CAA de MARSEILLE
N° 13MA01618
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. d’HERVE, président
Mme Muriel JOSSET, rapporteur
M. SALVAGE, rapporteur public
ELBAZ, avocat
lecture du lundi 20 avril 2015
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2013 au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille, sous le n° 13MA01618, présentée pour la société Hôtel Impérial Garoupe, représentée par son gérant en exercice, dont le siège social est 770 chemin de la Garoupe à Antibes (06600), par Me Elbaz, avocat ;
La société Hôtel Impérial Garoupe demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 0900962 du 26 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté du 27 février 2009 par lequel le maire de la commune d’Antibes lui avait délivré un permis de construire précaire pour l’aménagement d’un restaurant de plein air ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C…devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de Mme C…une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
……………………………………………………………………………………………………..
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 23 mars 2015 :
– le rapport de Mme Josset, présidente-assesseure,
– les conclusions de M. Salvage, rapporteur public ;
– et les observations de MeA…, substituant Me Elbaz, pour la SAS Hôtel Imperial Garoupe et de Me B…pour MmeC… ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré produite le 27 mars 2015, pour la société Hôtel Impérial Garoupe par Me Elbaz ;
1. Considérant que, par arrêté du 27 février 2009, le maire de la commune d’Antibes a délivré un permis de construire précaire sur le fondement de L.433-1 du code de l’urbanisme à la société Hôtel Impérial Garoupe pour la réalisation, sur un terrain situé en bordure de mer dont elle a l’usage, d’un restaurant de plein air nécessitant la réalisation de trois constructions à usage de bar, cuisine et sanitaires, implantées sur un plancher bois reposant sur des plots de béton élevés sur le sol naturel formant terrasse, d’une superficie d’exploitation de 102 m²; que cette société fait appel du jugement du 26 février 2013 par lequel le tribunal administratif de Nice à la demande de Mme C…a annulé cet arrêté ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que lorsqu’il est saisi, postérieurement à la clôture de l’instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d’une note en délibéré émanant d’une des parties à l’instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d’en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que, s’il a toujours la faculté, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de rouvrir l’instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans cette note, il n’est tenu de le faire à peine d’irrégularité de sa décision que si cette note contient soit l’exposé d’une circonstance de fait dont la partie qui l’invoque n’était pas en mesure de faire état avant la clôture de l’instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d’une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d’office ; que ce n’est que lorsqu’il se trouve dans un tel cas que le juge administratif ne peut se soustraire à l’obligation de rouvrir l’instruction ;
3. Considérant qu’il ressort du jugement attaqué que pour accueillir le moyen tiré de l’absence de motivation et de justification du caractère exceptionnel de la dérogation accordée en l’espèce, le tribunal a estimé que le motif avancé par la commune, qui indiquait vouloir permettre au délégataire du service public des bains de mer d’exploiter le lot n° 8 dénommé » Garoupe Beach » dans des conditions contraintes par la configuration particulière de ce lot, ne suffisait pas à justifier le caractère exceptionnel de l’autorisation accordée et manquait en outre en fait, compte tenu des caractéristiques de ce lot ; qu’il ressort des pièces du dossier soumis au tribunal que l’ensemble des éléments sur lesquels celui-ci s’est fondé pour accueillir le moyen de Mme C…avaient pu être discutés par les parties avant l’intervention de la clôture de l’instruction ; que la note en délibéré produite par Mme C…ne comportait aucun élément nouveau au regard des faits mentionnés dans ses précédentes écritures et des pièces figurant au dossier, alors même que ladite note en délibéré a été déposée par Mme C…consécutivement aux conclusions du rapporteur public qui concluait au rejet de sa requête ; qu’ainsi la requérante n’est pas fondée à soutenir que les premiers juges se sont nécessairement fondés sur le contenu de cette note en délibéré pour motiver leur décision ; que dans ces conditions, en ne rouvrant pas l’instruction pour communiquer, cette note en délibéré à la société requérante, le tribunal n’a pas porté atteinte au caractère contradictoire de la procédure ;
