Conseil d’État
N° 370846
ECLI:FR:CESSR:2015:370846.20150727
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère / 6ème SSR
M. Henri Plagnol, rapporteur
M. Alexandre Lallet, rapporteur public
SCP ODENT, POULET ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP HEMERY, THOMAS-RAQUIN, avocats
lecture du lundi 27 juillet 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 12 septembre 2007 par lequel le maire de la commune du Touquet-Paris-Plage (Pas-de-Calais) a délivré à M. et Mme A…B…un permis de construire pour l’édification d’une maison individuelle sur une parcelle située allée des Boutons d’or. Par un jugement n° 0906142 du 15 mars 2012, le tribunal administratif de Lille a annulé l’arrêté du 12 septembre 2007.
Par un arrêt nos 12DA00692, 12DA00758 du 30 mai 2013, la cour administrative d’appel de Douai a rejeté les appels formés par la commune du Touquet-Paris-Plage et par M. et Mme B…contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 15 mars 2012.
Procédure devant le Conseil d’Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 2 août 2013, 21 octobre 2013 et 11 mars 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme B…demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 30 mai 2013 ;
2°) de mettre à la charge de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Henri Plagnol, conseiller d’Etat,
– les conclusions de M. Alexandre Lallet, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat de M. et MmeB…, et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer ;
1. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 421-39 du code de l’urbanisme, applicable au permis de construire en litige, délivré le 12 septembre 2007 : » Mention du permis de construire doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de la décision d’octroi et pendant toute la durée du chantier » ; que l’article A. 421-7 du même code, pris pour l’application de l’article R. 421-39, donne la liste des renseignements à porter sur le panneau prévu pour l’affichage du permis de construire sur le terrain en précisant qu’ils » doivent demeurer lisibles de la voie publique pendant toute la durée du chantier » ; que l’article R. 490-7 du même code, applicable au litige, dispose que : » Le délai de recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire court à l’égard des tiers à compter de la plus tardive des deux dates suivantes : / a) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées, selon le cas, au premier ou au deuxième alinéa de l’article R. 421-39 ; / b) Le premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage en mairie des pièces mentionnées au troisième alinéa de l’article R. 421-39 (…) » ;
2. Considérant, d’une part, qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’affichage du permis de construire sur le terrain d’assiette de la construction autorisée doit être effectué de telle façon que les mentions qu’il comporte soient lisibles de la voie publique ou, lorsque le terrain n’est pas desservi par une voie publique, d’une voie privée ouverte à la circulation du public ; que lorsque le terrain d’assiette n’est pas desservi par une telle voie et que l’affichage sur le terrain ne pourrait, dès lors, satisfaire à cette exigence, seul un affichage sur un panneau placé en bordure de la voie publique ou de la voie privée ouverte à la circulation du public la plus proche du terrain fait courir le délai de recours contentieux à l’égard des tiers autres que les voisins qui empruntent la voie desservant le terrain pour leurs besoins propres ;
3. Considérant qu’après avoir relevé que la parcelle sur laquelle M. et Mme B… envisageaient de construire leur maison se trouvait au sein d’un lotissement au fond d’une impasse, la cour administrative d’appel de Douai a jugé qu’il ne ressortait pas des pièces du dossier que cette voie privée ait été ouverte à la circulation publique ; qu’elle a ainsi souverainement apprécié, sans les dénaturer, les pièces du dossier qui lui était soumis ; qu’elle a pu en déduire sans commettre d’erreur de droit que M. et MmeB…, qui avaient apposé le panneau d’affichage en bordure de leur terrain, ne justifiaient pas du caractère visible de la voie publique ou d’une voie privée ouverte à la circulation du public des renseignements exigés, conformément aux dispositions des articles R. 421-39 et A. 421-7 du code de l’urbanisme et qu’ainsi le délai de recours contentieux n’avait pu courir à l’encontre du Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer ;
4. Considérant, d’autre part, que la cour ne s’est pas fondée, pour retenir l’absence de tardiveté de la demande de première instance, sur la circonstance que le permis de construire n’aurait pas été affiché de façon régulière et continue sur le terrain depuis septembre 2007 ; que, par suite, M. et Mme B…ne peuvent utilement soutenir que la cour aurait, sur ce point, dénaturé les faits;
5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes du A de l’article R. 421-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au permis de construire en litige : » Le dossier joint à la demande de permis de construire comporte : (…) / 5° Deux documents photographiques au moins permettant de situer le terrain respectivement dans le paysage proche et lointain et d’apprécier la place qu’il y occupe (…) ; / 6° Un document graphique au moins permettant d’apprécier l’insertion du projet de construction dans l’environnement, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et des abords (…) ; / 7° Une notice permettant d’apprécier l’impact visuel du projet. A cet effet, elle décrit le paysage et l’environnement existants et expose et justifie les dispositions prévues pour assurer l’insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords (…) » ;
6. Considérant qu’en jugeant que si le dossier de demande de permis de construire comportait un photomontage présentant une vue du projet, il ne contenait en revanche aucune notice décrivant le paysage et l’environnement existants et justifiant les dispositions prévues pour assurer l’insertion dans ce paysage de la construction, de ses accès et de ses abords, ce dont elle a déduit que les dispositions de l’article R. 421-2 du code de l’urbanisme avaient été méconnues, la cour s’est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui lui était soumis, exempte de dénaturation ;
7. Considérant, en dernier lieu, qu’aux termes du premier alinéa du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme applicable aux communes littorales : » L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » ;
8. Considérant, d’une part, qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 desquelles elles sont issues, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ; qu’en estimant que le terrain d’assiette du projet se situait dans une zone d’urbanisation diffuse et que la construction litigieuse ne pouvait être regardée comme étant en continuité avec les agglomérations du Touquet ou de Cucq, la cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine qui n’est pas entachée de dénaturation ;
9. Considérant, d’autre part, qu’un permis de construire ne peut être délivré sur le fondement des dispositions citées ci-dessus du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme pour la réalisation d’une construction qui n’est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants qu’à la condition que le projet soit conforme à la destination d’une zone délimitée par le document local d’urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d’une extension de l’urbanisation de faible ampleur intégrée à l’environnement par la réalisation d’un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l’organisation s’inscrivent dans les traditions locales ; qu’en relevant que les constructions les plus proches avaient principalement été réalisées dans le cadre du lotissement autorisé en 1974 sous la forme de maisons d’habitation situées sur de vastes parcelles de 3 000 mètres carrés et que le projet contesté, portant sur une seule maison d’habitation, ne constituait pas une extension de l’urbanisation sous la forme d’un hameau nouveau intégré à l’environnement au sens des dispositions précitées, la cour a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B…ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ;
11. Considérant que les conclusions de M. et Mme B…présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu’être rejetées ; qu’il en est de même de celles de la commune du Touquet-Paris-Plage, qui n’a pas la qualité de partie dans la présente instance ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. et Mme B…une somme de 1 500 euros à verser à l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer au même titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme B…est rejeté.
Article 2 : M. et Mme B…verseront une somme de 1 500 euros à l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la commune du Touquet-Paris-Plage présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A…B…, à la commune du Touquet-Paris-Plage et à l’association Groupement de défense de l’environnement de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer.