Cour Administrative d’Appel de Marseille
N° 11MA00973
Inédit au recueil Lebon
1ère chambre – formation à 3
M. BENOIT, président
M. Michaël REVERT, rapporteur
M. MASSIN, rapporteur public
SCP SCHEUER – VERNHET & ASSOCIES, avocat
lecture du jeudi 14 mars 2013
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d’appel de Marseille le 9 mars 2011, sous le numéro 11MA00973, présentée pour l’ordre des avocats du barreau de Montpellier, représenté par son bâtonnier et pour Mme C…A…, domiciliée…,; L’ordre des avocats du barreau de Montpellier et Mme A…demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0905257 en date du 27 janvier 2011 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 2 octobre 2009 par lequel le préfet de l’Hérault a délivré un permis de construire pour la réalisation d’une cité judiciaire ;
2°) d’annuler ledit arrêté ;
Ils soutiennent que leur intérêt à agir est constitué, dans la mesure où des locaux sont destinés dans la future cité judiciaire à accueillir l’ordre et les avocats et où MmeA…, avocate, est voisine du projet en litige ; que c’est à tort et en ne tirant pas les conséquences de leurs propres constatations, que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R. 431-10 du code de l’urbanisme, en cela que le document graphique ne permet pas d’apprécier l’accès au terrain et aux aires de stationnement y afférentes et que les auteurs de la demande ont de la sorte dissimulé le caractère inapproprié des accès au projet par les véhicules ; que le jugement a fait une mauvaise application de l’article 3 du règlement de la zone 1U1, en en donnant une interprétation favorable au projet, ledit texte procédant de la volonté de limiter à deux le nombre d’accès à une même voie ; que le jugement sera annulé en ce qu’il a écarté également le moyen tiré de la violation de l’article 12 dudit règlement de zone, alors que la demande de permis ne montre pas que le nombre de places de stationnement répond aux besoins engendrés par le projet, que le nombre de places prévu ne répondra pas aux besoins du personnel de la cité et n’a pas pris en compte le nombre de visiteurs, que les emplacements 13 et 14 n’ont pas la largeur requise et que l’un des emplacements 6, 7 et 8 est inutilisable ; qu’en estimant que les arbres supprimés et non remplacés n’étaient pas des arbres de haute tige en raison de leur hauteur réduite, laquelle n’était pas inférieure à 6 mètres comme le soutenait le préfet, les premiers juges ont méconnu les dispositions de l’article 13 de ce règlement de zone ;
Vu l’ordonnance du magistrat-rapporteur en date du 26 septembre 2012 fixant la clôture de l’instruction au 26 octobre 2012 à 12 heures ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 23 octobre 2012, présenté par la ministre de l’égalité des territoires et du logement, par lequel la ministre conclut au rejet de la requête ;
La ministre fait valoir que le plan de masse fait apparaître les accès au terrain et les sorties de véhicules et que la notice confirme le maintien de l’accès existant ; que comme l’ont interprété à bon droit les premiers juges, l’article 13 du règlement de la zone 1U1 limite seulement le nombre d’accès donnant sur une même voie publique, mais n’interdit pas des accès sur plusieurs voies publiques ; que l’article 12 du même règlement n’a pas été méconnu, dès lors que les dispositions du a) du 1 ) de cet article ne sont pas applicables au projet de 4732 m² de surface hors oeuvre nette (SHON) qui s’analyse, conformément au 4) du même texte, comme un projet inclus dans le périmètre de desserte du tramway ; que les premiers juges n’ont pas commis d’erreur d’appréciation en écartant le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 13 du règlement de zone, puisque les arbres situés à proximité immédiate de l’entrée existante ne sont pas des arbres à haute tige, du fait de leur hauteur réduite ; que subsidiairement, si la Cour devait annuler le jugement querellé, elle devrait néanmoins accueillir la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance par le préfet de l’Hérault et tirée du défaut d’intérêt à agir ; qu’ainsi et d’une part, l’ordre des avocats ne démontre pas que le futur bâtiment affecterait par lui-même ses propres intérêts ou ceux qu’il entend défendre du fait de son objet social, l’opportunité de la localisation de la future cité judiciaire étant sans incidence à cet égard ; que d’autre part, la distance séparant les locaux d’exercice de l’activité professionnelle de Mme A…du projet en litige, supérieure à 200 mètres ainsi que la configuration des lieux et spécialement l’étroitesse de la rue de desserte, ne rendent pas le second visible des premiers et ne confèrent pas à la requérante un intérêt pour agir ;
Vu l’ordonnance du magistrat-rapporteur en date du 25 octobre 2012 rouvrant l’instruction ;
Vu le mémoire en défense, enregistré au greffe de la Cour le 26 octobre 2012, présenté par la garde des sceaux, ministre de la justice, par lequel la ministre conclut à titre principal à l’irrecevabilité de la requête et subsidiairement à son rejet au fond ;
La ministre fait valoir, à titre principal, que la requête est irrecevable en ce que ses auteurs ne justifient pas d’un intérêt à agir suffisant, dès lors que l’ordre des avocats se borne à se prévaloir de la loi du 31 décembre 1971, laquelle ne confère pas, par elle-même, un intérêt suffisamment direct, et que Mme A…ne démontre pas que le projet serait visible depuis les locaux qu’elle loue ; que la requête est également irrecevable pour ne contenir que les moyens déjà invoqués en première instance ; subsidiairement, que l’article R. 431-10 du code de l’urbanisme a été respecté, les documents graphiques, qui ne sont pas la simple page de garde à laquelle se réfèrent les appelants, étant explicites et non équivoques quant à l’entrée des véhicules dont l’accès est précisé par la notice explicative, alors que l’ensemble des documents du dossier suffisait ; que l’exigence de l’article 3 du règlement de la zone 1U1 du plan local d’urbanisme, qui ne donne lieu qu’à une seule interprétation possible, a été respectée, puisque le projet prévoit un accès par voie publique ; que l’a été tout autant celle posée par l’article 12 de ce même règlement relative aux aires de stationnement, que l’on se réfère au critère lié au rapport de la SHON et du nombre de places, le projet en comportant 38 contre les 12 imposées par ce critère et peu important alors l’irrégularité des places 13 et 14 ou de l’une des places 6 et 7, ou à celui lié aux besoins engendrés par l’activité du bâtiment, les requérants n’invoquant aucune évaluation chiffrée ; que le projet, qui n’emporte pas la suppression de dix arbres de haute tige, les arbres existants ne pouvant être qualifiés comme tels mais de simples massifs d’arbustes du fait de leur hauteur et de la circonférence de leur tronc, prévoit la compensation par la mise en place de façades végétalisées et surtout, conformément à l’article 13 du règlement, la plantation de trois arbres pour six places de stationnement ; qu’au besoin il appartiendra à la Cour de considérer que le projet a pour effet de rendre le bâtiment et ses végétaux plus conformes ;
Vu l’ordonnance en date du 12 novembre 2012 fixant la clôture de l’instruction au 14 décembre 2012 à 12 heures ;
Vu l’ordonnance du magistrat-rapporteur en date du 9 janvier 2013 rouvrant l’instruction ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 février 2013 :
– le rapport de M. Revert, rapporteur ;
– les conclusions de M. Massin, rapporteur public ;
1. Considérant que par le jugement dont appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier et de Mme A…tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 2 octobre 2009 par lequel le préfet de l’Hérault a délivré au nom de l’État un permis de construire valant permis de démolir pour la création d’une cité judiciaire, par réhabilitation d’un bâtiment existant sis rue de la Méditerranée à Montpellier ;
2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 17 de la loi du 31 décembre 1971 susvisée : » Le conseil de l’ordre a pour attribution de traiter toutes questions intéressant l’exercice de la profession et de veiller à l’observation des devoirs des avocats qu’ainsi qu’à la protection de leurs droits. Sans préjudice des dispositions de l’article 21-1, il a pour tâches, notamment : (…) 5° De traiter toute question intéressant l’exercice de la profession, la défense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs. (…). 7° D’autoriser le bâtonnier à ester en justice (…) » ;
3. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier de demande de permis de construire que la future cité judiciaire doit comporter des locaux destinés aux avocats ; que, toutefois, ni les dispositions législatives précitées, ni la qualité de futur usager de la construction projetée ne sont de nature à elles seules à conférer à l’ordre des avocats du barreau de Montpellier un intérêt suffisant à agir contre le permis de construire litigieux ; que dans ces conditions, la demande de première instance était irrecevable en tant qu’elle émanait de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier qui ne se prévalait devant les premiers juges et qui ne se prévaut en appel d’aucun autre intérêt à agir ;
4. Considérant, d’autre part, qu’il ressort des pièces du dossier, notamment des différentes photographies produites dans le dossier de première instance, que les locaux que Mme A…loue pour les besoins de l’exercice de sa profession d’avocat, bien que situés dans la rue de la Méditerranée qui dessert le terrain d’assiette de la future cité judiciaire, en sont éloignés d’environ 220 mètres ; qu’alors que l’appelante ne livre aucune précision quant à la hauteur de l’immeuble accueillant ses locaux professionnels, il ne résulte pas de ces mêmes documents qu’en raison notamment de la largeur de la rue de la Méditerranée et de la configuration des lieux, le projet en litige sera visible de cet immeuble ; qu’ainsi, pas plus en appel qu’en première instance, Mme A…, qui ne se prévaut d’aucune autre qualité, ne justifie de sa qualité de voisin par rapport audit projet et partant d’un intérêt à agir suffisant à l’encontre du permis de construire ; que la demande de première instance n’était donc pas davantage recevable en tant qu’elle émanait de Mme A… ;
5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête d’appel, que l’ordre des avocats du barreau de Montpellier et Mme A… ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l’ordre des avocats du barreau de Montpellier et de Mme A…est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l’ordre des avocats du barreau de Montpellier, à Mme A…, à la ministre de l’égalité des territoires et du logement et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l’audience du 14 février 2013, où siégeaient :
– M. Benoit, président,
– MmeB…, présidente-assesseure,
– M. Revert, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 mars 2013.
Le rapporteur,
M. REVERTLe président,
L. BENOIT
La greffière,
S. EYCHENNE
La République mande et ordonne à la ministre de l’égalité des territoires et du logement et à la garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui les concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 11MA009732
CB