L’expérience française : caractéristiques générales et présentation de cas concrets.
Raymond LOISELEUR
Directeur de la Société d’Economie Mixte d’Aménagement et de Rénovation de la Ville d’Issy-les-Moulineaux
QU’EST-CE QU’UNE SOCIETE D’ECONOMIE MIXTE (SEM)?
Le développement local nécessite généralement la réalisation de diverses opérations pour lesquelles la SEM présente de nombreux avantages
Des métiers multiples
Les collectivités locales peuvent avoir intérêt à ne recourir qu’à un seul « opérateur », la SEM, pour réaliser des opérations comme la construction de logements, l’aménagement et l’équipement du territoire ou la gestion de services.
Les SEM sont autorisées à poursuivre plusieurs activités :
– réalisation d’opérations d’aménagement et de construction ;
– exploitation de services publics à caractère industriel et commercial ;
En dehors des objets expressément visés par la loi (aménagement, construction, exploitation de services publics), l’intervention des SEM doit être appréciée en fonction du principe de la liberté du commerce et de l’industrie. Dans les domaines où elles peuvent concurrencer le secteur privé, leur intervention est justifiée si elle a pour but l’intérêt local (ou la satisfaction d’un besoin de la population) et si elle vient combler l’absence ou la carence du secteur privé.
Un outil des collectivités locales
Les SEM sont des personnes morales de droit privé de nature particulière puisqu’elles sont contrôlées par les collectivités locales.
La loi du 7 juillet 1983 est venue renforcer ce contrôle en imposant une participation majoritaire des collectivités locales au capital social. Ces dernières sont donc également majoritaires dans les organes de direction, au conseil d’administration et aux assemblées générales.
Le contrôle des SEM par les collectivités locales a été également renforcé en ce qui concerne leurs relations contractuelles.
En effet, lorsqu’une SEM intervient pour le compte d’une collectivité locale, elle a l’obligation de passer une convention fixant notamment la nature de la mission, les droits et obligations de chacune des parties, les modalités de participation des collectivités locales au financement.
Des clauses supplémentaires doivent figurer en cas de convention passée pour la réalisation d’acquisitions foncières, d’exécution de travaux, de construction d’ouvrages et de bâtiments ou en cas de concession.
De plus, dans la mesure ou l’intervention de la SEM est réalisée pour le compte d’une collectivité locale ou une personne publique non actionnaire, cette dernière doit garantir la totalité du financement de l’opération.
Une formule qui permet l’association des compétences
Les SEM sont aussi un mode privilégié d’association de partenaires pour la réalisation d’opérations d’intérêt général.
La loi du 7 Juillet 1983 impose une participation minimale de 20 % aux actionnaires autres que les collectivités locales.
Ces actionnaires peuvent être des personnes morales de droit public ou de droit privé (Caisse des dépôts et consignations, CCI, associations 1901, sociétés privées, …) ou des personnes physiques (artisans, commerçants, …).
La possibilité de pouvoir associer au sein d’une même structure l’ensemble des agents économiques concernés par un projet de développement peut être un facteur déterminant pour la réussite et la cohérence des actions menées.
Une grande souplesse d’intervention
Dans le cadre de leur objet social, les SEM peuvent intervenir pour leur propre compte, pour le compte de leurs actionnaires ou pour le compte de tiers.
Les SEM disposent d’une grande souplesse d’intervention.
– Intervention pour une collectivité locale ou une personne publique :
Les SEM ont vocation à intervenir pour le compte de collectivités locales mais elles ne peuvent intervenir qu’à la demande de ces dernières.
Les conventions qui fixent les relations entre les SEM et les collectivités locales sont librement négociées et peuvent prendre des formes multiples et variées.
Les SEM peuvent agir dans le cadre d’un mandat (traditionnel ou maîtrise d’ouvrage publique), d’une concession (d’aménagement de zone ou de service public), d’un affermage ou de simples conventions (études, conduite d’opération, prestations de service, …).
