Cour administrative d’appel
N° 12BX00121
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre (formation à 3)
M. DE MALAFOSSE, président
Mme Marie-Thérèse LACAU, rapporteur
M. de la TAILLE LOLAINVILLE, rapporteur public
SCP DEFRENOIS, LEVIS, avocats
lecture du mardi 28 mai 2013
Vu l’ordonnance en date du 10 janvier 2012, par laquelle le président de la section du contentieux du Conseil d’État a attribué à la cour administrative d’appel de Bordeaux le jugement de la requête présentée pour M. et MmeB… ;
Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 septembre et 19 décembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour M. et Mme A…B…, demeurant…, par la SCP Defrenois et Levis ;
M. et MmeB… demandent :
1°) l’annulation du jugement n° 0800659 du 19 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a rejeté leur demande tendant à l’annulation du titre exécutoire émis à leur encontre le 11 mars 2008 par le receveur municipal de Saint-Denis en vue du paiement de la somme de 16 040,26 euros au titre de la participation pour voirie et réseaux prévue à l’article L.332-11-1 du code de l’urbanisme ;
2°) l’annulation de ce titre et la décharge de l’obligation de payer la somme de 16 040,26 euros, subsidiairement la réduction de ce montant ;
3°) la condamnation de la commune de Saint-Denis à leur verser la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 19 mars 2013 :
– le rapport de Mme Marie-Thérèse Lacau, premier conseiller ;
– les conclusions de M. Guillaume de La Taille Lolainville, rapporteur public ;
1. Considérant que M. et Mme B…sont propriétaires d’une parcelle située 26 chemin des Pêchers à Saint-Denis de la Réunion, sur laquelle a été construite en 2000 leur maison ; qu’ils ont obtenu le 27 février 2006 un permis de construire en vue de réaliser une extension de cette maison pour une surface hors oeuvre nette de 52 m² ; que, par un titre exécutoire émis le 11 mars 2008, ils ont été constitués débiteurs de la somme de 16 040, 26 euros représentant le montant de la participation pour voiries et réseaux prévue, en application de l’article L. 332-11-1 du code de l’urbanisme, par une délibération du conseil municipal du 11 mars 2005 à raison des travaux d’aménagement des chemins des Pêchers et Mimosas ; que les époux B…font appel du jugement du 19 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a rejeté leur demande tendant à l’annulation de ce titre exécutoire, subsidiairement à la réduction du montant mis à leur charge ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte l’ensemble des signatures requises par l’article R. 741-7 du code de justice administrative ; que le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit, par suite, être écarté ;
3. Considérant qu’en ayant relevé dans son jugement que le terrain des requérants est implanté à proximité de la voie de desserte et est situé, en tout état de cause, à la distance comprise entre 60 et 100 mètres prévue par l’article L.332-11-1 du code de l’urbanisme, le tribunal administratif ne peut être regardé comme ayant omis de répondre au moyen des requérants tiré de ce que la délibération du 11 mars 2005 n’avait instauré la participation pour voirie et réseaux que sur certains tronçons des chemins des Pêchers et des Mimosas et que leur parcelle n’était pas desservie par ces tronçons ; que le moyen tiré de l’omission de réponse à un moyen dont serait entaché le jugement attaqué ne saurait, dès lors, être accueilli ;
4. Considérant que les premiers juges, qui ont pu estimer disposer des éléments suffisants pour leur permettre de statuer en connaissance de cause sur la demande dont ils étaient saisis, n’étaient pas tenus d’ordonner la production du permis de construire délivré le 27 février 2006 ; qu’eu égard au caractère réglementaire de la délibération instituant la participation sur le territoire de la commune, régulièrement publiée, ils n’ont pas méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure en statuant sur la demande des époux B…sans ordonner préalablement la production au dossier de cette délibération ;
Sur la légalité du titre exécutoire :
