Les dernières nouvelles

Permis de construire : indivisibilité du projet mais possible annulation partielle de l’autorisation !

Conseil d’État 

N° 358401   Mentionné dans les tables du recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jean Lessi, rapporteur
Mme Maud Vialettes, rapporteur public
SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP DIDIER, PINET, avocats

lecture du vendredi 4 octobre 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

maire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 avril et 10 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour M. A…C…, demeurant…, et pour Mme D…B…, demeurant… ; M. C…et Mme B…demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 10MA01897 du 9 février 2012 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, après avoir annulé le jugement n° 0900715 du 18 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l’annulation de l’arrêté du 1er décembre 2008 par lequel le maire d’Armissan (Aude) a accordé à la SCI Perspective un permis de construire d’un ensemble immobilier de 21 villas, 22 logements sociaux et une unité de vie de 13 logements, n’a que partiellement fait droit à leur requête en annulant ce même arrêté en tant seulement qu’il autorise des pentes de toiture supérieures à 35 % ;

2°) de mettre à la charge de la commune d’Armissan et de la SCI Perspective la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Jean Lessi, Maître des Requêtes,

– les conclusions de Mme Maud Vialettes, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. C…et de Mme B…et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune d’Armissan ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 1er décembre 2008, le maire de la commune d’Armissan (Aude) a accordé à la SCI Perspective un permis de construire un ensemble immobilier composé de 21 villas, de 22 logements sociaux et d’une unité de vie de 13 logements ; que M. C…et Mme B…ont demandé au tribunal administratif de Montpellier l’annulation de ce permis de construire, puis ont fait appel devant la cour administrative d’appel de Marseille du jugement rejetant leur demande ; que cette cour, par un arrêt du 9 février 2012 contre lequel ils se pourvoient en cassation, a annulé le permis de construire accordé à la SCI Perspective en tant seulement qu’il autorise pour les villas des pentes de toiture supérieures à 35 % ;

2. Considérant, en premier lieu, que si M. C…et Mme B… affirment que  » les parties  » n’ont pas été régulièrement convoquées à l’audience publique devant la cour administrative d’appel, sans soutenir toutefois qu’ils n’auraient eux-mêmes pas fait l’objet d’une convocation régulière, il ressort des éléments produits en défense par la commune d’Armissan que celle-ci a bien reçu un avis d’audience dans les formes et les délais requis par l’article R. 711-2 du code de justice administrative ; que, contrairement à ce qui est soutenu, l’extrait de l’application de suivi de l’instruction figurant au dossier de procédure corrobore cet envoi, en indiquant au demeurant que l’ensemble des parties ont été rendues destinataires de cet avis à la même date ; que, dans ces conditions, le moyen doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article R. 431-8 du code de l’urbanisme :  » Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L’état initial du terrain et de ses abords indiquant, s’il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l’insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : / (…) b) L’implantation, l’organisation, la composition et le volume des constructions nouvelles, notamment par rapport aux constructions ou paysages avoisinants ; / c) Le traitement des constructions, clôtures, végétations ou aménagements situés en limite de terrain ; (…) / f) L’organisation et l’aménagement des accès au terrain, aux constructions et aux aires de stationnement  » ;

4. Considérant qu’en jugeant que la notice ne devait pas nécessairement, au titre du 1° de l’article R. 431-8, préciser que les espaces boisés situés à proximité du terrain d’assiette du projet, dont elle décrivait la consistance et l’intérêt, faisaient l’objet d’une protection particulière au titre de la législation sur l’environnement, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ; qu’en énonçant que la notice décrivait  » de manière précise  » la desserte du projet par une voie centrale et une voie de bouclage  » clairement représentées dans les différents plans de masse « , la cour a, contrairement à ce qui est soutenu, expressément répondu à l’argumentation des requérants tirée de ce que le dossier de demande ne donnait pas une représentation fidèle des accès au terrain et aux constructions, sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis ; que si elle n’a pas spécifiquement répondu à la critique tirée de ce que l’emplacement et les dimensions du bassin de rétention n’étaient pas décrits avec une précision suffisante dans le dossier de demande, la cour n’a, eu égard à la teneur de l’argumentation développée par les requérants devant elle sur ce point, pas entaché son arrêt d’insuffisance de motivation ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article R. 111-21 du code de l’urbanisme :  » Le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l’aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales  » ;

