Cour de cassation
chambre criminelle
Audience publique du mardi 27 mai 2014
N° de pourvoi: 13-80574
Publié au bulletin Cassation partielle
M. Louvel (président), président
SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Tiffreau, Marlange et de La Burgade, avocat(s)
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– Mme Brigitte X…,
contre l’arrêt de la cour d’appel de VERSAILLES, 9e chambre, en date du 6 décembre 2012, qui, pour infractions au code de l’urbanisme l’a condamnée à 1 000 euros d’amende avec sursis, a ordonné une mesure de remise en état des lieux, sous astreinte et a prononcé sur les intérêts civils ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 1er avril 2014 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel, président, M. Pers, conseiller rapporteur, M. Fossier, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : M. Bétron ;
Sur le rapport de M. le conseiller PERS, les observations de la société civile professionnelle TIFFREAU, CORLAY et MARLANGE, de la société civile professionnelle CÉLICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, L. 111-1, L. 160-1, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7, R. 111-37, R. 111-39, R. 111-43, du code de l’urbanisme, R.365-2 du code de l’environnement, D. 331-5 du code du tourisme, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a déclaré Mme X… coupable d’installation de caravanes en dehors des terrains aménagés malgré une interdiction administrative ;
« aux motifs que la prévenue ne peut pas plus utilement contester que ces installations et caravanes lui servent d’habitation permanente et que, même si elles se situent sur un terrain dont elle est propriétaire, ces installations sont soumises aux règles applicables à tous prescrites par l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme et le plan local d’urbanisme de la commune sur laquelle elles se situent ;
« alors que Mme X… faisait valoir dans ses conclusions régulièrement déposée que l’article N1 du PLU constitue une atteinte à la liberté d’aller et venir, contraire à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’il édicte une interdiction générale concernant le stationnement des caravanes sur des propriétés privées ; qu’en se bornant à relever, pour entrer en voie de condamnation, que installations et caravanes sont soumises aux règles applicables à tous prescrites par l’article R. 421-23 du code de l’urbanisme et le plan local d’urbanisme de la commune sur laquelle elles se situent, sans rechercher, comme cela lui était demandée, si une telle interdiction n’est pas contraire à l’article 8 la Convention européenne des droits de l’homme, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés » ;
Attendu que les énonciations de l’arrêt attaqué et du jugement qu’il confirme mettent la Cour de cassation en mesure de s’assurer que la cour d’appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous ses éléments le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;
D’où il suit que le moyen, qui invoque un principe inopérant en l’espèce et qui revient à remettre en question l’appréciation souveraine par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er du 1er Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, L. 111-1, L.123-1, L. 123-2, L. 123-3, L. 123-4, L. 123-5, L. 123- 19, L. 160-1, L. 421-1, L.421-4, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7, R. 111-37, R. 111-39, R. 111-43, R. 421-9, R. 421-17 du code de l’urbanisme, R.365-2 du code de l’environnement, D. 331-5 du code du tourisme, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale ;
« en ce que l’arrêt attaqué a condamné Mme X… à retirer les installations litigieuses sur chacune des parcelles dans un délai de six mois à compter du jugement, et dit que, passé le délai, elle devra verser, à titre d’astreinte, une somme de 10 euros par jour ;
« 1°) alors que, selon l’article 509 du code de procédure pénale, l’affaire est dévolue à la cour d’appel dans la limite fixée par l’acte d’appel et par la qualité de l’appelant ainsi qu’il est dit à l’article 515 ; que selon ce dernier texte la cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de la partie civile ou de l’assureur de l’une de ces personnes, aggraver le sort de l’appelant ; qu’en l’espèce, il ressortait des mentions de l’arrêt, qui font foi jusqu’à inscription de faux, que Mme X… avait interjeté appel tant sur les dispositions pénales que civiles et que le Procureur de la république avait interjeté appel uniquement contre la Mairie de Bessancourt ; que dès lors, en aggravant le sort de la prévenue en assortissant sa peine complémentaire de remise en état d’une astreinte de 10 euros par jour de retard sur ces seuls appels, la cour d’appel a violé les articles 509 et 515 du code de procédure pénale ;
« 2°) alors que le droit au respect des biens protégé par l’article 1er du premier protocole additionnel de la Convention européenne des droits de l’homme suppose que la remise en état d’un ouvrage édifié en contravention avec les règles d’urbanisme ne puisse être ordonnée que si elle n’est pas manifestement disproportionnée au but légitime poursuivi ; qu’en ordonnant en l’espèce la remise en état des lieux sans même rechercher si une telle mesure n’était pas manifestement disproportionnée au regard de la privation de son logement, la cour d’appel a méconnu les textes visés au moyen et privé sa décision de base légale » ;
