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Loi Montagne : est-ce que la construction d’une annexe est autorisée ?

Conseil d’État, 5ème – 6ème chambres réunies, 26/06/2023, 458799

Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 25 novembre 2021 et le 12 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le syndicat des professionnels de la location meublée demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2021-757 du 11 juin 2021 relatif à la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme et la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Premier ministre sur son recours gracieux, reçu le 9 août 2021 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

 

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– le code de la construction et de l’habitation ;
– le code des relations entre le public et l’administration ;
– le code du tourisme ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 ;
– le code de justice administrative ;

 

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Hortense Naudascher, auditrice,

– les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

 

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat des professionnels de la location meublée demande l’annulation pour excès de pouvoir du décret du 11 juin 2021 relatif à la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme ainsi que de la décision implicite de rejet de son recours gracieux dirigé contre ce décret.

Sur la régularité de la procédure de consultation du public :

2. Aux termes de l’article L. 131-1 du code des relations entre le public et l’administration,  » Lorsque l’administration décide, en dehors des cas régis par des dispositions législatives ou réglementaires, d’associer le public à la conception d’une réforme ou à l’élaboration d’un projet ou d’un acte, elle rend publiques les modalités de cette procédure, met à disposition des personnes concernées les informations utiles, leur assure un délai raisonnable pour y participer et veille à ce que les résultats ou les suites envisagées soient, au moment approprié, rendus publics « . Lorsque l’autorité compétente décide, quoiqu’elle n’y soit pas légalement tenue, de faire application de ces dispositions, elle doit procéder à cette consultation dans des conditions régulières. Dans cette hypothèse, elle conserve néanmoins la faculté d’apporter au projet, après consultation, toutes les modifications qui lui paraissent utiles, quelle qu’en soit l’importance, sans être dans l’obligation de procéder à une nouvelle consultation.

3. Il résulte de ce qui précède que le syndicat requérant ne peut utilement soutenir que le décret attaqué serait intervenu au terme d’une procédure irrégulière en raison des modifications apportées, après la consultation du public auquel il a donné lieu en application des dispositions citées ci-dessus, d’une part à son titre, et d’autre part, à son champ d’application.

Sur le cadre juridique :

4. D’une part, les dispositions des articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation prévoient, dans certaines communes, une procédure d’autorisation préalable de changement d’usage des locaux à usage d’habitation qui vise à assurer le maintien, dans certaines communes, d’un nombre suffisant de logements et peut être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitation de locaux n’ayant pas cet usage. Elles précisent, par leur sixième alinéa, que  » Le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage au sens du présent article « .

5. D’autre part, les dispositions des articles R. 421-14 et R. 421-17 du code de l’urbanisme qui visent à contrôler le respect des règles d’urbanisme, lesquelles peuvent dépendre de la destination de la construction, prévoient les cas dans lesquels le changement de destination d’un bâtiment peut être soumis à permis de construire ou à déclaration préalable. En vertu de l’article R. 151-27 du même code, les destinations des constructions sont notamment :  » 2° Habitation ; / 3° Commerce et activités de services « .

6. Par ailleurs, aux termes de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme :  » I. – Pour l’application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l’usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois. / II. – Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé. / Cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d’habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l’article 2 de la loi n° 89 462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986. / III. – Par dérogation au II, dans les communes où le changement d’usage des locaux destinés à l’habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l’habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d’un meublé de tourisme (…) « .

7. Enfin, aux termes du IV bis ajouté à l’article L. 324-1-1 du code du tourisme par la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique :  » IV bis. – Sur le territoire des communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement prévue au III, une délibération du conseil municipal peut soumettre à autorisation la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme. / Cette autorisation est délivrée au regard des objectifs de protection de l’environnement urbain et d’équilibre entre emploi, habitat, commerces et services, par le maire de la commune dans laquelle est situé le local « . Ces dispositions, éclairées par leurs travaux préparatoires, ont pour seul objet de compléter le cadre juridique de la location des meublés de tourisme, pour permettre aux communes de soumettre à autorisation la location en cette qualité de locaux à usage commercial, tels que ceux accueillant des commerces et des restaurants. Elles n’ont en revanche ni pour objet ni pour effet de régir la situation des locaux meublés à usage d’habitation soumis à l’application des article L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation, quelle que soit la destination des immeubles dans lesquels ils sont inclus.

Sur la légalité interne :

8. Il résulte des termes mêmes du décret attaqué, pris pour l’application des dispositions citées ci-dessus du IV bis de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme, qu’il définit les locaux à usage commercial dont la location est susceptible d’être soumise à autorisation en application de ces dispositions comme les locaux inclus dans des constructions dont la destination est le commerce et les activités de service au sens du 3° de l’article R. 151-27 du code de l’urbanisme, ou, pour les communes dont le plan local d’urbanisme relève du régime antérieur à la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, celles dont la destination est le commerce, l’hébergement hôtelier ou l’artisanat au sens des dispositions antérieurement applicables.

9. En premier lieu, eu égard à la portée, précisée ci-dessus, des dispositions législatives pour l’application desquelles elles ont été prises, ces dispositions du décret attaqué ne s’appliquent pas aux locaux meublés destinés à l’habitation qui ont fait l’objet d’une procédure d’autorisation préalable de changement d’usage, quelle que soit la destination des immeubles dans lesquels ils sont inclus. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce qu’elles seraient pour ce motif entachées d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation manque en fait.

10. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le décret attaqué méconnaitrait le principe de sécurité juridique et, en tout état de cause, le principe de confiance légitime en ce qu’il permettrait de soumettre à autorisation la location en qualité de meublé de tourisme d’un local dont la location à ce titre a déjà fait l’objet d’une procédure d’autorisation préalable de changement d’usage doit, pour les mêmes motifs, être écarté.

11. Enfin, eu égard à la portée du décret attaqué, qui se borne à préciser les modalités de la procédure d’autorisation susceptible d’être mise en œuvre par les communes en application du IV bis de l’article L. 324-1-1 inséré au code du tourisme par la loi du 27 décembre 2019, le syndicat requérant n’est pas fondé à soutenir qu’il porterait atteinte au principe de sécurité juridique faute de mesure transitoire.

12. Il résulte de ce qui précède que la requête du syndicat des professionnels de la location meublée doit être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-¬1 du code de justice administrative.

 

D E C I D E :
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Article 1er : La requête du syndicat des professionnels de la location meublée est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au syndicat des professionnels de la location meublée et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée à la Première ministre et au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré à l’issue de la séance du 7 juin 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre, M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, conseillères d’Etat, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d’Etat et Mme Hortense Naudascher, auditrice-rapporteure.

Rendu le 26 juin 2023.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
La rapporteure :
Signé : Mme Hortense Naudascher
Le secrétaire :
Signé : M. Bernard Longieras

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