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Installations classées et autorisation d’ouverture : le schéma d’aménagement régional n’est pas directement opposable !

Conseil d’État

N° 357244   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème / 1ère SSR
M. Didier Ribes, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP BOUTET ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats

lecture du mercredi 21 mai 2014

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 février et 30 mai 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’État, présentés pour la société Centrale des carrières, dont le siège est Long Pré, BP 255 au Lamentin (97285), représentée par son président en exercice ; la société Centrale des carrières demande au Conseil d’État :

1°) d’annuler l’arrêt nos 11BX00456, 11BX00457 du 29 novembre 2011 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté ses requêtes tendant, en premier lieu, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0800166 du 30 décembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé, à la demande de M. et Mme L…B…et autres, l’arrêté du 10 janvier 2008 du préfet de la région Martinique autorisant la société à exploiter une carrière à ciel ouvert d’andésite au lieudit  » Habitation Desportes « , sur le territoire de la commune de Sainte-Luce, d’autre part, à l’annulation du jugement n° 0800265 du 16 décembre 2010 par lequel le même tribunal a annulé, à la demande de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, le même arrêté et, en second lieu, au rejet des demandes présentées par M. et Mme B…et autres et l’Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais contre cet arrêté ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à ses appels ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme B…et autres et de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais le versement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l’urbanisme ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Centrale des carrières et à la SCP Boutet, avocat de M. et Mme B…et de l’Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais ;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 10 janvier 2008, le préfet de la région Martinique a délivré à la société Centrale des carrières l’autorisation d’exploiter une carrière à ciel ouvert d’andésite au lieudit  » Habitation Desportes « , sur le territoire de la commune de Sainte-Luce ; que, saisi par M. et Mme B…et autres ainsi que par l’Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais, le tribunal administratif de Fort-de-France a, par deux jugements des 16 et 30 décembre 2010, annulé cette autorisation ; que, par un arrêt du 29 novembre 2011, contre lequel la société Centrale des carrières se pourvoit en cassation, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les requêtes de cette société contre les jugements du tribunal administratif de Fort-de-France ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article L. 4433-7 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la cour a statué sur le litige :  » Les conseils régionaux de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion adoptent un schéma d’aménagement qui fixe les orientations fondamentales à moyen terme en matière de développement durable, de mise en valeur du territoire et de protection de l’environnement. Ce schéma détermine notamment la destination générale des différentes parties du territoire de la région, l’implantation des grands équipements d’infrastructures et de transport, la localisation préférentielle des extensions urbaines, des activités industrielles, portuaires, artisanales, agricoles, forestières, touristiques et relatives aux énergies renouvelables ainsi que celles relatives aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (…)  » ; que l’article L. 4433-8 du même code dispose :  » Le schéma d’aménagement régional doit respecter : /1° Les règles générales d’aménagement et d’urbanisme à caractère obligatoire prévues par le code de l’urbanisme, en particulier les directives territoriales d’aménagement prévues à l’article L. 111-1-1 de ce code ou, en l’absence de celles-ci, les lois d’aménagement et d’urbanisme prévues au même article, ainsi que celles prévues par les articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 112-1 à L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime ; / 2° Les servitudes d’utilité publique et les dispositions nécessaires à la mise en oeuvre d’opérations d’intérêt national ; / 3° La législation en matière de protection des sites et des paysages ainsi qu’en matière de protection des monuments classés ou inscrits. / Le schéma d’aménagement régional prend en compte les programmes de l’Etat et harmonise ceux des collectivités territoriales et de leurs établissements et services publics. Les schémas de cohérence territoriale et, en l’absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d’urbanisme, les cartes communales ou les documents en tenant lieu doivent être compatibles avec le schéma d’aménagement régional  » ; que l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle la cour a statué sur le litige, précise que :  » Les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur doivent être compatibles, s’il y a lieu, avec (…) les schémas d’aménagement régional des régions d’outre-mer (…). / Lorsqu’un de ces documents est approuvé après l’approbation d’un schéma de cohérence territoriale ou d’un schéma de secteur, ce dernier doit, si nécessaire, être rendu compatible dans un délai de trois ans. / Les plans locaux d’urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. En l’absence de schéma de cohérence territoriale, ils doivent être compatibles, s’il y a lieu, avec (…) les schémas d’aménagement régionaux des régions d’outre-mer (…). / Lorsqu’un de ces documents est approuvé après l’approbation d’un plan local d’urbanisme, ce dernier doit, si nécessaire, être rendu compatible dans un délai de trois ans (…)  » ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement :  » Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l’agriculture, soit pour la protection de la nature et de l’environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. / Les dispositions du présent titre sont également applicables aux exploitations de carrières au sens des articles 1er et 4 du code minier  » ; qu’il ne résulte ni des dispositions citées ci-dessus ni d’aucune autre disposition que les autorisations délivrées sur le fondement de l’article L. 511-1 du code de l’environnement seraient au nombre des décisions administratives dont la légalité doit s’apprécier par référence aux dispositions des schémas d’aménagement régional ; que, dès lors, en jugeant que les orientations du schéma d’aménagement régional sont directement opposables à une demande d’autorisation présentée sur le fondement de l’article L. 511-1 du code de l’environnement lorsque ces orientations, en raison de leur précision, impliquent que leur respect soit contrôlé par l’administration chargée de se prononcer sur une telle demande et, le cas échéant, par le juge, la cour a commis une erreur de droit ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, la société Centrale des carrières est ainsi fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

4. Considérant que les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu’il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Boutet, avocat de M. et Mme B…; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la société Centrale des carrières au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 29 novembre 2011 est annulé.
Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Bordeaux.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Centrale des carrières est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la SCP Boutet présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société Centrale des carrières, à M. et Mme L… B…et à l’Association pour la sauvegarde du patrimoine martiniquais.
Copie en sera adressée pour information à M. F…A…, à Mme H…G…, à Mme I…D…, à M. K…J…, à M. et MmeM…, à M. et Mme N…, à M. et Mme E…C…et à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

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