avril 1985 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de MmeFlorence Marguerite, maître des requêtes en service extraordinaire,
– les conclusions de M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la commune de Saint-Cergues, et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M.K…, de MM. B…et C…F…, de MM. M…et G…L…, deMmeN…, deMmeD…, deMmeE…et deMmeP.applicables dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent chapitre
1. Considérant qu’il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que le secteur » La Tuilière-Les Hutins » de la commune de Saint-Cergues (Haute-Savoie), jusqu’alors classé en zone NC à vocation agricole, a été reclassé en zone AUb, zone d’urbanisation future, par une délibération du conseil municipal du 7 juillet 2008 ; que, par un avis du 21 juillet 2009, la communauté d’agglomération d’Annemasse a appelé l’attention de la commune sur le risque d’incompatibilité de ce classement avec le schéma de cohérence territoriale ; que, par une délibération du 6 décembre 2010, le conseil municipal de Saint-Cergues a prescrit la modification de son plan local d’urbanisme en vue de classer les parcelles de ce secteur en zone A ; qu’à l’issue de l’enquête publique, le commissaire enquêteur a rendu des conclusions défavorables ; que, par une délibération du 12 septembre 2011, le conseil municipal de Saint-Cergues a approuvé la modification de son plan local d’urbanisme classant en zone agricole à vocation paysagère Ap la zone précédemment classée en zone à urbaniser AUb aux lieux dits » La Tuilière » et » Aux Hutins » ;
2. Considérant que, par deux pourvois qu’il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la commune de Saint-Cergues se pourvoit en cassation contre deux arrêts de la cour administrative d’appel de Lyon du 15 octobre 2013 ayant, à la demande de différents propriétaires de parcelles situées dans cette zone, annulé la délibération du 12 septembre 2011 ;
3. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article L. 123-2 du code de l’environnement, codifiant le troisième alinéa de l’article 1er de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la décision attaquée : » Lorsque des lois et règlements soumettent l’approbation de documents d’urbanisme (…) à une procédure particulière d’enquête publique, les règles régissant ces enquêtes demeurent… » ; que, par ces dispositions, le législateur a entendu soumettre aux dispositions issues de la loi du 12 juillet 1983 les enquêtes publiques déjà prévues pour certains documents d’urbanisme, telle la modification des plans d’occupation des sols ; que le pouvoir réglementaire avait compétence pour expliciter ces dispositions, ainsi qu’il l’a fait par l’article 2 du décret du 23 avril 1985 pris pour l’application de la loi du 12 juillet 1983, ultérieurement codifié au premier alinéa de l’article R. 123-2 du code de l’environnement, lequel dispose dans sa rédaction applicable à la décision attaquée : » Sont également soumises aux prescriptions des dispositions des articles L. 123-1 à L. 123-16 du présent code les enquêtes prévues par les articles L. 123-10, L. 123-13, L. 123-14, L. 123-16, L. 311-7 et L. 315-4 ainsi que les alinéas 5, 7 et 8 de l’article L. 313-1 du code de l’urbanisme ainsi que par les dispositions réglementaires prises pour l’application de ces articles » ; que l’article L. 123-13 du code de l’urbanisme soumet à enquête publique la modification des plans locaux d’urbanisme ;
4. Considérant qu’il suit de là que la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant applicables à la procédure de modification d’un plan local d’urbanisme les dispositions du dernier alinéa de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, aux termes desquelles, dans leur rédaction applicable à la décision attaquée : » Tout projet d’une collectivité territoriale (…) ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur (…) doit faire l’objet d’une délibération de l’organe délibérant de la collectivité (…) » ;
5. Considérant que les dispositions de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, comme l’a jugé à bon droit la cour administrative d’appel de Lyon, n’imposent pas que l’examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l’objet d’une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan local d’urbanisme ni d’une délibération matériellement distincte de la délibération approuvant le projet ; que, toutefois, elles n’exigent pas non plus que l’organe délibérant débatte spécifiquement des conclusions du commissaire enquêteur, mais lui imposent seulement de délibérer sur le projet, y compris lorsqu’il relève de la compétence de l’exécutif de la collectivité, en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur ;
6. Considérant que la cour a estimé que le conseil municipal, bien qu’informé par le maire des conclusions défavorables du commissaire enquêteur, n’en avait pas débattu préalablement à l’adoption de la délibération approuvant la modification du plan local d’urbanisme de la commune ; qu’en en déduisant que cette délibération avait été prise en méconnaissance de l’article L. 123-12 du code de l’environnement, elle a commis une erreur de droit ;
7. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, la commune est fondée à demander l’annulation des deux arrêts qu’elle attaque ;
8. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. K…et MM. F…et de MM.L…,Mme N…, MmeD…, MmeE…et MmeP…une somme de 400 euros chacun à verser à la commune de Saint-Cergues au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu’une somme soit mise au même titre à la charge de la commune de Saint-Cergues, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d’appel de Lyon du 15 octobre 2013 sont annulés.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d’appel de Lyon.
Article 3 : M.K…, MM.F…, MM.L…, MmeN…, MmeD…, MmeE…et MmeP…verseront chacun une somme de 400 euros à la commune de Saint-Cergues au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de M.K…, de MM.F…, de MM. L…, deMmeN…, deMmeD…, deMmeE…et deMmeP…présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Cergues ainsi qu’à M. Q… K…et à M. M…L…, premiers défendeurs dénommés.
Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d’Etat.
Copie en sera adressée à la ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité.