Arrêt rendu par Conseil d’Etat
05-02-2021
n° 430990
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :
M. et Mme A. C. ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, l’arrêté du 30 mai 2017 par lequel le maire de la commune de Nouméa a accordé à la société PCS un permis de construire en vue de l’édification d’un bâtiment à usage d’habitation au 8, rue Jules Courtot dans le quartier de Val Plaisance à Nouméa et, d’autre part, la délibération du 13 septembre 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Nouméa a autorisé la cession d’une partie du lot 2pie à cette société et la délibération du 5 septembre 2017 portant prorogation du délai de péremption de cette délibération.
Par un jugement n° 1700262 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions de M. et Mme C. dirigées contre les délibérations du 13 septembre 2016 et du 5 septembre 2017 et a sursis à statuer sur la légalité du permis de construire du 30 mai 2017, en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme.
Par un jugement n° 1700262 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions de M. et Mme C. tendant à l’annulation de l’arrêté du 30 mai 2017 portant permis de construire.
Par un arrêt n° 18PA00952, 18PA02749 du 21 février 2019, la cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement n° 1700262 du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie en tant qu’il rejette les conclusions de M. et Mme C. tendant à l’annulation des délibérations du 13 septembre 2016 et du 5 septembre 2017 du conseil municipal de la commune de Nouméa et rejeté la demande de M. et Mme C. tendant à l’annulation de ces délibérations, ainsi que le surplus des conclusions d’appel.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 mai et 23 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. et Mme C. demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de la commune de Nouméa la somme de 4 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de l’urbanisme de Nouvelle-Calédonie ;
– le code de justice administrative et le décret n° 2020-1460 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme D. B., conseillère d’Etat,
– les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Buk Lament- Robillot, avocat de M. et Mme C., à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la Commune de Nouméa et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la société PCS ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 30 mai 2017, le maire de Nouméa (Nouvelle-Calédonie) a accordé un permis de construire à la société PCS en vue de l’édification au 8, rue Jules Courtot, dans le quartier de Val Plaisance, d’un bâtiment à usage d’habitation comprenant 13 logements pour une surface hors oeuvre nette de 2 015,85 m2, sur le lot n° 271 et une partie du lot 2pie. Le lot 2pie appartenant à la commune de Nouméa, le conseil municipal a au préalable, par une délibération du 13 septembre 2016, autorisé la cession à la société PCS d’une partie de ce lot en vue de son rattachement au lot n° 271, à la condition suspensive que cette société devienne préalablement propriétaire de ce dernier lot. Par une délibération du 5 septembre 2017, le conseil municipal de la commune de Nouméa a autorisé la prorogation d’un an de la durée d’exécution de la délibération du 13 septembre 2016. M. et Mme C. ont demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d’annuler ces délibérations et cet arrêté. Par un jugement avant dire droit du 21 décembre 2017, le tribunal administratif a, d’une part, rejeté les conclusions présentées sur le fondement de l’article L. 600-7 du code de l’urbanisme ainsi que celles tendant à l’annulation des délibérations des 13 septembre 2016 et 5 septembre 2017 et, d’autre part, sursis à statuer sur la légalité de l’arrêté du maire de Nouméa du 30 mai 2017 en vue de permettre la régularisation du permis de construire dans un délai de trois mois, sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. Par un arrêté du 13 mars 2018, le maire de Nouméa a accordé à la société PCS un permis de construire modificatif, dont M. et Mme C. ont demandé l’annulation. Par un jugement du 17 mai 2018 mettant fin à l’instance, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté les conclusions de M. et Mme C. tendant à l’annulation des arrêtés du 30 mai 2017 et du 13 mars 2018. Par un arrêt du 21 février 2019, la cour administrative d’appel de Paris a annulé le jugement avant dire droit du 21 décembre 2017 en tant qu’il rejette les conclusions de M. et Mme C. tendant à l’annulation des délibérations du 13 septembre 2016 et du 5 septembre 2017 du conseil municipal de la commune de Nouméa, avant de rejeter leurs conclusions tendant à l’annulation de ces délibérations, ainsi que celles tendant à l’annulation du jugement du 17 mai 2018 et des arrêtés du 30 mai 2017 et du 13 mars 2018. M. et Mme C. se pourvoient en cassation contre cet arrêt.
