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Expropriation : inclure ou exclure une parcelle, ne pas se tromper !

Conseil d’État

N° 371034   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 1ère chambres réunies
Mme Marie-Françoise Guilhemsans, rapporteur
M. Xavier de Lesquen, rapporteur public
SCP LYON-CAEN, THIRIEZ ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN, avocats

lecture du mercredi 6 juillet 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu les procédures suivantes :

M. et Mme A…B…ont demandé au tribunal administratif de Versailles d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 5 mai 2008 du préfet des Yvelines déclarant d’utilité publique le projet de réalisation et d’aménagement de la zone d’aménagement concerté multi-sites dénommée  » Coeur de ville » et autorisant la SARRY 78 à acquérir les immeubles compris dans le périmètre de cette zone. Par un jugement n° 0806506 du 16 mai 2011, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 11VE02562 du 25 avril 2013, la cour administrative d’appel de Versailles a, sur appel de M. et MmeB…, annulé ce jugement, ainsi que l’article 2 de l’arrêté du 5 mai 2008, en tant qu’il a inclus l’immeuble appartenant aux intéressés dans le périmètre délimitant les immeubles susceptibles d’expropriation.

1° Sous le n° 371034, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un autre mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d’État les 8 août et 29 octobre 2013, 3 février 2014 et 3 avril 2015, la commune d’Achères et la société d’aménagement de la région de Rambouillet et du département des Yvelines (SARRY 78) demandent au Conseil d’Etat d’annuler cet arrêt et de mettre à la charge de M. et Mme B…la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 371056, par un pourvoi enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 8 août 2013, le ministre de l’intérieur demande l’annulation du même arrêt.

…………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :
– le code de l’expropriation ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Marie-Françoise Guilhemsans, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune d’Achères et autre et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de M. et Mme B…;

1. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 5 mai 2008, le préfet des Yvelines a déclaré d’utilité publique le projet de zone d’aménagement concerté  » Coeur de Ville  » à Achères et a autorisé la société d’aménagement de la région de Rambouillet et du département des Yvelines (SARRY 78) à procéder à l’acquisition par voie d’expropriation d’immeubles de cette zone ; que, par un jugement du 16 mai 2011, le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de M. et Mme B…dirigée contre cet arrêté ; que, par un arrêt du 25 avril 2013, la cour administrative d’appel de Versailles a annulé ce jugement ainsi que l’article 2 de l’arrêté en tant qu’il inclut, dans le périmètre délimitant les immeubles susceptibles d’expropriation, la parcelle sur laquelle est édifié l’immeuble commercial dont M. et Mme B…sont propriétaires ; que le ministre de l’intérieur, la commune d’Achères et la SARRY 78 se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant qu’il appartient au juge, lorsqu’il se prononce sur le caractère d’utilité publique d’une opération nécessitant l’expropriation d’immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu’elle répond à une finalité d’intérêt général, que l’expropriant n’était pas en mesure de réaliser l’opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l’expropriation et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d’ordre social ou économique que comporte l’opération ne sont pas excessifs au regard de l’intérêt qu’elle présente ; qu’il lui appartient également, s’il est saisi d’un moyen en ce sens, de s’assurer, au titre du contrôle sur la nécessité de l’expropriation, que l’inclusion d’une parcelle déterminée dans le périmètre d’expropriation n’est pas sans rapport avec l’opération déclarée d’utilité publique ;

3. Considérant que la cour administrative d’appel de Versailles a jugé que l’opération d’aménagement du centre-ville d’Achères pouvait être réalisée de façon équivalente sans expropriation de la parcelle appartenant à M. et MmeB…, en relevant que la présence de l’immeuble à vocation commerciale implanté sur cette parcelle ne portait pas atteinte aux objectifs de la zone d’aménagement concerté ; qu’en recherchant ainsi si les objectifs de la zone d’aménagement concerté pouvaient être atteints dans le cadre d’un projet ne comprenant pas cette parcelle, au lieu de se borner à s’assurer que l’inclusion de cette parcelle dans le périmètre d’expropriation n’était pas sans rapport avec l’opération d’aménagement déclarée d’utilité publique, la cour a commis une erreur de droit ;

4. Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d’Achères et la société d’aménagement de la région de Rambouillet et du département des Yvelines au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Versailles du 25 avril 2013 est annulé.

Article 2 : L’affaire est renvoyée à la cour administrative d’appel de Versailles.
Article 3 : Les conclusions de la commune d’Achères et de la société d’aménagement de la région de Rambouillet et du département des Yvelines présentées au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d’Achères, à la société d’aménagement de la région de Rambouillet et du département des Yvelines, au ministre de l’intérieur et à M. et MmeB….

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