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Permis de construire : petit rappel, demander une pièce complémentaire, c’est illégal !

Illégal, sauf si la pièce complémentaire est déterminante et nécessaire pour l’instruction (et sauf plan d’aménagement intérieur sur demande de l’instructeur cf. ALUR)

Conseil d’État

N° 390273   
ECLI:FR:CESSR:2015:390273.20151209
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
HAAS ; SCP TIFFREAU, MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats

lecture du mercredi 9 décembre 2015

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Orange a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers de suspendre l’exécution de l’arrêté du 26 septembre 2014 par lequel le maire de la commune d’Asnières-sur-Nouère a fait opposition à la déclaration préalable de travaux qu’elle avait déposée le 5 août 2014 en vue de l’édification d’une station de téléphonie mobile à La Croix Gouin. Par une ordonnance n° 1501027 du 5 mai 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a suspendu l’exécution de cet arrêté.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 1er juin 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la commune d’Asnières-sur-Nouère demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par la société Orange ;

3°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code de l’aviation civile ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Cécile Barrois de Sarigny, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Haas, avocat de la commune d’Asnières-sur-Nouère, et à la SCP Tiffreau, Marlange, de La Burgade, avocat de la société Orange ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :  » Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.(…)  » ;
2. Considérant, en premier lieu, que l’urgence justifie la suspension de l’exécution d’un acte administratif lorsque celle-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; qu’il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte contesté sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue ;

3. Considérant que le juge des référés a relevé, pour admettre que la condition d’urgence requise par l’article L. 521-1 du code de justice administrative était en l’espèce remplie, la circonstance que le territoire de la commune d’Asnières-sur-Nouère n’était pas couvert par le réseau de téléphonie mobile de la société Orange et s’est fondé sur l’intérêt public qui s’attache à la couverture du territoire national par les réseaux de téléphonie mobile et les intérêts de la société Orange qui a pris des engagements vis-à-vis de l’Etat quant à la couverture du territoire par son réseau ; qu’en statuant ainsi, le juge des référés, qui a suffisamment motivé sa décision, s’est livré, sans erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

4. Considérant, en second lieu, que pour ordonner la suspension de l’exécution de la décision attaquée, le juge des référés s’est fondé sur deux motifs, tirés, d’une part, de ce que la décision contestée devait être regardée comme ayant illégalement retiré une décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable de travaux et, d’autre part, de ce que le maire de la commune avait commis une erreur d’appréciation en estimant que le projet serait réalisé dans l’emprise de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique ;

5. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article R. 423-23 du code de l’urbanisme :  » Le délai d’instruction de droit commun est de : / a) Un mois pour les déclarations préalables ; (…)  » ; qu’aux termes de l’article R. 424-1 du même code :  » A défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci dessus, le silence gardé par l’autorité compétente vaut, selon les cas : / a) Décision de non-opposition à la déclaration préalable (…)  » ; que, selon l’article R. 423-22 du même code,  » Pour l’application de la présente section, le dossier est réputé complet si l’autorité compétente n’a pas, dans le délai d’un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41  » ; que l’article R. 423-38 dispose que :  » Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l’autorité compétente, dans le délai d’un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur ou à l’auteur de la déclaration une lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou, dans le cas prévu par l’article R. 423-48, un courrier électronique, indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes  » ; qu’aux termes de l’article R. 423-39 :  » L’envoi prévu à l’article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu’à défaut de production de l’ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l’objet d’une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d’une décision tacite d’opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d’instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie  » ;

6. Considérant qu’il résulte de ces dispositions qu’une décision de non-opposition à déclaration préalable naît un mois après le dépôt de celle-ci, en l’absence de notification d’une décision expresse de l’administration ou d’une demande de pièces complémentaires ; que ce délai est interrompu par une demande de pièces manquantes adressée au pétitionnaire, à la condition toutefois que cette demande intervienne dans le délai d’un mois et qu’elle porte sur l’une des pièces limitativement énumérées par le code de l’urbanisme ; que si l’illégalité d’une demande tendant à la production d’une pièce qui ne peut être requise est de nature à entacher d’illégalité la décision tacite d’opposition prise en application de l’article R. 423-39 du code de l’urbanisme, elle ne saurait avoir pour effet de rendre le pétitionnaire titulaire d’une décision implicite de non-opposition ;

7. Considérant, par suite, que le juge des référés, après avoir estimé que la pièce complémentaire demandée par la commune d’Asnières-sur-Nouère au cours de l’instruction de la déclaration préalable n’était pas au nombre des pièces requises en l’espèce par le code de l’urbanisme, a commis une erreur de droit en jugeant que cette demande n’avait pu proroger le délai d’instruction et en en déduisant que la société Orange devait être regardée comme titulaire d’une décision implicite de non-opposition ;

8. Mais considérant, d’autre part, qu’en relevant qu’était, en l’état de l’instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, le moyen tiré de ce que le maire de la commune d’Asnières-sur-Nouère avait commis une erreur d’appréciation en retenant que le projet de la société Orange était situé dans l’emprise de la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique, le juge des référés s’est livré, sans commettre d’erreur de droit, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce exempte de dénaturation ;

9. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que sur les deux motifs retenus par le juge des référés pour prononcer la suspension, le motif tiré de l’erreur d’appréciation commise par le maire de la commune d’Asnières-sur-Nouère justifie légalement le dispositif de l’ordonnance attaquée ; qu’il s’ensuit que la commune d’Asnières-sur-Nouère n’est pas fondée à demander l’annulation de l’ordonnance qu’elle attaque ;

10. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Orange, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune d’Asnières-sur-Nouère la somme de 3 000 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de la commune d’Asnières-sur-Nouère est rejeté.
Article 2 : La commune d’Asnières-sur-Nouère versera à la société Orange une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune d’Asnières-sur-Nouère et à la société Orange.

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