Conseil d’État
N° 395499
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 1ère chambres réunies
M. Jean-Philippe Mochon, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats
lecture du lundi 5 décembre 2016
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A…-L…B…, Mme G…I…, M. C…D…, M. J… E…, Mme M…H…K…et M. A…F…ont demandé au tribunal administratif d’Orléans d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 3 août 2012 du préfet du Loiret portant approbation du plan de prévention des risques d’inondation de la vallée du Loing amont. Par un jugement n° 1203438 du 18 mars 2014, le tribunal administratif d’Orléans a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 14NT01335 du 23 octobre 2015, la cour administrative d’appel de Nantes a, sur l’appel des personnes mentionnées ci-dessus, annulé le jugement du tribunal administratif d’Orléans du 18 mars 2014 et l’arrêté du 3 août 2012 du préfet du Loiret.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 décembre 2015 et 22 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de rejeter l’appel présentée par M. B…et les autres requérants devant la cour administrative d’appel de Nantes ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Jean-Philippe Mochon, conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de M. B…et autres.
1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, par un arrêté du 11 mai 2010, le préfet du Loiret a prescrit l’élaboration d’un plan de prévention des risques d’inondation de la vallée du Loing amont ; que, par un arrêté du 3 août 2012, il a approuvé le plan ; que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 23 octobre 2015 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a jugé que l’absence d’association des communautés de communes de Château-Renard et de Châtillon-Coligny, compétentes en matière d’élaboration de schémas de cohérence territoriale, à l’élaboration de ce plan en entache la légalité et a annulé en conséquence l’arrêté du 3 août 2012 ainsi que le jugement du tribunal administratif d’Orléans qui avait rejeté la requête de M. B… et autres ;
2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 122-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction alors applicable : » Les schémas de cohérence territoriale exposent le diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés (…). Ils présentent le projet d’aménagement et de développement durable retenu (…). Pour mettre en oeuvre le projet d’aménagement et de développement durable retenu, ils fixent (…) les orientations générales de l’organisation de l’espace et de la restructuration des espaces urbanisés et déterminent les grands équilibres entre les espaces urbains et à urbaniser et les espaces naturels et agricoles ou forestiers. Ils apprécient les incidences prévisibles de ces orientations sur l’environnement. A ce titre, ils définissent notamment les objectifs relatifs (…) à la prévention des risques. (…) Les programmes locaux de l’habitat, les plans de déplacements urbains, les schémas de développement commercial, les plans locaux d’urbanisme, les plans de sauvegarde et de mise en valeur, les cartes communales, la délimitation des périmètres d’intervention prévus à l’article L. 143-1, les opérations foncières et les opérations d’aménagement définies par décret en Conseil d’Etat doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. Il en est de même pour les autorisations prévues par l’article L. 752-1 du code de commerce et des articles L. 212-7 et L. 212-8 du code du cinéma et de l’image animée. » ;
3. Considérant qu’en vertu de l’article L. 562-1 du code de l’environnement, les plans de prévention des risques naturels prévisibles, au nombre desquels figure le risque d’inondation, ont notamment pour objet de définir des zones exposées à ces risques, à l’intérieur desquelles s’appliquent des contraintes d’urbanisme importantes ; qu’aux termes de l’article L. 562-3 : » Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l’élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. / Sont associés à l’élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés. » ; qu’aux termes de l’article R. 562-2 du même code : » L’arrêté prescrivant l’établissement d’un plan de prévention des risques naturels prévisibles détermine le périmètre mis à l’étude et la nature des risques pris en compte. (…) Il est notifié aux maires des communes ainsi qu’aux présidents des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour l’élaboration des documents d’urbanisme dont le territoire est inclus, en tout ou partie, dans le périmètre du projet de plan (…). » ; que la compétence pour l’élaboration des documents d’urbanisme au sens de ces dispositions doit être entendue comme la compétence pour élaborer les documents ayant pour objet de déterminer les prévisions et règles touchant à l’affectation des sols, opposables aux personnes publiques ou privées ; que les schémas de cohérence territoriale, dont le rôle et la portée sont fixées par les dispositions précitées et qui définissent notamment des objectifs relatifs à la prévention des risques, sont des documents d’urbanisme au sens de ces dispositions ;
4. Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les communautés de communes de Château-Renard et de Châtillon-Coligny étaient à la date de l’arrêté prescrivant l’élaboration du plan de prévention des risques d’inondation compétentes en matière d’élaboration du schéma de cohérence territorial ; qu’en jugeant qu’elles devaient dès lors être regardées comme des établissements publics de coopération intercommunale compétents pour l’élaboration des documents d’urbanisme et qu’elles relevaient à ce titre du champ d’application des dispositions précitées des articles L. 562-2 et R. 562-2 du code de l’environnement qui imposaient leur association à l’élaboration du projet de plan de prévention des risques d’inondation, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit ;
5. Considérant que la cour a jugé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation et en motivant suffisamment son arrêt à ce titre, qu’alors même que les communes dont le territoire est concerné par le plan de prévention des risques d’inondation ont été associées à l’élaboration de ce plan, l’absence d’association des communautés de communes de Château-Renard et de Châtillon-Coligny, compétentes en matière d’élaboration du schéma de cohérence territorial, les avaient privées d’une garantie entachant d’illégalité l’arrêté attaqué ;
6. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
7. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l’Etat une somme globale de 500 euros ;
D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie est rejeté.
Article 2 : L’Etat versera une somme globale de 500 euros à M.B…, MmeI…, M. D…, M.E…, Mme H…K…et M. F…au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat et à M. A…-L…B…, premier défendeur dénommé. Les autres défendeurs seront informés de la présente décision par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, qui les représente devant le Conseil d’Etat.