– Intervention pour leur propre compte ou pour des personnes privées :
Les SEM agissent alors comme n’importe quelle société privée. La seule différence étant que les collectivités locales en sont majoritaires et que les SEM ne peuvent accomplir que des actions d’intérêt général. Elles passent des contrats et des marchés de droit privé et ne sont soumises à aucune obligation particulière.
Une grande souplesse de gestion
– Passation de marchés :
En principe, les SEM ne sont pas soumises aux règles de passation des marchés publics. La seule exception concerne les SEM mandataires d’une collectivité locale qui agissent au nom et pour le compte de la collectivité locale, (mandat traditionnel ou mandat de maîtrise d’ouvrage publique). La SEM se voit alors appliquer les mêmes contraintes que la collectivité locale.
Dans les autres cas et notamment lorsqu’elles sont concessionnaires (concession d’aménagement ou concession de service public), elles passent les marchés comme n’importe quelle personne privée.
– Règles de gestion et de comptabilité :
Elles sont soumises au plan comptable général. Elles peuvent également placer librement leur trésorerie et générer des produits financiers.
– Modalités de contrôle :
Les SEM ne sont pas soumises au contrôle de la légalité exercé par le préfet. Seules sont soumises à ce contrôle, les délibérations des collectivités locales décidant de participer à une SEM et celles approuvant les conventions passées avec ces dernières.
En revanche, les SEM sont soumises à l’obligation de transmettre certains documents pour information au préfet. Il s’agit des délibérations du conseil d’administration, des décisions des assemblées ainsi que des contrats passés avec les collectivités locales ou les personnes publiques.
Le préfet peut, au vu de ces documents, saisir la Chambre Régionale des Comptes s’il estime que ces décisions sont de nature à mettre en péril les finances des collectivités locales actionnaires ou ayant garanti les emprunts. Dans ce cas, il peut également demander à la SEM de prendre une seconde délibération mais il ne peut s’opposer à cette deuxième délibération.
REGLES DE CONSTITUTION ET DE FONCTIONNEMENT
DES SOCIETES D’ECONOMIE MIXTE
Les règles de constitution et de fonctionnement sont, à quelques exceptions près, celles des sociétés anonymes de droit commun. Elles sont régies par les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et par la loi du 7 juillet 1983 sur les SEM.
Constitution
Comme pour les sociétés anonymes, les SEM sont constituées dès la signature des statuts.
Rédaction des statuts
Trois questions essentielles doivent être abordées :
– Les actionnaires
Il faut au moins sept actionnaires dont obligatoirement une collectivité locale. On entend par collectivité locale, les régions, les départements, les communes et leurs groupements. En dehors des collectivités locales, les actionnaires peuvent être des personnes morales (société, association, …) ou physiques.
– Le capital social
Les collectivités locales doivent détenir plus de 50 % et moins de 80 % du capital social. Le montant du capital social doit être au minimum de 250.000 F. Il est porté à 1.000.00 F si la SEM doit réaliser des opérations d’aménagement et à 1.500.000 F si la SEM est amenée à réaliser des opérations de construction d’immeubles à usage d’habitation, de bureaux ou de locaux industriels destinés à la vente ou à la location.
Le capital peut être constitué en numéraire (apports d’argent) ou en nature (apports de biens meubles ou immeubles) ou les deux à la fois.
Cependant, ces deux types d’apport obéissent à des régimes différents :
Les apports en numéraire peuvent n’être libérés (versement effectif des fonds) que du quart au moment de la souscr1ption, le reste pouvant être libéré dans les cinq ans. Ces apports sont soumis aux droits d’enregistrement, au taux fixe de 1 %.
Les apports en nature font l’objet d’une procédure plus complexe (évaluation par un commissaire aux apports) et ils doivent être entièrement libérés au moment de la souscr1ption. Ils sont soumis soit à la TVA et, éventuellement, à la taxe de publicité foncière s’il s’agit de biens entrant dans le champ d’application de la TVA (exemple : terrain à bâtir destiné à la réalisation d’une opération de construction), soit aux droits de mutation.
