Cour Administrative d’Appel de Nancy
N° 12NC00141
Inédit au recueil Lebon
3ème chambre – formation à 3
M. LAURENT, président
M. Christophe LAURENT, rapporteur
Mme DULMET, rapporteur public
SCHWEITZER, avocat
lecture du jeudi 5 juillet 2012
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la requête, enregistrée le 23 janvier 2012, présentée par le PREFET DU BAS- RHIN ;
LE PREFET DU BAS-RHIN demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1105103 du 22 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 5 septembre 2011 rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme Thérèse A, l’obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, l’a enjoint à délivrer à l’intéressée un titre de séjour portant la mention » vie privée et familiale » dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement attaqué et a mis, à la charge de l’Etat, une somme de 1000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;
Il soutient que :
– l’arrêté contesté est suffisamment motivé ;
– le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 est inopérant ;
– l’arrêté contesté n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme A à mener une vie privée et familiale normale au regard des buts en vue desquels il a été pris et n’a ainsi pars méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 avril 2012, présenté pour Mme A par Me Schweitzer, qui conclut au rejet de la requête, à ce qu’il soit enjoint au PREFET DU BAS- RHIN de lui délivrer un titre de séjour portant la mention » vie privée et familiale » et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l’Etat en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que :
– l’arrêté contesté est insuffisamment motivé ;
– il est entaché d’un vice de procédure dès lors que l’édiction de cet acte n’a pas été précédée d’une procédure contradictoire telle que prévue par les dispositions de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;
– l’arrêté contesté a porté, ainsi que l’ont estimé les premiers juges, une atteinte disproportionnée au droit de Mme A à mener une vie privée et familiale normale au regard des buts en vue desquels il a été pris et a ainsi méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
– son état de santé est incompatible avec un retour au Cameroun ;
Vu la décision du 7 juin 2012 du Président de la Cour accordant, à titre provisoire, l’aide juridictionnelle totale à Mme A, dans la présente instance ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 14 juin 2012 :
– le rapport de M. Laurent, président de chambre ;
Sur le jugement attaqué :
Considérant qu’aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : » 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ;
Considérant que pour annuler l’arrêté du PREFET DU BAS-RHIN en date du 5 septembre 2011 refusant à Mme A, ressortissante camerounaise, la délivrance d’un titre de séjour, l’obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le Tribunal administratif de Strasbourg s’est fondé, pour reconnaître la méconnaissance des stipulations précitées, sur la circonstance que l’intéressée, dépourvue d’attaches familiales dans son pays d’origine, dispose de liens familiaux intenses en France où résident tous ses enfants, ses petits enfants ainsi que ses deux soeurs, lesquels sont tous de nationalité française ou disposent d’une carte de résident ; que, toutefois, Mme A ne se trouve pas de ce seul fait dans l’impossibilité de mener une vie privée et familiale normale au Cameroun, pays où elle est née, dont elle a la nationalité et où elle a vécu jusqu’à l’âge de 57 ans ; qu’il ressort des pièces du dossier que Mme A est veuve depuis 1980, n’est entrée en France que le 25 décembre 2010 et dispose, selon ses propres déclarations, d’un emploi de bon niveau au Cameroun ; qu’il suit de là que l’arrêté contesté n’a pas porté au droit de l’intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris ; qu’il n’a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu’il appartient toutefois à la Cour, saisie de l’ensemble du litige par l’effet dévolutif de l’appel, d’examiner les autres moyens soulevés par Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg et la Cour ;
Sur les conclusions aux fins d’annulation :
En ce qui concerne la légalité externe :
Considérant, d’une part, que contrairement à ce que soutient Mme A, l’arrêté contesté contient les éléments de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que, par suite, il est suffisamment motivé ;
Considérant, d’autre part, que les dispositions de l’article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000 ne sont pas applicables aux refus de titre de séjour, qui font suite à une demande de l’étranger, et pas davantage aux obligations de quitter le territoire français, le législateur ayant entendu déterminer, dans les dispositions des articles L. 512-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l’intervention et l’exécution des décisions par lesquelles l’autorité administrative signifie à l’étranger l’obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français ; que, par suite, Mme A ne peut utilement soutenir que l’arrêté contesté serait intervenu en méconnaissance desdites dispositions ;
En ce qui concerne la légalité interne :
Considérant, d’une part, qu’ainsi qu’il vient d’être dit, le refus de titre de séjour, contenu dans l’arrêté contesté, est légal ; que, par suite, les moyens tirés de l’exception d’illégalité du refus de titre de séjour et de l’obligation de quitter le territoire français, contenus dans ce même acte, ne peuvent qu’être écartés ;
Considérant, d’autre part, que si Mme A soutient qu’elle a subi une opération au niveau du rachis lombaire ayant entraîné des complications, les documents qu’elle produit, composés de comptes rendus d’analyses et d’actes médicaux effectués postérieurement à la prise de l’arrêté contesté, ne permettent pas d’établir que l’absence de prise en charge médicale, dont la nature n’est au demeurant pas précisée, pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité pour l’intéressée et qu’elle serait dans l’impossibilité de voyager ; que, dans ces conditions, et alors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme MAGNI aurait fait valoir son état de santé auprès du PREFET DU BAS-RHIN, ce dernier n’a pas méconnu les dispositions de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et n’a pas commis une erreur manifeste d’appréciation quant aux conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de l’intéressée ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le PREFET DU BAS-RHIN est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’arrêté du 5 septembre 2011 refusant à Mme A un titre de séjour, l’obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;
Sur les conclusions à fin d’injonction :
Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d’annulation présentées par Mme A, n’implique aucune mesure d’exécution ; que les conclusions de l’intéressée tendant à ce que la Cour enjoigne au PREFET DU BAS-RHIN de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent, dès lors, être accueillies ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l’Etat, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, verse la somme que demande Mme A au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1105103 du 22 décembre 2011 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg et tendant à l’annulation de l’arrêté du PREFET DU BAS-RHIN en date du 5 septembre 2011 est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions d’appel présentées par Mme A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L’INTERIEUR et à Mme Thérèse A.