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Permis de construire : qu’est-ce qu’un permis de construire « superfétatoire » ?

Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Nantes
20-04-2021
n° 20NT01015
Texte intégral :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 14 mars 2020 et le 1er février 2021, le Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO) et M. B. C., représentés par Me D., demandent à la cour :

1°) d’annuler l’arrêté du 14 janvier 2020 par lequel le préfet de la Mayenne a délivré à la société Parc éolien des Halleries un permis de construire concernant l’éolienne E5 composant le parc éolien que la société entend exploiter sur le territoire des communes de Pouancé, rattachée depuis à la commune nouvelle Ombrée d’Anjou, et de Senonnes ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

– les dispositions de l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme ont été respectées et ils disposent d’un intérêt à agir pour contester le permis de construire en litige ;

– le permis de construire est irrégulier en l’absence de justification, dans la demande de permis de construire, de la maîtrise foncière et de présentation d’un projet architectural ;

– le permis de construire est entaché d’un vice de procédure en l’absence de consultation de la commune de Pouancé, devenue depuis la commune nouvelle d’Ombrée d’Anjou ;

– le permis de construire est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 111-14 du code de l’urbanisme en l’absence de prescriptions de nature à diminuer l’impact sur l’activité agricole du CERGO ;

– il est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme en raison des risques de projection de pales ;

– il a été pris en violation du principe de précaution énoncé à l’article 5 de la Charte de l’environnement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2020, la société Parc éolien des Halleries, représentée par la société d’avocats FIDAL, conclut au rejet de la requête et à ce qu’il soit mis à la charge des requérants la somme de 3 500 € au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

– la requête est irrecevable dès lors, d’une part, qu’elle n’était pas accompagnée d’une des pièces visées à l’article R. 600-4 du code de l’urbanisme et que, d’autre part, les requérants ne disposent pas d’un intérêt à agir alors que, de plus, le représentant du CERGO ne justifie pas de sa qualité pour agir en tant que représentant légal de cet organisme ;

– aucun des moyens soulevés n’est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2020, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

– la requête est irrecevable faute pour les requérants d’établir leur intérêt à agir et pour le représentant du Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest d’être habilité à ester en justice ;

– aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Par ordonnance du 17 décembre 2020, la clôture d’instruction a été fixée au 1er février 2021, en application de l’article R. 613-1 du code de justice administrative.

Par une lettre du 10 mars 2021, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l’arrêt était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office tiré de l’irrecevabilité de la requête dirigée contre un permis de construire un parc éolien dès lors que cette décision présente un caractère superfétatoire, insusceptible de faire grief aux tiers.

Par un mémoire, enregistré le 25 mars 2021, le Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO) et M. B. C. ont présenté des observations en réponse au moyen d’ordre public.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

– le code de l’environnement ;

– le code de l’urbanisme ;

– le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

– le rapport de M. A.’hirondel,

– les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

– et les observations de Me D., représentant le Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO) et M. B. C. et de Me E., représentant la société Parc éolien des Halleries.

Considérant ce qui suit :