– Objet de la société
L’objet de la société doit entrer dans le champ de compétences des collectivités locales. L’objet social définit le cadre de compétences de la SEM. Il doit être suffisamment large pour permettre la réalisation de multiples opérations comme, par exemple, des opérations de construction et d’aménagement (logements aidés en accession ou en location, concession d’aménagement, de lotissements,…), la réalisation et la gestion des équipements réalisés (équipements de loisirs, centre commercial, zone industrielle, …).
La seule limite imposée par la loi du 7 juillet 1983 est que ces différentes activités soient complémentaires entre elles. A titre d’exemple, la construction de logements, l’aménagement de zones, la réalisation d’équipements publics et leur gestion sont considérés comme complémentaires ; si, en revanche, on y ajoute la gestion des transports publics ou la restauration municipale, cette complémentarité n’est pas réalisée car ces activités sont trop éloignées les unes des autres. En tout état de cause, la notion de complémentarité doit être appréciée au cas par cas.
Formalités de publicité et d’enregistrement
Ce sont les mêmes que pour une société anonyme de droit commun. La seule différence est que les collectivités locales qui participent au capital de la SEM doivent prendre une délibération :
– approuvant les statuts de la SEM ;
– autorisant la collectivité locale à souscrire au capital ;
– nommant ses représentants au Conseil d’administration et à l’Assemblée générale.
Règles de fonctionnement
La loi du 7 juillet 1983 a opéré un assouplissement des modalités de fonctionnement des SEM qui les rapproche des règles de droit commun des sociétés anonymes.
Conseil d’administration
Les SEM sont administrées par un conseil administration pouvant comprendre entre trois et douze membres. Le nombre de siège peut être exceptionnellement porté jusqu’à dix-huit afin de permettre une meilleure représentation des collectivités locales lorsqu’elles sont nombreuses.
Les collectivités locales disposent d’un nombre de sièges proportionnel à la part du capital qu’elles détiennent. Comme pour les sociétés anonymes, les administrateurs sont nommés dans un premier temps dans les statuts (3 ans) et, par la suite, par l’Assemblée générale (6 ans).
Les représentants des collectivités locales sont obligatoirement choisis parmi les membres des assemblées délibérantes de ces collectivités territoriales et révocables par ces mêmes assemblées.
Les « administrateurs privés » sont nommés par l’Assemblée générale ordinaire ; l’usage veut que les collectivités locales ne participent pas au vote.
Les administrateurs représentant les collectivités locales ne sont pas civilement responsables de leurs actes, cette responsabilité incombant directement à la collectivité locale.
Le Président du Conseil d’administration est nommé parmi les administrateurs ; il n’est pas obligatoirement choisi parmi les représentants des collectivités locales.
Assemblées générales
Elles fonctionnent dans les mêmes conditions que pour les sociétés anonymes de droit commun, que ce soit pour les assemblées générales ordinaires ou extraordinaires.
Contrôle des comptes
Les comptes des SEM sont soumis au contrôle des commissaires aux comptes dans les mêmes conditions que les sociétés anonymes de droit commun. Les SEM sont tenues chaque année de produire un bilan, un compte de résultat, une annexe.
Personnel
Le personnel des SEM est soumis aux règles normales du droit du travail. Les SEM sont tenues d’appliquer les conventions collectives existantes en fonction de leur activité principale. Elles peuvent également se voir détacher des fonctionnaires territoriaux par les collectivités locales.
Régime fiscal
Les SEM sont soumises au même régime fiscal que les sociétés anonymes. Elles sont notamment soumises à l’impôt sur les sociétés (à l’exception des opérations d’aménagement faites en concession) et au régime de la TVA.
LES SOCIETES D’ECONOMIE MIXTE D’AMENAGEMENT
L’expérience française : caractéristiques générales et présentation de cas concrets.
Raymond LOISELEUR
Directeur de la Société d’Economie Mixte d’Aménagement et de Rénovation de la Ville d’Issy-les-Moulineaux