Le Conseil d’État vient de porter une appréciation sur les conditions d’application de l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme.
Conseil d’État
N° 296347
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Martin, président
M. Rémi Decout-Paolini, rapporteur
M. Aguila Yann, commissaire du gouvernement
SCP BARADUC, DUHAMEL ; SCP TIFFREAU, avocats
lecture du mercredi 21 mai 2008
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi, enregistré le 9 août 2006 au secrétariat du contentieux du contentieux du Conseil d’Etat, présenté pour l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE, dont le siège est 7, allée des rouges-gorges à Attainville (95570), représentée par sa présidente en exercice ; l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE demande au Conseil d’Etat : 1°) d’annuler l’arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 12 février 2004 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal d’Attainville approuvant, le 21 décembre 2000, la révision du plan d’occupation des sols de cette commune ; 2°) de mettre à la charge de la commune d’Attainville le versement de la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; Vu les autres pièces du dossier ; Vu le code de l’urbanisme ; Vu le code de justice administrative ; Après avoir entendu en séance publique : – le rapport de M. Rémi Decout-Paolini, chargé des fonctions de Maître des Requêtes, – les observations de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE et de la SCP Tiffreau, avocat de la commune d’Attainville, – les conclusions de M. Yann Aguila, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE demande l’annulation de l’arrêt du 8 juin 2006 par lequel la cour administrative d’appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l’annulation du jugement du 12 février 2004 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la délibération du conseil municipal d’Attainville approuvant, le 21 décembre 2000, la révision du plan d’occupation des sols de cette commune ; Sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu’aux termes de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : « En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l’encontre d’un document d’urbanisme ou d’une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol régie par le présent code, le préfet ou l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation. Cette notification doit également être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l’annulation ou à la réformation d’une décision juridictionnelle concernant un document d’urbanisme ou une décision relative à l’occupation ou l’utilisation du sol (…) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. / La notification du recours à l’auteur de la décision et, s’il y a lieu, au titulaire de l’autorisation est réputée accomplie à la date d’envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux » ;
Considérant qu’il ressort des pièces présentées devant le Conseil d’Etat par l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE qu’elle avait transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application des dispositions précitées, les documents attestant de la notification régulière de sa demande ; que pour rejeter comme irrecevable la requête de l’association, la cour administrative d’appel de Versailles, accueillant la fin de non-recevoir soulevée en première instance par la commune d’Attainville, a toutefois relevé, au vu du dossier incomplet transmis par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, que l’association ne justifiait pas avoir satisfait à l’obligation de notification ; qu’en jugeant ainsi que l’association n’établissait pas la notification de sa demande, la cour a dénaturé les pièces du dossier ; qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE est fondée, pour ce motif, à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ; Sur la régularité du jugement attaqué : Considérant qu’il ressort des énonciations mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a répondu à l’ensemble des moyens soulevés par l’association requérante ; qu’il n’était pas tenu de développer une motivation propre à chacun des arguments présentés à l’appui de ces moyens ;
Sur la légalité du plan d’occupation des sols attaqué :
Considérant qu’aux termes du dernier alinéa de l’article L. 141-1 du code de l’urbanisme : « Le schéma directeur de la région d’Ile-de-France a les mêmes effets que les directives territoriales d’aménagement définies en application de l’article L. 111-1-1 (…) » ; qu’aux termes du cinquième alinéa de l’article L. 111-1-1 du même code, dans sa rédaction alors applicable : « Les plans d’occupation des sols et les documents d’urbanisme en tenant lieu doivent être compatibles avec les orientations des schémas directeurs et des schémas de secteur institués par le présent code. En l’absence de ces schémas, ils doivent être compatibles avec les directives territoriales d’aménagement et, en l’absence de ces dernières, avec les lois d’aménagement et d’urbanisme » ; qu’il résulte de ces dispositions que les prescriptions fixées par le schéma directeur de la région d’Ile-de-France ne peuvent être utilement invoquées à l’encontre du plan d’occupation des sols de la commune d’Attainville qu’en l’absence de schéma directeur mettant en oeuvre ces prescriptions ; qu’il ressort des pièces du dossier que la commune d’Attainville est incluse dans le territoire couvert par le schéma directeur pour la zone ouest de la plaine de France ; que, par suite, le moyen tiré de l’incompatibilité des dispositions du plan d’occupation des sols avec le schéma directeur de la région Ile-de-France est inopérant ;
Considérant qu’aux termes de l’article L. 111-1-4 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : « En dehors des espaces urbanisés des communes, les constructions ou installations sont interdites dans une bande de cent mètres de part et d’autre de l’axe des autoroutes, des routes express et des déviations au sens du code de la voirie routière et de soixante-quinze mètres de part et d’autre de l’axe des autres routes classées à grande circulation (…). / Les dispositions des alinéas précédents ne s’appliquent pas dès lors que les règles concernant ces zones, contenues dans le plan local d’urbanisme, ou dans un document d’urbanisme en tenant lieu, sont justifiées et motivées au regard notamment des nuisances, de la sécurité, de la qualité architecturale, ainsi que de la qualité de l’urbanisme et des paysages (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que si les communes dotées d’un plan d’occupation des sols peuvent déroger à l’interdiction de construire dans les zones visées à l’article L. 111-1-4 en adoptant des règles justifiées et motivées, la seule circonstance que ces zones ne seraient pas représentées sur les documents cartographiques d’un plan d’occupation des sols ne saurait établir que ce plan aurait écarté la règle d’inconstructibilité ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d’Attainville, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l’association le versement, au même titre, d’une somme de 3 000 euros au profit de la commune d’Attainville ;
D E C I D E : ————– Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 8 juin 2006 est annulé. Article 2 : La requête de l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE devant la cour administrative d’appel de Versailles et le surplus de ses conclusions devant le Conseil d’Etat sont rejetés. Article 3 : L’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE versera une somme de 3 000 euros à la commune d’Attainville en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : La présente décision sera notifiée à l’ASSOCIATION D’ENVIRONNEMENT ATTAINVILLE MA CAMPAGNE et à la commune d’Attainville. Copie en sera adressée pour information au ministre d’Etat, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire.