Conseil d’État
N° 405683
Inédit au recueil Lebon
6ème et 5ème chambres réunies
Mme Laurence Franceschini, rapporteur
Mme Julie Burguburu, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE, avocats
lecture du mercredi 11 avril 2018
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B…A…a demandé au tribunal administratif de Lille d’annuler pour excès de pouvoir, d’une part, l’arrêté du 29 février 2012 par lequel le préfet du Pas-de-Calais l’a mis en demeure de combler le plan d’eau situé sur la parcelle cadastrée AB n° 270 dont il est propriétaire à Anvin (Pas-de-Calais) et l’arrêté du 14 mai 2012 par lequel le préfet a modifié son arrêté du 29 février 2012 et l’a mis en demeure de déposer une déclaration, sur le fondement de l’article L. 214-1 du code de l’environnement, en vue de réaliser ce plan d’eau et, d’autre part, la décision implicite de rejet, née le 3 octobre 2012, par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a fait opposition à une déclaration préalable portant sur ce plan d’eau qu’il a déposée le 23 août 2012. Par un jugement nos 1202785, 1203773, 1206481 du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Lille a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions dirigées contre l’arrêté du 29 février 2012 et a rejeté les conclusions dirigées contre l’arrêté du 14 mai 2012, ainsi que la décision implicite de rejet opposée par le préfet du Pas-de-Calais.
Par un arrêt n° 14DA01976 du 29 septembre 2016, sur l’appel de M.A…, la cour administrative d’appel de Douai a annulé l’arrêté du 14 mai 2012 du préfet du Pas-de-Calais, en tant qu’il met l’intéressé en demeure de déposer une déclaration pour la création d’un plan d’eau, et la décision implicite par laquelle le préfet a fait opposition à une déclaration préalable portant sur ce plan d’eau, jugé qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur les autres conclusions de l’intéressé et réformé le jugement du tribunal administratif de Lille en ce qu’il avait de contraire à son arrêt.
Par un pourvoi sommaire et, un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2016 et 6 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit aux conclusions d’appel de l’Etat ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de Mme Laurence Franceschini, conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Julie Burguburu, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de M.A….
1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A…a créé sur le territoire de la commune d’Anvin (Pas-de-Calais) un premier plan d’eau en 1991 puis un second en 2010 ; que le préfet du Pas-de-Calais, par arrêté du 29 février 2012, a mis en demeure M. A…de procéder au comblement du nouveau plan d’eau et à l’exportation des remblais ; que, par un autre arrêté du 14 mai 2012, le préfet a mis en demeure l’intéressé de déposer une déclaration au plus tard le 31 août 2012 ; que l’intéressé a déposé le 23 août 2012 une déclaration ; qu’une décision tacite d’opposition à cette déclaration est née le 3 octobre 2012 ; que, par un jugement du 18 novembre 2014, le tribunal administratif de Lille a décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A…dirigées contre l’arrêté du 29 février 2012 et a rejeté les autres conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 14 mai 2012 et de la décision d’opposition à déclaration ; que, par un arrêt du 29 septembre 2016, contre lequel le ministre chargé de l’environnement se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Douai a annulé l’arrêté du 14 mai 2012, en tant qu’il met l’intéressé en demeure de déposer une déclaration pour la création d’un plan d’eau et, par voie de conséquence, la décision d’opposition à déclaration préalable, jugé qu’il n’y avait pas lieu de se prononcer sur les conclusions de l’intéressé tendant à l’annulation de l’arrêté du 14 mai 2012, en tant qu’il met l’intéressé en demeure de déposer une déclaration préalable également au titre des remblais réalisés, et a réformé le jugement du tribunal administratif de Lille en ce qu’il avait de contraire à son arrêt ; qu’eu égard aux moyens soulevés, le ministre doit être regardé comme ne demandant l’annulation de cet arrêt qu’en tant qu’il a annulé l’arrêté du 14 mai 2012, en tant qu’il met l’intéressé en demeure de déposer une déclaration au titre de la création d’un plan d’eau, et la décision d’opposition à déclaration ;
Sur la décision tacite d’opposition à déclaration préalable :
