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ICPE installation nucléaire : analyse de l’intérêt à agir du requérant !

Conseil d’État 

N° 358882    
Mentionné dans les tables du recueil Lebon 
6ème / 1ère SSR
Mme Clémence Olsina, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE ; SCP DIDIER, PINET, avocats


lecture du lundi 24 mars 2014

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 avril et 26 juillet 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la République et canton de Genève, dont le siège est 2, rue de l’Hôtel de Ville, à Genève 3 (1211) en Suisse, représentée par son Conseil d’Etat, et pour la Ville de Genève, dont le siège est 4, rue de la Croix-Rouge, à Genève (1200) en Suisse, représentée par son conseil administratif ; les collectivités requérantes demandent au Conseil d’Etat : 

1°) d’annuler le décret n° 2010-402 du 23 avril 2010 autorisant la société Electricité de France (EDF) à créer, sur le territoire de la commune de Saint-Vulbas (Ain), une installation nucléaire de base dénommée installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés (ICEDA) ; 

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’environnement ;
Vu la loi n° 2006-686 du 13 juin 2006 ;
Vu la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 ;
Vu le décret n° 2007-830 du 11 mai 2007 ; 
Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Clémence Olsina, auditeur, 

– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la République et canton de Genève et de la ville de Genève, et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Electricité de France (EDF) ;

1. Considérant qu’en vertu de l’article 29 de la loi du 13 juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, en vigueur à la date du décret attaqué, la création des installations nucléaires de base est soumise à une autorisation délivrée par décret, pris après avis de l’Autorité de sûreté nucléaire et enquête publique, et déterminant les caractéristiques et le périmètre de l’installation ainsi que le délai dans lequel elle doit être mise en service ; que sont au nombre des installations nucléaires de base, selon le 2° de l’article 28 de cette même loi et l’article 2 du décret du 11 mai 2007 relatif à la nomenclature des installations nucléaires de base, les installations de traitement ou d’entreposage de déchets radioactifs ; qu’en application de ces dispositions, la société Electricité de France (EDF) a été autorisée, par un décret du 23 avril 2010, à créer une installation de conditionnement et d’entreposage de déchets activés sur le territoire de la commune de Saint-Vulbas (Ain) ; que la République et canton de Genève et la Ville de Genève demandent l’annulation de ce décret au juge du plein contentieux des installations nucléaires de base ;

2. Considérant qu’aux termes de l’article 45 de la loi du 13 juin 2006, dont la substance est désormais reprise à l’article L. 596-23 du code de l’environnement, les litiges relatifs aux autorisations délivrées en application de l’article 29 de cette loi peuvent être déférés devant la juridiction administrative :  » 2° Par les tiers, en raison des dangers que le fonctionnement de l’installation nucléaire de base ou le transport peuvent présenter pour la santé des personnes et l’environnement, dans un délai de deux ans à compter de leur publication pour les décrets d’autorisation de création mentionnés aux I et II de l’article 29 (…)  » ; qu’en application de ces dispositions, il appartient au juge administratif de déterminer si les tiers qui contestent une décision d’autorisation de création d’une installation nucléaire de base justifient d’un intérêt suffisamment direct et certain leur donnant qualité pour en demander l’annulation, compte tenu des dangers que présente l’installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux ; 

3. Considérant qu’il résulte de l’article 1er du décret attaqué et de l’instruction que l’installation autorisée a pour objet de conditionner et d’entreposer des déchets activés produits dans le cadre, d’une part, du programme de démantèlement des centrales nucléaires dites  » de première génération  » et de la centrale de Creys-Malville, et, d’autre part, de l’exploitation, de la maintenance et d’éventuelles modifications des centrales nucléaires à eau pressurisée, dans l’attente de leur stockage définitif prévu par la loi du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs ; que cette installation n’a vocation ni à produire de l’énergie, ni à fabriquer ou enrichir des combustibles nucléaires ; que les collectivités requérantes sont situées à une soixantaine de kilomètres du site d’implantation de l’installation litigieuse et en amont sur le Rhône ; que, par suite, compte tenu de l’objet de l’activité ainsi exercée, des caractéristiques de l’installation et de leur éloignement du site, la République et canton de Genève et la Ville de Genève ne peuvent être regardées comme justifiant d’un intérêt direct et certain leur donnant qualité pour demander l’annulation du décret attaqué ; 

4. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que leurs conclusions à fin d’annulation doivent être rejetées comme irrecevables ; que doivent également être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à leur charge la somme globale de 3 000 euros qui sera versée à la société EDF au même titre ; 

D E C I D E :
————–
Article 1er : La requête de la République et canton de Genève et de la Ville de Genève est rejetée.

Article 2 : La République et canton de Genève et la Ville de Genève verseront la somme globale de 3 000 euros à la société Electricité de France au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. 

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la République et Canton de Genève, à la Ville de Genève, à la société Electricité de France, au Premier ministre, au ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et au ministre de l’économie et des finances.

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