Sur l’arrêt en tant qu’il se prononce sur la régularité de la procédure suivie devant le tribunal administratif :
2. D’une part, aux termes de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme dans sa rédaction applicable à l’instance devant le tribunal administratif de Nouméa : « Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. » D’autre part, aux termes de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’un permis modificatif, une décision modificative ou une mesure de régularisation intervient au cours d’une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d’aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue et que ce permis modificatif, cette décision modificative ou cette mesure de régularisation ont été communiqués aux parties à cette instance, la légalité de cet acte ne peut être contestée par les parties que dans le cadre de cette même instance. »
3. En premier lieu, il résulte des dispositions précitées de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme que les requérants partie à l’instance ayant donné lieu à un jugement avant dire droit sur le fondement de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ne peuvent contester la légalité de la mesure de régularisation, sur laquelle le tribunal les a invité à présenter des observations, que dans le cadre de la même instance. La circonstance qu’ils aient formé appel contre le jugement avant dire droit est sans incidence à cet égard.
4. Il ressort des pièces de la procédure qu’après le jugement avant dire droit du tribunal administratif du 21 décembre 2017, contre lequel les époux C. ont formé appel devant la cour administrative d’appel de Paris, un permis de construire modificatif a été délivré le 13 mars 2018 par le maire de Nouméa, en vue de la régularisation du vice relevé dans ce jugement avant dire droit. La légalité de cette mesure de régularisation, qui a été communiquée par le tribunal aux parties à l’instance dirigée contre le permis initial, ne pouvait être contestée par ces parties que dans le cadre de cette même instance. Par suite, le moyen tiré de ce que la cour administrative d’appel aurait méconnu son office en omettant de relever l’incompétence du tribunal administratif pour statuer sur la légalité de la mesure de régularisation ne peut qu’être écarté.
5. En second lieu, il résulte des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme que lorsque le juge administratif fait usage des pouvoirs qu’il tient de cet article, il doit en principe se prononcer sur l’ensemble des moyens qu’il estime non fondés dans sa décision avant dire droit.
6. Lorsqu’un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés les autres moyens de la requête, a retenu l’existence d’un ou plusieurs vices entachant la légalité du permis de construire, de démolir ou d’aménager dont l’annulation lui était demandée et, après avoir estimé que ce ou ces vices étaient régularisables par un permis modificatif, a décidé de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu’il tient de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme pour inviter l’administration à régulariser ce vice, l’auteur du recours formé contre le permis est recevable à faire appel de ce jugement avant dire droit en tant qu’il a écarté comme non fondés les moyens dirigés contre l’autorisation d’urbanisme initiale et également en tant qu’il a fait application de ces dispositions de l’article L. 600-5-1. Toutefois, à compter de l’intervention de la mesure de régularisation dans le cadre du sursis à statuer prononcé par le jugement avant dire droit, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu’il met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme sont privées d’objet. Il s’ensuit qu’en l’espèce, à compter de la délivrance, le 13 mars 2018, du permis de construire modificatif visant à régulariser le vice relevé par le tribunal administratif dans son jugement avant dire droit du 21 décembre 2017, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu’il a mis en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme étaient privées d’objet. Par ailleurs, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’était sans incidence sur la régularité du jugement du 17 mai 2018 mettant fin à l’instance la circonstance que le tribunal administratif, qui était en principe tenu de se prononcer sur l’ensemble des moyens soulevés devant lui, se soit prononcé dans ce jugement, et non dans le jugement avant dire droit du 21 décembre 2017, sur le moyen tiré de la méconnaissance de l’article UB 12 du règlement du plan d’urbanisme directeur de Nouméa. Dès lors, le moyen tiré de ce que la cour administrative d’appel aurait commis une erreur de droit en regardant comme inopérant le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait entaché ce jugement d’irrégularité en prononçant un sursis à statuer sans avoir au préalable examiné l’ensemble des moyens dirigés contre le permis de construire ne peut qu’être écarté
Sur les autres moyens :
7. En premier lieu, aux termes de l’article R. 121-2 du code de l’urbanisme de la Nouvelle-Calédonie : « Les demandes de permis de construire et les déclarations préalables doivent être signées par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux. » Selon l’article PS. 221-8 de la partie du même code définissant les règles d’urbanisme applicables en province Sud : « Lorsque le pétitionnaire ou le déclarant n’est pas propriétaire du ou des terrains, il atteste être autorisé par le ou les propriétaires du ou des terrains ou leur mandataire à exécuter les travaux. » Il résulte de ces dispositions qu’il n’appartient pas à l’autorité compétente de vérifier, dans le cadre de l’instruction d’une demande de permis, la validité de l’attestation établie par le demandeur, les autorisations d’utilisation du sol ayant pour seul objet de s’assurer de la conformité des travaux qu’elles autorisent avec la législation et la réglementation d’urbanisme. Ainsi, sous réserve de la fraude, le pétitionnaire qui fournit l’attestation prévue à l’article PS. 221-8 du code de l’urbanisme de la Nouvelle-Calédonie doit être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande. Il résulte de ce qui précède que les tiers ne sauraient utilement invoquer, pour contester une décision accordant une telle autorisation au vu de l’attestation requise, la circonstance que l’administration n’en aurait pas vérifié l’exactitude. Toutefois, lorsque l’autorité saisie d’une telle demande de permis de construire vient à disposer au moment où elle statue, sans avoir à procéder à une mesure d’instruction lui permettant de les recueillir, d’informations de nature à établir son caractère frauduleux ou faisant apparaître, sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse, que le pétitionnaire ne dispose, contrairement à ce qu’implique l’article R. 121-2 du code de l’urbanisme de la Nouvelle-Calédonie, d’aucun droit à la déposer, il lui revient de refuser la demande de permis pour ce motif.
8. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que la société PCS, qui a attesté dans sa demande de permis de construire être autorisée à exécuter les travaux, était bénéficiaire d’un compromis de vente, conclu le 11 février 2015 avec le propriétaire du lot n° 271, l’autorisant à déposer une demande de permis de construire dès sa signature et pouvait se prévaloir, pour la partie du lot 2pie devant être rattachée au lot n° 271, d’une délibération du 13 septembre 2016 du conseil municipal de Nouméa autorisant la cession de ce terrain. En considérant que la circonstance que cette délibération contenait une condition suspensive tenant à l’acquisition préalable du lot n° 271 par la société PCS ne saurait établir le caractère frauduleux de la demande ni faire apparaître sans contestation sérieuse que la société PCS ne disposait d’aucun droit à déposer sa demande de permis de construire, la cour administrative d’appel a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
9. En deuxième lieu, aux termes de l’article UB1 10 du règlement du plan d’urbanisme directeur (PUD) de Nouméa : « L’emprise au sol des bâtiments ne doit pas excéder 50 % de la propriété foncière. » Le lexique du PUD dispose : « L’emprise au sol des constructions correspond à leur projection verticale au sol, exception faite des débords de toiture, des balcons, oriels et des parties de constructions dont la hauteur ne dépasse pas 0,60 mètre au-dessus du sol naturel avant travaux. » En relevant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, qu’il ressortait du plan de l’emprise au sol et des espaces verts que l’emprise au sol des bâtiments s’élevait à 692,30 m2, soit moins de 50 % de la propriété foncière d’une superficie de 1 484 m2 et que, pour contester cette surface, les requérants, en se référant au plan de surface hors oeuvre brute mentionnant une surface du rez-de-chaussée de 797,51 m2, n’apportaient aucun élément de nature à établir que le plan de l’emprise au sol serait erroné, la différence constatée provenant notamment d’une dalle terrasse végétalisée dont il n’était pas allégué qu’elle devait être incluse dans le calcul de l’emprise au sol en tant que partie du bâtiment, la cour administrative d’appel n’a pas insuffisamment motivé son arrêt.
10. En troisième lieu, aux termes de l’article UB1 13 du règlement du PUD de Nouméa relatif aux espaces libres et aux plantations : « Règles générales – Les constructions, voies d’accès et aires de stationnement devront être implantées de manière à préserver les arbres existants et les ensembles végétaux existants. Ceux-ci devront être remplacés, le cas échéant par des plantations de taille équivalente. Les espaces libres environnant les constructions et les aires de stationnement doivent être aménagés en espaces verts. Une épaisseur végétale sur la rue devra être créée ou conservée pour une continuité du fil vert des jardins. En cas d’aire de stationnement en plein air, un arbre à ombrage sera planté et correctement protégé à raison d’un arbre toutes les 4 places. Chaque arbre comptera à hauteur de 10 m2 dans le calcul des espaces verts exigés. La superficie de ces espaces aménagés en espaces plantés en pleine terre ne doit pas être inférieure à 15 % de la superficie totale du terrain. Les dalles végétalisées compteront à hauteur de 50 % de leur surface dans le calcul des espaces verts exigés […]. » En relevant, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, après avoir rappelé que la légalité du projet litigieux devait être appréciée en tenant compte des modifications apportées par l’arrêté du 13 mars 2018, que les plans annexés au permis de construire modificatif localisant les places de stationnement en plein air permettaient d’identifier les arbres situés à proximité de ces places et donnaient ainsi une information sur l’aménagement des aires de stationnement en espaces verts, la cour administrative d’appel a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine exempte de dénaturation.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C. ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent. Leur pourvoi doit être rejeté, y compris leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C. la somme de 2 000 € à verser au titre de ces dispositions à la commune de Nouméa ainsi qu’à la société PCS.
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de M. et Mme C. est rejeté.
Article 2 : M. et Mme C. verseront la somme de 2 000 €, d’une part, à la commune de Nouméa et, d’autre part, à la société PCS au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme C., à la commune de Nouméa et à la société PCS.