2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 214-36 du code de l’environnement : » L’opposition est notifiée au déclarant. / Le déclarant qui entend contester une décision d’opposition doit, préalablement à tout recours contentieux, saisir le préfet d’un recours gracieux. Le préfet soumet ce recours à l’avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques et informe le déclarant, au moins huit jours à l’avance, de la date et du lieu de la réunion et de la possibilité qui lui est offerte d’être entendu. / Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur le recours gracieux du déclarant vaut décision de rejet. » ; qu’il résulte de ces dispositions que la recevabilité d’un recours contentieux contre une décision d’opposition à déclaration préalable est subordonnée à l’introduction préalable d’un recours gracieux contre cette décision devant le préfet ; qu’en s’abstenant de répondre à la fin de non-recevoir opposée par le ministre chargé de l’environnement tirée de ce que le recours contentieux contre l’arrêté du 14 mai 2012 portant mise en demeure de déposer une déclaration préalable était irrecevable, en application de ces dispositions, la cour a entaché son arrêt d’insuffisance de motivation ; qu’est à cet égard sans incidence la circonstance que cette décision a été annulée par voie de conséquence de l’annulation de l’arrêté du 14 mai 2012 portant mise en demeure de déposer une déclaration préalable ; que, par suite, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi dirigés contre la même partie de l’arrêt, le ministre chargé de l’environnement est fondé à en demander l’annulation en tant qu’il a annulé la décision d’opposition à déclaration préalable ;
Sur l’arrêté du 14 mai 2012 portant mise en demeure de déposer une déclaration préalable :
3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 214-3 du code de l’environnement, dans sa rédaction en vigueur : » I. – Sont soumis à autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. (…) / II. – Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n’étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / Dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, l’autorité administrative peut s’opposer à l’opération projetée s’il apparaît qu’elle est incompatible avec les dispositions du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux ou du schéma d’aménagement et de gestion des eaux, ou porte aux intérêts mentionnés à l’article L. 211-1 une atteinte d’une gravité telle qu’aucune prescription ne permettrait d’y remédier. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai. (…) » ; que l’article R. 214-1 du même code définit dans le tableau qui est annexé la nomenclature des installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 ; que, selon cette nomenclature, sont soumises à déclaration les opérations suivantes : » (…) 3.2.3.0. Plans d’eau, permanents ou non : / (…) 2° Dont la superficie est supérieure à 0,1 ha mais inférieure à 3 ha (…) » ; qu’aux termes de 1’article R. 214-42 du même code dans sa rédaction en vigueur : » Si plusieurs ouvrages, installations, catégories de travaux ou d’activités doivent être réalisés par la même personne sur le même site, une seule demande d’autorisation ou une seule déclaration peut être présentée pour l’ensemble de ces installations. / Il en est obligatoirement ainsi lorsque les ouvrages, installations, travaux ou activités envisagés dépendent de la même personne, de la même exploitation ou du même établissement et concernent le même milieu aquatique, si leur ensemble dépasse le seuil fixé par la nomenclature des opérations ou activités soumises à autorisation ou à déclaration, alors même que, pris individuellement, ils sont en dessous du seuil prévu par la nomenclature, que leur réalisation soit simultanée ou successive. (…) » ;
4. Considérant que, sous l’empire des dispositions qui viennent d’être rappelées applicables à la date de l’arrêt attaqué, pour déterminer si des installations, ouvrages, travaux ou activités sont soumis à déclaration ou à autorisation, au regard de la nomenclature prévue à l’article R. 214-1 du code de l’environnement et des seuils qu’elle définit, doivent être pris en compte les projets dont la réalisation est simultanée ou, le cas échéant, successive formant ensemble une seule et même opération, ce qui est le cas lorsque ces projets dépendent de la même personne, exploitation ou établissement et concernent le même milieu aquatique ; qu’il résulte, en outre, de ces dispositions qu’elles ne concernent que les projets nouveaux envisagés à la date du dépôt de la demande ; qu’il n’y a dès lors pas lieu de tenir compte des ouvrages déjà réalisés, qu’ils aient été ou non autorisés ; que, par suite, en ne tenant compte que du deuxième plan d’eau et non du premier, dont les travaux ont été achevés en 1991 selon les énonciations souveraines de l’arrêt attaqué, qui sont exemptes de toute insuffisance de motivation, pour juger que, à la date à laquelle elle statuait, le dépôt d’une déclaration préalable n’était pas nécessaire, la cour n’a pas commis d’erreur de droit ;
5. Considérant qu’il y a lieu dans les circonstances de l’espèce de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros à verser à M. A…au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Douai du 29 septembre 2016 est annulé, en tant qu’il statue sur la légalité de la décision implicite, née le 3 octobre 2012, d’opposition à déclaration préalable.
Article 2 : L’affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d’appel de Douai.
Article 3 : L’Etat versera à M. A…une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à M. B…A….