À retenir
La réforme du permis de construire a plusieurs objectifs : réduire les autorisations d’urbanisme, limiter le contentieux, simplifier les procédures, garantir les délais d’instruction, clarifier les responsabilités et favoriser le développement de la qualité urbanistique et architecturale.
La réforme du permis de construire : une révolution juridique pour les services instructeurs
Généralement instruits par des DDE formalistes mais politiquement neutres, les dossiers de permis échappent souvent à l’élu qui souhaite, dans le cadre d’un programme d’aménagement, satisfaire au mieux l’administré, tout en contrôlant l’instruction. C’est donc dans un contexte où se mêlent le désir de construire, cher au pétitionnaire, et la volonté politique d’aménager, propre à l’élu, que la décentralisation s’est immiscée. Malheureusement, conjuguée avec les compétences juridiques affaiblies d’un grand nombre d’agents, la décentralisation n’a pas évité le développement du contentieux. Complexité et lourdeur procédurale ont rendu la réforme nécessaire : elle doit permettre de sortir du labyrinthe juridico-administratif que nous connaissons.
La philosophie : responsabilité et transparence
La philosophie du texte est simple : simplification, compréhension et sécurisation du droit. Les agents instructeurs vont devoir être mieux formés au droit de l’urbanisme. Trop d’arrêtés de permis sont annulés pour des vices régularisables. Cela est préjudiciable économiquement pour le particulier et politiquement pour l’élu. Le rapport PELLETIER propose sur ce point la création de pôles de compétences juridiques à une échelle supérieure à la commune. En cas de difficulté d’interprétation du droit, l’agent instructeur pourra solliciter l’avis d’un pôle. Souplesse et clarification sont aussi deux objectifs. Par exemple, la déclaration préalable de travaux devra systématiquement faire l’objet d’une réponse ferme de l’administration. La commune délivrera, à l’expiration du délai qui lui ait imparti, une attestation de non-opposition à la déclaration (non susceptible de retrait). Par application du principe nouveau selon lequel les travaux ne sont pas soumis à formalité préalable, la réforme prévoit une liste exhaustive de ce qui sera soumis à déclaration ou à permis, ce qui évitera les confusions.
Les outils : pertinence et efficacité
Aujourd’hui, le pétitionnaire peut demander un certificat pour connaître les règles d’urbanisme applicables sur un terrain (certificat d’information) ; si le projet est suffisamment défini, il peut demander un certificat lui disant si son projet est possible (certificat opérationnel). Avec la réforme, les collectivités locales pourront délivrer un autre certificat : un certificat dit de « purge » ou « avant-permis ». Ce certificat purgera les recours des tiers sur les caractéristiques principales d’un projet. Une fois le certificat de purge obtenu, les axes architecturaux du projet (volume, hauteur, etc.) ne pourront être remis en cause pendant 18 mois. Déposée et traitée en deux temps, la demande de permis distinguera donc d’une part les grandes lignes du projet (temps de la réflexion) de l’ensemble des détails architecturaux qui seront considérés en second lieu (temps de l’appréciation). Le rapprochement du pétitionnaire et du service instructeur doit permettre de discuter en amont des discordances futures, évitant un égrainage de prescriptions de dernières minutes. Ce dialogue sera facilité par la mise en place d’un système de communication électronique.
La réforme crée par ailleurs un permis d’aménager regroupant les autorisations de lotir, de création de camping, de golf, de décharge, etc. ; il pourra tenir lieu de permis de construire pour les constructions réalisées par l’aménageur dans son opération (ex : local technique). Le permis de construire pour des constructions ou installations temporaires (ex : décor de cinéma) est supprimé. Il est cependant institué un permis précaire pour les constructions provisoires montées et démontées plusieurs fois par an.
Les procédures : rapidité et sécurité
La réforme assurera le respect des délais d’instruction. Dès le dépôt d’un dossier en mairie, le délai dans lequel la décision doit intervenir sera indiqué impérativement au demandeur, ce qui n’est pas toujours le cas aujourd’hui. La liste des pièces exigées dans le dossier devra être exhaustive pour passer outre le dépôt, en toute bonne foi, de dossiers incomplets : aucune pièce non prévue ne pourra être demandée. Il sera crée un récépissé de dépôt de dossier : celui-ci devra mentionner la liste des pièces remises, ce qui devrait éviter les contestations sur la remise effective des pièces. Point important, les services instructeurs disposeront d’un délai d’un mois pour indiquer si le dossier est complet et pour informer le pétitionnaire, lorsque des avis sont requis, de combien le délai d’instruction est prorogé. Certains diront que ce délai est trop long pour voir si des pièces sont manquantes, d’autres diront que c’est le prix à payer pour donner le temps à un instructeur surchargé d’éviter les erreurs. En toute hypothèse, passé le délai d’un mois après le dépôt de la demande, aucune prolongation des délais ne sera possible.
On retiendra que le délai d’instruction court à compter du dépôt en mairie d’un dossier complet. Il est d’un mois pour une déclaration préalable, de deux mois pour le permis de démolir et pour le permis de construire lorsque celui-ci concerne l’édification ou la modification par le demandeur d’une maison individuelle ou l’édification d’annexes à cette construction. Il est de trois mois pour les autres permis de construire et les permis d’aménager. Ces délais pourront être majorés, par décret en Conseil d’État, lorsque le projet est soumis à des législations autres que celles du droit de l’urbanisme (ex. installations classées). Ces majorations devront alors être notifiées au demandeur dans le mois suivant le dépôt du dossier. On note que les permis tacites devront faire l’objet d’une attestation sur demande.
Il est très intéressant également de relever la possibilité pour le pétitionnaire de solliciter dans sa demande de permis, l’octroi d’un permis de démolir. Pour le service instructeur, cette novation est une économie de traitement : il pourra délivrer en même temps une autorisation de construire et de démolir, le permis de construire valant alors les deux. Cette possibilité appelle deux réserves : d’une part que les délais de péremption du permis de construire et de démolir soient convenablement articulés et, d’autre part, qu’une interruption de plus d’un an entre la fin de la démolition et le début de la construction n’entraîne pas péremption de l’autorisation unique qui serait délivrée. Une grande vigilance sera nécessaire. Les délais de validité d’un permis sont suspendus en cas de recours devant une juridiction administrative.
Sur un autre plan, le système actuel de constatation du bon achèvement des travaux n’étant pas satisfaisant, il est créé un document dit « Déclaration d’achèvement des travaux » (incontestable par les tiers pendant 3 ans) par lequel le constructeur ou son architecte s’engagera sur la conformité de ceux-ci par rapport au permis. Le maire pourra dans les trois mois faire un récolement des travaux et mettre en demeure le constructeur de déposer un permis modificatif. La simplification de la procédure d’achèvement doit permettre d’identifier les responsabilités et de renforcer les contrôles. Sauf exceptions, au-delà de 10 ans à compter de l’achèvement des travaux, une construction irrégulière sera réputée conforme et ne pourra être l’objet d’action contentieuse.
La réforme est bien venue. Cela est d’autant plus vrai que l’inflation normative mariée aux vétilles du législateur a rendu le droit de l’urbanisme plus complexe. Pourtant, on ne peut manquer de rappeler que le droit ne peut pas tout et de souligner que le contentieux peut être souvent évité par plus d’attention et de bon sens.
Frédéric RENAUDIN
Avocat à la cour
Docteur en droit