6. Considérant qu’en jugeant que, eu égard à l’aspect des constructions et aux mesures prises pour atténuer l’impact visuel du projet, et malgré la proximité du massif de la Clape, le maire n’avait pas commis d’erreur manifeste au regard de ces dispositions en délivrant le permis litigieux, la cour a porté sur les faits de l’espèce une appréciation souveraine qui est exempte de dénaturation ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu’aux termes de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme :  » Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation. / L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive  » ;

8. Considérant que, d’une part, lorsque les éléments d’un projet de construction ou d’aménagement ayant une vocation fonctionnelle autonome auraient pu faire, en raison de l’ampleur et de la complexité du projet, l’objet d’autorisations distinctes, le juge de l’excès de pouvoir peut prononcer une annulation partielle de l’arrêté attaqué en raison de la divisibilité des éléments composant le projet litigieux ; que, d’autre part, il résulte des dispositions de l’article L. 600-5 citées ci-dessus qu’en dehors de cette hypothèse, le juge administratif peut également procéder à l’annulation partielle d’une autorisation d’urbanisme dans le cas où une illégalité affecte une partie identifiable du projet et où cette illégalité est susceptible d’être régularisée par un arrêté modificatif de l’autorité compétente, sans qu’il soit nécessaire que la partie illégale du projet soit divisible du reste de ce projet ; que le juge peut, le cas échéant, s’il l’estime nécessaire, assortir sa décision d’un délai pour que le pétitionnaire dépose une demande d’autorisation modificative afin de régulariser l’autorisation subsistante, partiellement annulée ;

9. Considérant que, pour faire application de l’article L. 600-5 du code de l’urbanisme et n’annuler que partiellement le permis de construire litigieux, en tant que la pente des toitures des villas dont il permet la construction est supérieure aux 35 % autorisés dans cette zone par l’article AUC 11 du règlement du plan local d’urbanisme, la cour s’est fondée sur la circonstance que ces villas ne comportaient pas de combles aménagés et que la régularisation du vice relevé ne conduirait qu’à un  » léger abaissement des faîtières  » ; qu’ainsi, la cour n’a, contrairement à ce qui est soutenu, pas omis de rechercher si le vice pouvait être régularisé au regard des règles d’urbanisme applicables sans remettre en cause la conception générale ni l’implantation des constructions et si la construction pouvait ainsi, compte tenu du caractère limité des modifications apportées au projet initial, faire légalement l’objet d’un permis modificatif ; qu’en jugeant que tel était le cas en l’espèce, elle a porté sur les pièces du dossier une appréciation souveraine exempte de dénaturation ;

10. Considérant par ailleurs que la cour, qui s’est bornée à exercer son office, n’était pas tenue de recueillir les observations des parties avant de mettre en oeuvre les pouvoirs que lui confèrent les dispositions précitées et n’a ainsi, en tout état de cause, pas méconnu les exigences résultant des stipulations de l’article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’elle n’a pas soulevé un moyen d’ordre public qu’elle aurait dû communiquer aux parties en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative ;

11. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. C… et Mme B… ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ;

12. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune d’Armissan qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. C…et Mme B…une somme de 3 000 euros à verser à la commune à ce même titre ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : Le pourvoi de M. C…et Mme B…est rejeté.
Article 2 : M. C…et Mme B…verseront à la commune d’Armissan une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A…C…, à Mme D… B…et à la commune d’Armissan.
Copie en sera adressée pour information à la SCI Perspective.

Regardez aussi !

Autorisation d’urbanisme : comment identifier la destination d’un ancien bâtiment ?

Conseil d’État, 10ème – 9ème chambres réunies, 08/07/2024, 475635 Texte intégral RÉPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM …

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.