Sur le première branche du moyen :
Attendu qu’il ressort de la déclaration d’appel et des énonciations de l’arrêt que l’appel du ministère public n’était pas limité et qu’ainsi le moyen se fondant sur une erreur matérielle d’une mention dudit arrêt est irrecevable ;
Sur la seconde branche du moyen :
Attendu que Mme X… n’ayant pas soutenu devant les juges du fond que la mesure de remise en état des lieux sous astreinte porterait une atteinte disproportionnée au droit de propriété garanti par le texte conventionnel invoqué, le moyen, mélangé de fait, nouveau et comme tel irrecevable, ne peut être admis ;
Mais sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L.123-1, L. 123-2, L. 123-3, L.123-4, L. 123-5, L. 123-19, L. 160-1, L. 421-1, L. 421-4, L. 480-4, L. 480-5, L. 480-7, R. 421-9, R. 421-17 du code de l’urbanisme, 6, 8, 591 à 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale,
« en ce que l’arrêt attaqué a rejeté l’exception de prescription soulevée par Mme X… ;
« aux motifs que la prévenue ne peut utilement invoquer la prescription de l’action publique en soutenant qu’elle occupe la parcelle depuis 1996 et qu’elle a acheté l’Algeco en 2005 ; qu’en effet, les faits lui étant reprochés constituent des délits continus dont les effets se prolongent par la volonté réaffirmée du prévenu de ne pas respecter les dispositions réglementaire applicables ;
« 1°) alors que, la prescription de l’action publique de l’infraction d’exécution irrégulière de travaux soumis à déclaration préalable et de l’infraction aux dispositions du plan local d’urbanisme court à compter du jour où les installations sont en état d’être affectées à l’usage auquel elles sont destinées ; qu’en rejetant l’exception de prescription soulevée par Mme X…, en relevant que l’ensemble des infractions poursuivies sont des infractions continues dont les effets se prolongent par la volonté réaffirmée du prévenu de ne pas respecter les dispositions réglementaire applicables, la cour d’appel a violé les textes et principes susvisés ;
« 2°) alors que, Mme X… avait fait valoir dans ses conclusions que la prescription était acquise dès lors que les installations litigieuses avaient été acquises et réalisée en 2005, trois ans avant le déclanchement de l’action publique ; qu’en écartant l’exception de prescription, au seul motif qu’il s’agirait d’infractions continues, sans même rechercher à quelle date les travaux avaient été achevés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes et principes susvisés » ;
Vu les articles L. 421-4, L. 160-1 et L. 480-4 du code de l’urbanisme, ensemble les articles 7 et 8 du code de procédure pénale ;
Attendu que les infractions d’exécution de travaux sans déclaration préalable et en méconnaissance du Plan Local d’Urbanisme s’accomplissent pendant tout le temps où les travaux sont exécutés et jusqu’à leur achèvement ; que la prescription de l’action publique ne court qu’à compter du jour où les installations sont en état d’être affectées à l’usage auquel elles sont destinées ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure qu’un procès-verbal, dressé le 9 octobre 2008, a constaté que Mme X… avait posé des constructions modulaires d’une surface d’environ 20 m2 ainsi qu’une toiture deux pans et un auvent sans autorisation et en méconnaissance du PLU de la commune de Bessancourt, sur une parcelle lui appartenant ;
Attendu que, pour rejeter l’exception de prescription soulevée par Mme X… qui soutenait qu’en 2005 elle a acheté une construction modulaire qu’elle a posée sur sa parcelle et que l’auvent a été créé au moment où ladite construction a été installée, l’arrêt attaqué retient que les faits qui lui sont reprochés constituent des délits continus dont les effets se prolongent par la volonté réaffirmée de la prévenue de ne pas respecter les dispositions réglementaires applicables ;
Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, à la date du premier acte interruptif de prescription, l’ouvrage, portant sur les constructions modulaires et l’auvent, était , depuis trois années , en état d’être affecté à l’usage auquel il était destiné, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;
D’où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE, l’arrêt susvisé de la cour d’appel de Versailles , en date du 6 décembre 2012, mais en ses seules dispositions relatives aux infractions d’exécution de travaux sans déclaration préalable et en méconnaissance du PLU et à la remise en état des lieux afférente , aux peines prononcées et aux intérêts civils , toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu’il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d’appel de Paris, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l’impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d’appel de Versailles et sa mention en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-sept mai deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;