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ICPE – étendue des pouvoir de police spéciale du Préfet

Conseil d’État

N° 323534   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème et 1ère sous-sections réunies
M. Arrighi de Casanova, président
M. Richard Senghor, rapporteur
M. Roger-Lacan Cyril, commissaire du gouvernement
SCP CELICE, BLANCPAIN, SOLTNER, avocats

lecture du vendredi 26 novembre 2010

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu l’ordonnance du 28 novembre 2008, enregistrée le 23 décembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, par laquelle le président du tribunal administratif de Nancy a transmis au Conseil d’Etat, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête dont ce tribunal a été saisi par la SOCIETE ARCELORMITTAL France ;

Vu la requête, enregistrée le 24 novembre 2008 au greffe du tribunal administratif de Nancy, présentée par la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE, dont le siège est 1-5, rue Luigi Cherubini à Saint-Denis (93200) ; la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêté des préfets de Meurthe-et-Moselle et de la Moselle du 24 septembre 2008 lui prescrivant de réaliser, pour l’ancien site sidérurgique de Micheville, un diagnostic de l’état des sols au regard d’une contamination au plomb dans un rayon de 500 mètres autour de ce site ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l’environnement ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le décret n° 2010-164 du 22 février 2010, notamment son article 55 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,

– les observations de SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE,

– les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE ;

Considérant que, par un arrêté du 24 septembre 2008, les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle ont prescrit à la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE de procéder à un diagnostic des sols dans un rayon de 500 mètres autour de l’ancienne usine sidérurgique de Micheville ; qu’en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, le président du tribunal administratif de Nancy a transmis au Conseil d’Etat le recours formé contre cet arrêté ;

Sur la compétence du Conseil d’Etat :

Considérant que le 5° de l’article R. 311-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction alors applicable, donne compétence en premier ressort au Conseil d’Etat pour connaître des recours dirigés contre les actes administratifs dont le champ d’application s’étend au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif ; que l’arrêté imposant à une installation classée pour la protection de l’environnement un diagnostic des sols produit effet à l’endroit où ces études doivent être réalisées ; que l’emprise de l’usine et de ses abords, visée par l’arrêté litigieux, s’étend sur le territoire de trois communes, elles-mêmes situées dans deux départements différents, la Moselle et la Meurthe-et-Moselle, qui sont compris respectivement dans le ressort du tribunal administratif de Strasbourg et dans celui du tribunal administratif de Nancy ; qu’il en résulte que, contrairement à ce que soutiennent la société requérante et le ministre, le Conseil d’Etat est compétent pour connaître en premier ressort du recours exercé contre l’arrêté litigieux ;

Sur la légalité de l’arrêté attaqué :

Considérant, en premier lieu, que l’arrêté du 24 septembre 2008, pris au titre de la police spéciale des installations classées, qui énonce les éléments de fait et de droit sur lesquels il se fonde, est suffisamment motivé au regard des exigences résultant des articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, dans sa rédaction applicable à la date de l’arrêté litigieux : Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d’une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques (…) ; qu’aux termes de l’article L. 512-7 du même code, dans sa rédaction alors applicable : En vue de protéger les intérêts visés à l’article L. 511-1, le préfet peut prescrire la réalisation des évaluations et la mise en oeuvre des remèdes que rendent nécessaires soit les conséquences d’un accident ou incident survenu dans l’installation, soit les conséquences entraînées par l’inobservation des conditions imposées en application du présent titre, soit tout autre danger ou inconvénient portant ou menaçant de porter atteinte aux intérêts précités (…) ; qu’aux termes de l’article R. 512-31 de ce code : Des arrêtés complémentaires peuvent être pris sur proposition de l’inspection des installations classées et après avis du conseil départemental de l’environnement et des risques sanitaires et technologiques. Ils peuvent fixer toutes les prescriptions additionnelles que la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 rend nécessaires ou atténuer celles des prescriptions primitives dont le maintien n’est plus justifié (…) ; qu’enfin, selon l’article R. 512-78 : A tout moment, même après la remise en état du site, le préfet peut imposer à l’exploitant, par arrêté pris dans les formes prévues à l’article R. 512-31, les prescriptions nécessaires à la protection des intérêts mentionnés à l’article L. 511-1 (…) ;

Considérant qu’il résulte de ces dispositions que l’autorité administrative peut prendre à tout moment, à l’égard de l’exploitant d’une installation classée, les mesures qui se révèleraient nécessaires à la protection des intérêts énumérés à l’article L. 511-1 du code de l’environnement, y compris après sa mise à l’arrêt définitif ; que de telles mesures peuvent concerner, le cas échéant, des terrains situés au-delà du strict périmètre de l’installation en cause, dans la mesure où ceux-ci présentent des risques de nuisance pour la santé publique ou la sécurité publique ou la protection de l’environnement, se rattachant directement à l’activité présente ou passée de cette installation ; que, par suite, la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE n’est pas fondée à soutenir que l’arrêté litigieux est dépourvu de base légale et que ses auteurs, en se fondant sur les dispositions de l’article L. 512-7 du code de l’environnement, ont commis une erreur de droit en lui imposant, postérieurement à la mise à l’arrêt définitif de l’installation, la réalisation d’études portant sur un périmètre plus vaste que celui de l’usine elle-même ;

Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction que, d’une part, l’usine de Micheville, construite en 1872, constituait un complexe sidérurgique qui a pu accueillir jusqu’à deux installations d’agglomération à minerai, une cokerie, cinq haut-fourneaux, trois aciéries, quatre trains de laminage et des ateliers de parachèvement ; que, même si certaines activités de l’usine se sont arrêtées en 1974, la production d’acier s’est poursuivie jusqu’en 1985 ; que des teneurs en plomb anormalement élevées ont été analysées dans le sol, à l’intérieur de l’enceinte de l’usine ; qu’aux abords de ce site où, dans un rayon de 500 mètres, se trouvent des habitations, ainsi que six écoles maternelles et primaires, des traces de pollution ont également été relevées ; que, d’autre part, l’activité poursuivie sur le site de l’usine de Micheville est susceptible d’avoir entraîné une pollution des sols provoquée par la présence d’autres métaux toxiques tels le zinc ou le chrome, dont la présence a en effet été révélée par l’étude des sols conduite dans le cadre de l’évaluation simplifiée des risques ; qu’enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne résulte pas de l’instruction que la présence de matières polluantes sur le site de l’usine et ses abords pourrait avoir une origine autre que l’exploitation de celle-ci ; que, dès lors, les préfets de la Moselle et de Meurthe-et-Moselle ont pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, d’une part, estimer que cette situation provoquait des dangers ou inconvénients, au sens de l’article L. 511-1 du code de l’environnement, et que ceux-ci devaient être regardés comme se rattachant directement à l’activité passée de l’usine de Micheville et, d’autre part, prescrire à la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE la réalisation, dans un rayon de 500 mètres autour de l’enceinte de l’usine, d’un diagnostic systématique de la contamination des sols par le plomb ; qu’enfin, en prévoyant que, si la présence de métaux polluants autres que le plomb était détectée dans l’atmosphère, il conviendrait de procéder à des investigations complémentaires, les auteurs de l’arrêté attaqué, contrairement à ce qui est soutenu par la société requérante, n’ont pas fait une inexacte application des pouvoirs qu’ils tiennent de l’article R. 512-78 du code de l’environnement ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté attaqué ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : La requête de la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ARCELORMITTAL FRANCE et au ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement.

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