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Littoral : quid de l’extension de l’urbanisation dans les communes littorales ?

Conseil d’État 

N° 342061    
Inédit au recueil Lebon
10ème et 9ème sous-sections réunies
M. Michel Bart, rapporteur
M. Edouard Crépey, rapporteur public
BROUCHOT ; SCP ODENT, POULET, avocats

lecture du mercredi 19 juin 2013

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 30 juillet et 27 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour les consortsA…, demeurant … ; les consorts A…demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n°s 09BX01359, 09BX01540 du 31 mai 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté leur requête tendant à l’annulation du jugement n°s 06003513, 0603514 du 30 avril 2009, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le permis de construire délivré le 25 juillet 2006 le maire de la commune de La Teste-de-Buch en vue de la construction de vingt-sept logements répartis en treize bâtiments ;

2°) de mettre à la charge des associations défenderesses le versement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Michel Bart, Conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat des consorts A…et à Me Brouchot, avocat de l’Association de défense et de promotion de Pyla-sur-Mer et de l’Association Bassin d’Arcachon Ecologie ;

1. Considérant qu’aux termes de l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme :  » Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l’occupation et à l’utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver (…)  » ; qu’aux termes de l’article de R. 146-1 du même code :  » En application du premier alinéa de l’article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu’ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral (…) / g) les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée (…)  » ; qu’il ressort de ces dispositions que les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 sont présumées constituer des sites ou paysages remarquables ; que, toutefois, si cette qualification présumée est contestée, leur caractère remarquable doit être justifié ;

2. Considérant que, pour juger que le terrain d’assiette du projet était au nombre des espaces, sites et paysages remarquables mentionnés à l’article L. 146-6 du code de l’urbanisme, la cour administrative d’appel de Bordeaux s’est bornée à relever qu’il était inclus dans le site de la forêt usagère de La Teste-de-Buch inscrit au titre de la loi du 2 mai 1930, ainsi que, partiellement, dans une zone d’intérêt écologique, faunistique ou floristique, sans rechercher si la qualification de site remarquable ou caractéristique était en l’espèce justifiée, alors qu’il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que cette qualification était contestée devant elle par les bénéficiaires du permis de construire litigieux et par la commune de La Teste-de-Buch ; que, par suite, les consorts A…sont fondés à soutenir que la cour administrative d’appel de Bordeaux a commis une erreur de droit en jugeant, pour ce motif, que le permis de construire litigieux avait été délivré en méconnaissance des dispositions des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l’urbanisme ;

3. Considérant, toutefois, que si, pour confirmer l’annulation de ce permis de construire, la cour s’est fondée sur ce motif erroné, elle a également jugé qu’il avait été délivré en méconnaissance des dispositions du premier alinéa du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme, aux termes duquel :  » L’extension de l’urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement  » ; qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires de la loi du 3 janvier 1986 dont elles sont issues, que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les zones déjà urbanisées, caractérisées par une densité significative des constructions, mais qu’aucune construction ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d’autres constructions, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées des agglomérations ;

4. Considérant que la cour a jugé que le permis de construire litigieux avait été délivré en méconnaissance des dispositions précitées du I de l’article L. 146-4 du code de l’urbanisme après avoir énoncé que le terrain d’implantation du projet, inséré dans une vaste zone boisée,  » s’il touche, à son extrémité ouest, le terrain d’implantation d’une caserne de pompiers et si se trouvent, plus loin vers l’ouest, une déchetterie et, de l’autre côté de la route départementale (…), plusieurs maisons, il n’est pas pour autant situé en continuité de zones caractérisées par une densité significative des constructions  » ; qu’elle a ainsi entendu relever que le terrain en cause était situé à l’extrémité d’une zone d’urbanisation diffuse et éloigné de la zone dense de l’agglomération ; que, par suite, en retenant une telle motivation pour rejeter la requête de la commune requérante, après avoir estimé que ne pouvaient être utilement invoqués ni la desserte du terrain en cause par la voirie ni son classement en zone d’urbanisation future par le plan local d’urbanisme et en zone constructible par le schéma directeur du Bassin d’Arcachon et le schéma de mise en valeur de ce bassin, la cour, dont l’arrêt est suffisamment motivé, n’a ni dénaturé les faits de l’espèce ni commis d’erreur de droit ;

5. Considérant que, dès lors que ce motif justifie à lui seul le rejet des conclusions présentées devant la cour par les consortsA…, ceux-ci ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

6. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des associations défenderesses qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que les consorts A…demandent au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge des consortsA…, en application des même dispositions, le versement à l’Association de défense et de promotion de Pyla-sur-Mer et à l’Association Bassin d’Arcachon Ecologie de la somme de 1 500 euros chacune ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi des consorts A…est rejeté.
Article 2 : Les consorts A…verseront à l’Association de défense et de promotion de Pyla-sur-Mer et à l’Association Bassin d’Arcachon Ecologie la somme de 1 500 euros chacune au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée aux consortsA…, à l’Association de défense et de promotion de Pyla-sur-Mer et à l’Association Bassin d’Arcachon Ecologie.
Copie en sera adressée pour information à la commune de La Teste-de-Buch.

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