4. Considérant, en second lieu, que si la société appelante soutient que le jugement est entaché d’une erreur de droit, une telle erreur à la supposer établie ne peut avoir d’incidence que sur le bien-fondé du jugement et non sur sa régularité ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête de première instance :
5. Considérant qu’ainsi que l’a jugé à bon droit, le tribunal, Mme C…qui se prévalait de sa qualité de propriétaire d’un bien immobilier qui jouxte immédiatement le terrain d’assiette du projet litigieux a, de ce seul fait, intérêt à agir ;
En ce qui concerne la légalité de l’arrêté du 27 février 2009 :
6. Considérant qu’aux termes de l’article L.433-1 du code de l’urbanisme : » Une construction n’entrant pas dans le champ d’application de l’article L. 421-5 et ne satisfaisant pas aux exigences fixées par l’article L. 421-6 peut exceptionnellement être autorisée à titre précaire dans les conditions fixées par le présent chapitre. Dans ce cas, le permis de construire est soumis à l’ensemble des conditions prévues par les chapitres II à IV du titre II du présent livre. » ; que ces dispositions ont pour objet d’autoriser, à titre exceptionnel, des constructions temporaires qui, sans respecter l’ensemble de la règlementation d’urbanisme applicable, répondent à une nécessité caractérisée, tenant notamment à des motifs d’ordre économique, social, culturel ou d’aménagement, sans pouvoir toutefois déroger de manière disproportionnée aux règles d’urbanisme applicables, eu égard aux caractéristiques du terrain d’assiette, à la nature de la construction et aux motifs rendant nécessaire le projet ainsi mis en oeuvre ;
7. Considérant que la commune d’Antibes a autorisé la société Impérial Groupe par contrat du 1er juillet 2008, à occuper le lot n° 8 du domaine public maritime, dans le cadre d’une délégation lui permettant d’exploiter la plage dénommée » Garoupe beach » d’une superficie de 310 m² ; qu’il ressort des pièces du dossier que le maire de la commune d’Antibes a accordé, pour le projet décrit au point 1 à réaliser sur un terrain voisin mais situé hors de l’emprise de la concession, l’autorisation de construire attaquée pour tenir compte et compenser pour ce délégataire du service public des bains de mer les conditions d’exploitation de ce lot n° 8, contraintes par sa configuration particulière ; que, toutefois, la société appelante, qui a souscrit en connaissance de cause cette convention qui n’autorise en son article 3.3.2 qu’une restauration légère et rapide comme une activité accessoire à celle de l’activité de service public de bains de mer et qui mentionne pour le lot ainsi concédé une superficie de 150 m² de surface pouvant seule recevoir des installations démontables, ne pouvait ignorer les conditions d’exploitation particulières que cette délégation impliquait ; qu’en admettant même que le restaurant objet de la demande, situé au demeurant non loin de l’hôtel que la société délégataire exploite à titre principal par ailleurs, lui permettrait d’optimiser l’exploitation du lot de plage dont elle est attributaire, cette circonstance n’est pas de nature à démontrer que son projet répondrait à une nécessité caractérisée, notamment d’ordre économique, au sens des dispositions précitées ; que, dans ces conditions en se bornant à justifier le caractère exceptionnel du permis précaire accordé attaqué par l’attribution à la société Hôtel Impérial Garoupe de la délégation n° 41 relative à l’exploitation de la plage dite » Garoupe Beach « , le maire de la commune d’Antibes, a méconnu les dispositions susvisées de l’article L.433-1 du code de l’urbanisme ;
8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société Hôtel Impérial Garoupe n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé l’arrêté du 27 février 2009 en litige ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : » Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. » ;
10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que MmeC…, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, verse quelque somme que ce soit au titre des frais exposés par la société Hôtel Impérial Groupe et non compris dans les dépens ;
11. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner la société Hôtel Impérial Garoupe à verser à Mme C…une somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Hôtel Impérial Garoupe est rejetée.
Article 2 : La société Hôtel Impérial Garoupe versera à Mme C…une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Hôtel Impérial Garoupe, à Mme D… C… et à l’association de défense des plages de la Garoupe.
Copie en sera adressée à la commune d’Antibes.