5. Considérant qu’aux termes de l’article L.332-11-1 du code de l’urbanisme : » Le conseil municipal peut instituer une participation pour voirie et réseaux en vue de financer en tout ou en partie la construction des voies nouvelles ou l’aménagement des voies existantes ainsi que l’établissement ou l’adaptation des réseaux qui leur sont associés, lorsque ces travaux sont réalisés pour permettre l’implantation de nouvelles constructions./ Pour chaque voie, le conseil municipal précise les études, les acquisitions foncières et les travaux à prendre en compte pour le calcul de la participation, compte tenu de l’équipement de la voie prévu à terme. Peuvent être financés les études, les acquisitions foncières et les travaux relatifs à la voirie ainsi que les réseaux d’eau potable, d’électricité et d’assainissement (…)/ Seuls les études, les acquisitions foncières et les travaux à réaliser, définis par le conseil municipal, sont mis à la charge des propriétaires. Lorsqu’une voie préexiste, si aucun aménagement supplémentaire de la voie n’est prévu par le conseil municipal, ces travaux peuvent ne concerner que les réseaux. (…)/ Le conseil municipal arrête la part du coût mise à la charge des propriétaires riverains. Cette part est répartie entre les propriétaires au prorata de la superficie des terrains bénéficiant de cette desserte et situés à moins de quatre-vingts mètres de la voie. Le conseil municipal peut, en fonction des circonstances locales, modifier la distance de quatre-vingts mètres sans que celle qu’il fixe puisse être supérieure à cent mètres ni inférieure à soixante mètres. Le conseil municipal peut également exclure les terrains qui ne peuvent supporter de constructions du fait de contraintes physiques et les terrains non constructibles du fait de prescriptions ou de servitudes administratives dont l’édiction ne relève pas de la compétence de la commune ou de l’établissement public de coopération intercommunale. Lorsque, en application de l’alinéa précédent, le conseil municipal n’a prévu aucun aménagement supplémentaire de la voie et que les travaux portent exclusivement sur les réseaux d’eau et d’électricité, la commune peut également exclure les terrains déjà desservis par ces réseaux. (…) » ; qu’en vertu des dispositions combinées des articles L.332-11-2 et L.332-28 du même code, la participation prévue à l’article L. 332-11-1, prescrite par l’autorisation de construire qui en constitue le fait générateur et en fixe le montant, est due à compter de la construction d’un bâtiment sur le terrain ;
6. Considérant que, par une délibération du 17 décembre 2004, le conseil municipal de Saint-Denis a institué sur l’ensemble du territoire communal la participation prévue par les dispositions précitées du code de l’urbanisme ; que, par une délibération du 11 mars 2005, après avoir relevé que l’implantation de futures constructions dans le secteur du collège de Bois-de-Nèfles nécessitait la création de voies nouvelles et l’aménagement de certains tronçons des chemins des Pêchers et des Mimosas, le conseil municipal a décidé d’engager la réalisation des travaux de voirie, de réseaux d’évacuation des eaux pluviales et des eaux usées, ainsi que d’électricité nécessaires à l’urbanisation de la zone, évalués à un montant total de 2 566 038,29 euros, et a fixé le montant de la participation des propriétaires riverains à 20 euros par m2 de terrain constructible desservi ; que cette délibération précise qu’en considération des circonstances rencontrées localement, les propriétés concernées sont situées, suivant le plan annexé, entre 60 et 100 mètres de part et d’autre de la voie ;
7. Considérant qu’il ne résulte ni des prescriptions de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, qui ne s’appliquent pas aux actes réglementaires, ni des dispositions précitées de l’article L.332-11-1 du code de l’urbanisme que la délibération du 11 mars 2005 devait comporter une motivation spécifique quant aux circonstances locales justifiant l’adaptation, dans les limites définies par les dispositions précitées de l’article L.332-11-1 du code de l’urbanisme, de la distance de quatre-vingts mètres prévue par ces mêmes dispositions ;
8. Considérant qu’eu égard à l’intervention des deux délibérations précitées, prises conformément aux dispositions de l’article L. 332-11-1 du code de l’urbanisme, et à la délivrance du permis de construire du 27 février 2006, lequel mentionne la nature et le montant de la participation due et constitue le fait générateur de celle-ci, le moyen tiré de ce que la participation litigieuse serait dépourvue de fondement juridique ne peut qu’être écarté ;
9. Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment du » plan des opérations » annexé à la délibération du 11 mars 2005, que la parcelle appartenant aux requérants, sur laquelle doit être réalisée la construction autorisée par le permis de construire du 27 février 2006, est située à l’intérieur de la zone dans laquelle cette délibération a légalement prévu l’instauration de la participation pour voirie et réseaux et qu’elle se situe au droit d’un des tronçons du chemin des Pêchers devant être aménagé en vertu de cette même délibération ; que cette parcelle, il est vrai, est construite depuis 2000 et était déjà desservie par les réseaux de distribution d’eau potable, d’assainissement et d’électricité ; que, toutefois, sauf dans l’hypothèse, qui n’est pas celle de l’espèce, où, ainsi que le prévoit la dernière phrase du quatrième alinéa de l’article L. 332-11-1 précité, les travaux envisagés par la collectivité portent exclusivement sur les réseaux d’eau et d’électricité sans aménagement supplémentaire de la voie et où le conseil municipal a expressément exclu du champ d’application de la participation les terrains déjà desservis par ces réseaux, les dispositions de l’article L.332-11-1 permettent de mettre la participation à la charge du propriétaire d’un terrain déjà construit et raccordé aux réseaux publics lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, d’une part, ce terrain répond aux conditions de distance par rapport à la voie à créer ou à aménager que fixent ces dispositions et doit ainsi être réputé bénéficier des travaux envisagés, d’autre part, une construction nécessitant la délivrance d’une autorisation de construire, même s’il ne s’agit que d’une extension de la construction existante, doit être réalisée sur ce terrain ; que ces mêmes dispositions n’exigent pas que la collectivité justifie, pour chaque construction autorisée dans la zone où s’applique la participation, en quoi cette construction nécessite la réalisation de tel ou tel équipement prévu dans la zone ;
10. Considérant que si, en vertu de la délibération susmentionnée du 11 mars 2005, les participations pour voirie et réseaux applicables aux portions de terrains soumis à des niveaux d’aléas élevés au plan de prévention des risques sont supportées par le budget communal, la parcelle des requérants est située, non en zone Bg « inondations et mouvements de terrains » soumise à des niveaux d’aléas élevés, mais en zone d’aléa faible à modéré ;
11. Considérant que les requérants se prévalent, sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des circulaires n°s 2004-5 et 2004-8 du 5 février 2004 et de la réponse ministérielle n° 2695 du 13 mars 2008 ; que, toutefois, et en tout état de cause, la participation litigieuse ne doit pas être regardée comme une imposition mais comme une participation que la loi autorise la commune à percevoir sur les bénéficiaires d’autorisations de construire à raison d’équipements publics dont profitent les terrains concernés par ces autorisations ;
12. Considérant qu’il ne résulte d’aucune disposition législative ou règlementaire que la participation pour voirie et réseaux ne puisse être exigée qu’après que les dépenses d’aménagement prévues aient été effectivement exposées par la collectivité ;
13. Considérant que les propriétaires riverains des parcelles situées sur les tronçons des chemins des Pêchers et des Mimosas sur lesquels la collectivité avait prévu des aménagements se trouvent dans une situation différente de celle des propriétaires de terrains situés hors de ces zones ; que la délibération du 11 mars 2005 n’instaure donc aucune discrimination contraire à l’article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales combiné avec l’article 1er de son premier protocole additionnel ;
14. Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L.332-11-1 du code de l’urbanisme que la participation en cause est calculée en fonction, non pas de la surface hors oeuvre nette de la construction autorisée, mais de la superficie du terrain d’assiette ; que si le permis de construire du 27 février 2006 mentionne une superficie de 1 069 m², la surface retenue pour le calcul de la participation en litige est de 802,013 m² ; que M. et Mme B…n’apportent pas d’éléments permettant de regarder la superficie ainsi retenue comme erronée ;
15. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme B…ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion a rejeté leur demande ;
Sur l’application des dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative :
16. Considérant que les dispositions de l’article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Denis, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. et Mme B…demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner les requérants à verser à la commune la somme que celle-ci demande sur le même fondement ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. et Mme B…est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Saint-Denis présentées au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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