1. La société Parc éolien des Halleries a déposé, les 22 juillet 2015 et 20 août 2015, deux demandes de permis de construire, l’une auprès du préfet de Maine-et-Loire et l’autre auprès du préfet de la Mayenne en vue de l’installation d’un parc éolien situé à cheval sur le territoire des communes de Pouancé (49), devenue depuis la commune nouvelle d’Ombrée d’Anjou, et de Senonnes (53) et composé de six aérogénérateurs (E1 à E6) et de deux postes de livraison. Par un arrêté du 19 juillet 2016, le préfet de Maine-et-Loire a accordé le permis de construire les éoliennes E1 à E4 et E6 situées dans la commune d’Ombrée d’Anjou. Par un arrêté du 1er septembre 2016, le préfet de la Mayenne a, en revanche, refusé de délivrer le permis de construire l’éolienne E5 sur le territoire de la commune de Senonnes. La société Parc éolien des Halleries a contesté devant le tribunal administratif de Nantes ce refus. Par un jugement du 18 octobre 2019, le tribunal administratif a annulé cette décision et a enjoint au préfet de la Mayenne de délivrer le permis de construire portant sur l’éolienne E5 dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement. Par un arrêté du 14 janvier 2020, l’autorité préfectorale a délivré à la société Parc éolien des Halleries, en exécution de ce jugement, le permis de construire sollicité. Le Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO) et M. B. C. demandent à la cour de prononcer l’annulation de ce dernier arrêté.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Aux termes de l’article L. 181-2 du code de l’environnement, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale : « I. L’autorisation environnementale tient lieu, y compris pour l’application des autres législations, des autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments suivants, lorsque le projet d’activités, installations, ouvrages et travaux relevant de l’article L. 181-1 y est soumis ou les nécessite : / […] / 7° Récépissé de déclaration ou enregistrement d’installations mentionnées aux articles L. 512-7 ou L. 512-8, à l’exception des déclarations que le pétitionnaire indique vouloir effectuer de façon distincte de la procédure d’autorisation environnementale, ou arrêté de prescriptions applicable aux installations objet de la déclaration ou de l’enregistrement […]. / 12° Autorisations prévues par les articles L. 5111-6, L. 5112-2 et L. 5114-2 du code de la défense, autorisations requises dans les zones de servitudes instituées en application de l’article L. 5113-1 de ce code et de l’article L. 54 du code des postes et des communications électroniques, autorisations prévues par les articles L. 621-32 et L. 632-1 du code du patrimoine et par l’article L. 6352-1 du code des transports, lorsqu’elles sont nécessaires à l’établissement d’installations de production d’électricité utilisant l’énergie mécanique du vent. […]. » Le décret du 26 janvier 2017 relatif à l’autorisation environnementale a créé l’article R. 425-29-2 du code de l’urbanisme aux termes duquel : « Lorsqu’un projet d’installation d’éoliennes terrestres est soumis à autorisation environnementale en application du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l’environnement, cette autorisation dispense du permis de construire. »

3. Il ressort des pièces du dossier que la société Parc éolien des Halleries a sollicité, le 6 juillet 2015, pour le même projet, une demande d’autorisation d’exploiter. Si par un arrêté conjoint du 6 décembre 2017, le préfet de Maine-et-Loire et le préfet de la Mayenne ont refusé de délivrer cette autorisation, le pétitionnaire a contesté devant le tribunal administratif de Nantes ce refus. Par le jugement précité du 18 octobre 2019, le tribunal administratif a également annulé cette décision et a enjoint à l’administration de délivrer l’autorisation sollicitée dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement en l’assortissant des prescriptions nécessaires pour prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement. Par un arrêté du 15 janvier 2020, le préfet de Maine-et-Loire et le préfet de la Mayenne ont, en exécution de ce jugement, délivré à la société Parc éolien des Halleries une autorisation environnementale. Il résulte des dispositions précitées que cette autorisation environnementale dispense de permis de construire. Dans ces conditions, l’exploitant n’étant pas tenu de solliciter une autorisation pour édifier les aérogénérateurs composant le parc éolien dont il s’agit, le permis de construire délivré par le préfet de la Mayenne le 14 janvier 2020 présente un caractère superfétatoire et par suite n’est pas susceptible de faire grief aux tiers. Dès lors, la requête présentée par le Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO) et par M. B. C. dirigée contre l’arrêté délivrant ce permis de construire est irrecevable.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les fins de non-recevoir opposées par les défendeurs, que la requête présentée par le Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO) et par M. B. C. ne peut qu’être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

5. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge des requérants la somme que la société Parc éolien des Halleries demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par les requérants soit mise à la charge de l’Etat, qui n’est pas la partie perdante.

Décide :

Article 1er : La requête du Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO) et de M. B. C. est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Parc éolien des Halleries tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au Centre d’Entraînement Régional de Galop de l’Ouest (CERGO), à M. B. C., au ministre de la transition écologique et à la société Parc éolien des Halleries.

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