Conseil d’État, 6ème chambre, 16/02/2024, 472788, Inédit au recueil Lebon
Texte intégral
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
L’association » Zone à protéger d’Agroparc » (ZAPA), Mme A… C…, M. B… G… et M. F… D… et Mme E… D… ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de Nîmes, à titre principal sur le fondement de l’article L. 122-2 du code de l’environnement, et à titre subsidiaire sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l’exécution, d’une part, de la preuve de dépôt de déclaration en date du 26 novembre 2021 délivrée à la communauté d’agglomération du Grand Avignon (CAGA) en vue d’exploiter une installation classée pour la protection de l’environnement de collecte de déchets, valant décision de non-opposition de la préfète de Vaucluse, d’autre part, de la déclaration d’exploiter.
Par une ordonnance n° 2300626 du 22 mars 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 5 et 20 avril 2023 et le 5 janvier 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, l’association » Zone à protéger d’Agroparc « , Mme C…, M. G… et M. et Mme D… demandent au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l’affaire au titre de la procédure de référé, de faire droit à leur demande de suspension ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat et de la communauté d’agglomération du Grand Avignon la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Antoine Berger, auditeur,
– les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SAS Hannotin avocats, avocat de l’association » Zone à protéger d’Agroparc » et autres, et au cabinet François Pinet, avocat de la communauté d’agglomération du Grand Avignon ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le 26 novembre 2021 a été délivré à la communauté d’agglomération du Grand Avignon une preuve de dépôt de déclaration en vue de l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, valant non opposition de la préfète de Vaucluse, portant sur un projet de déchetterie sur le territoire de la commune d’Avignon. L’association » Zone à protéger d’Agroparc » et autres se pourvoient en cassation contre l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes du 22 mars 2023 qui a rejeté leur demande de suspension de cet arrêté présentée sur le fondement de l’article L. 122-2 du code de l’environnement et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.
2. D’une part, aux termes de l’article L. 122-2 du code de l’environnement: » Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d’approbation d’un projet visé au I de l’article L. 122-1 est fondée sur l’absence d’étude d’impact, le juge des référés, saisi d’une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée « .
3. D’autre part, aux termes de l’article R. 122-2 du code de l’environnement : » I. – Les projets relevant d’une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l’objet d’une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l’article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau / (…) « . En vertu de la rubrique 41 » Aires de stationnement ouvertes au public, dépôts de véhicules et garages collectifs de caravanes ou résidences mobiles de loisirs » du tableau annexé à l’article R. 122-2, sont soumises à la procédure d’examen au cas par cas les » aires de stationnement ouvertes au public de 50 unités et plus « .
4. Ces dispositions doivent être interprétées à la lumière de celles de la directive du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, dont elles assurent la transposition, qui visent à subordonner l’autorisation des projets publics et privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement à une évaluation de ces incidences et définissent la notion de projet, pour leur application, comme » la réalisation de travaux de construction ou d’autres installations ou ouvrages » ou » d’autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage, y compris celles destinées à l’exploitation des ressources du sol « .
5. Pour juger que les aires de stationnement prévues dans le projet ne relevaient pas de la rubrique 41 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement, faute de comporter 50 unités de stationnement ou plus et donc que le projet dans son ensemble n’avait pas à faire l’objet d’une procédure d’examen au cas par cas, le juge des référés du tribunal administratif de Nîmes a retenu que la notion d’aires de stationnement ouvertes au public ne saurait relever d’une appréciation globale incluant les emplacements réservés à l’administration du seul fait qu’ils relèvent d’une même infrastructure et ont une entrée commune. En statuant ainsi, en se fondant sur des critères inopérants par rapport à l’objet de la réglementation et alors qu’une aire de stationnement doit être regardée comme soumise à un examen au cas par cas afin de déterminer si elle doit faire l’objet d’une évaluation environnementale dès lors qu’elle totalise 50 emplacements ou plus d’une part, et qu’elle est accessible au public d’autre part, le juge des référés a commis une erreur de droit.
6. Sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, il résulte de ce qui précède que l’association » Zone à protéger d’Agroparc » et autres sont fondés à demander l’annulation de l’ordonnance qu’ils attaquent.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au titre de la procédure de référé en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative.
8. Il ressort des pièces du dossier que le projet de déchetterie de la communauté d’agglomération du Grand Avignon comporte, au niveau R 1, 46 places de stationnement dont 20 places destinées au personnel et 26 places destinées au public, et au niveau rez-de-chaussée, 9 places de stationnement dont 6 places destinées au personnel et 3 places destinées au public, soit un total de 55 places de stationnement. Dès lors que ces emplacements ont en partie vocation à accueillir du public, il résulte de ce qui été dit au point 5 que l’aire de stationnement de plus de 50 unités prévue par le projet doit être regardée comme ouverte au public au sens de la rubrique 41 du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement et soumise par suite à un examen au cas par cas en vertu de ces dispositions afin de déterminer si elle doit faire l’objet d’une évaluation environnementale.
9. En l’absence, parmi les pièces du dossier, d’évaluation environnementale ou de décision de l’autorité chargée de l’examen au cas par cas dispensant le projet en litige d’une telle évaluation, il appartient au juge des référés d’apprécier si, en l’état de l’instruction et eu égard à la portée des modifications opérées, une évaluation environnementale était nécessaire. Il ressort des pièces du dossier que le projet va conduire à l’imperméabilisation d’un site de près d’un hectare d’une grande richesse écologique, ce site constituant une coupure d’urbanisation constituée de prairies, haies, bosquets et canaux d’irrigation abritant plusieurs espèces protégées. En particulier, il ressort de la notice d’impact réalisée à la demande de la communauté d’agglomération du Grand Avignon que le projet présente des enjeux modérés pour une zone humide comprise dans l’aire d’étude, composée d’un bosquet de peupliers blancs, ainsi que pour la diane, l’orvet fragile, la chouette chevêche, la couleuvre de Montpellier et la couleuvre à échelons, espèces protégées dont il est susceptible d’affecter les habitats. Le projet litigieux doit, dès lors, être regardé comme susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement ou la santé humaine et devait faire l’objet d’une évaluation environnementale. Par suite, l’association » Zone à protéger d’Agroparc » et autres sont fondés à demander la suspension de la preuve de dépôt de déclaration en vue de l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement, valant non opposition de la préfète de Vaucluse, sur le fondement de l’article L. 122-2 du code de l’environnement.
10. II y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat et de la communauté d’agglomération du Grand Avignon la somme de 2 000 euros à verser à l’association » Zone à protéger d’Agroparc » et autres, au titre des frais engagés pour l’ensemble de la procédure devant le juge des référés du tribunal administratif et devant le Conseil d’Etat. En revanche, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge des requérants, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1 : L’ordonnance du 22 mars 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Nîmes est annulée.
Article 2 : L’exécution de la preuve de dépôt de déclaration en vue de l’exploitation d’une installation classée pour la protection de l’environnement du 26 novembre 2021, valant non opposition de la préfète de Vaucluse, est suspendue.
Article 3 : L’Etat et la communauté d’agglomération du Grand Avignon verseront à l’association » Zone à protéger d’Agroparc » et autres une somme de 2 000 euros chacun au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la communauté d’agglomération du Grand Avignon au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à l’association » Zone à protéger d’Agroparc « , première requérante dénommée, à la communauté d’agglomération du Grand Avignon et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré à l’issue de la séance du 18 janvier 2024 où siégeaient : M. Stéphane Hoynck, assesseur, présidant ; M. Cyril Roger-Lacan, conseiller d’Etat et M. Antoine Berger, auditeur-rapporteur.
Rendu le 16 février 2024.
Le président :
Signé : M. Stéphane Hoynck
Le rapporteur :
Signé : M. Antoine Berger
La secrétaire :
Signé : Mme Laïla Kouas