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Enjoindre l’enlèvement d’un ouvrage public, c’est possible !

Conseil d’État

N° 333756
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
7ème et 2ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Francis Girault, rapporteur
M. Nicolas Boulouis, rapporteur public
BALAT ; SCP COUTARD, MUNIER-APAIRE, avocats

lecture du vendredi 9 décembre 2011

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

 


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2009 et 9 février 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour Mme Claudine A, épouse B, demeurant … ; Mme B demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler l’arrêt n° 08BX00696 du 1er septembre 2009 par lequel la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant, d’une part, à l’annulation du jugement n° 0604701 du 2 janvier 2008 du tribunal administratif de Bordeaux rejetant sa demande tendant à ce qu’il soit enjoint à Electricité de France (EDF) d’enlever, sous astreinte, le socle du transformateur et les cinq poteaux électriques se trouvant sur ses parcelles et, d’autre part, à ce qu’il soit enjoint à EDF d’enlever le socle et les poteaux en cause ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Electricité réseaux distribution de France (ERDF) le versement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 ;

Vu la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,

– les observations de Me Balat, avocat de Mme Claudine B et de la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Electricité réseaux distribution de France (ERDF),

– les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Balat, avocat de Mme Claudine B et à la SCP Coutard, Munier-Apaire, avocat de la société Electricité réseaux distribution de France (ERDF) ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution.

Considérant qu’il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B a demandé sans succès à Electricité de France (EDF), aux droits duquel est venue la société Electricité réseau distribution de France (ERDF), d’enlever les ouvrages constitués par le socle d’un transformateur et les poteaux de distribution électrique implantés sur des parcelles dont elle est propriétaire à Houeillès (Lot-et-Garonne) ; que, par un arrêt du 12 juin 2003, la cour administrative d’appel de Bordeaux a partiellement fait droit à ses conclusions en constatant l’irrégularité des emprises occupées par les ouvrages en cause mais a jugé qu’ils avaient été supprimés ; que, constatant que les ouvrages étaient demeurés en place et n’ayant pas obtenu leur enlèvement, Mme B a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de confirmer le caractère irrégulier de leur implantation et d’ordonner à ERDF de procéder à leur enlèvement ; que, par l’arrêt attaqué du 1er septembre 2009, la cour administrative d’appel de Bordeaux a confirmé le jugement du tribunal administratif rejetant sa demande ;

Considérant que la cour a méconnu la portée de la demande que Mme B avait soumise aux premiers juges en estimant qu’elle n’avait pas présenté de conclusions tendant au constat de l’irrégularité de l’implantation des ouvrages en cause et à ce que soient ordonnées les mesures d’exécution consécutives sur le fondement de l’article L. 911-1 du code de justice administrative, quand bien même la requérante n’avait pas expressément mentionné cet article ; que, dés lors, sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, Mme B est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué ;

Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de régler l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Considérant qu’il résulte de ce qui vient d’être dit que Mme B est fondée à soutenir que c’est à tort que, par son jugement du 2 janvier 2008, le tribunal administratif de Bordeaux, compétent pour constater une emprise irrégulière et statuer sur la demande d’injonction consécutive, a rejeté sa demande comme irrecevable au motif que ses conclusions ne se rattachaient à aucun des pouvoirs d’injonction conférés au juge administratif ;

Considérant qu’il y a lieu d’évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Bordeaux ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction, notamment d’un constat d’huissier du 26 septembre 2011, que demeurent irrégulièrement implantés sur la propriété de Mme B, d’une part, le socle d’un ancien transformateur et deux poteaux de distribution électrique, actuellement inutilisés, et, d’autre part, quatre poteaux qui participent à la distribution d’électricité dans le secteur ; que la société ERDF reconnaît le maintien d’une emprise irrégulière, soutenant seulement, d’une part, que Mme B aurait refusé de laisser pénétrer ses agents sur les parcelles concernées pour procéder à leur enlèvement – allégation contestée par l’intéressée – et, d’autre part, que la réalisation des travaux de déplacement des ouvrages en service serait de nature à provoquer des inconvénients non négligeables pour l’ensemble du voisinage ; que dans ces conditions, s’agissant du socle d’un transformateur et des deux poteaux électriques non utilisés actuellement pour la distribution électrique, il y a lieu d’enjoindre à ERDF de procéder à leur enlèvement dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision, Mme B devant laisser la société pénétrer à cette fin sur sa propriété, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ; que s’agissant des quatre autres poteaux, il y a lieu d’enjoindre à ERDF qui, ainsi qu’il vient d’être dit, a seulement fait état des inconvénients qui pourraient résulter pour le voisinage de leur déplacement, sans justifier ni même invoquer un risque d’interruption du service public ou tout autre motif d’intérêt général susceptible de faire obstacle à une modification de l’implantation de ces poteaux, de procéder à leur enlèvement dans les mêmes conditions que pour les ouvrages actuellement inutilisés, dans le délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par la société ERDF à ce titre soit mise à la charge de Mme B ; qu’il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de cette société une somme de 5 000 euros à verser à Mme B au titre des mêmes dispositions, pour l’ensemble de la procédure ;

D E C I D E :
————–
Article 1er : L’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 1er septembre 2009 et le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 janvier 2008 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la société Electricité réseaux distribution de France d’enlever, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, le socle d’un transformateur précédemment retiré et deux poteaux de distribution électrique, situés sur la propriété de Mme B et actuellement inutilisés, cette dernière devant laisser la société pénétrer à cette fin sur sa propriété.
Article 3 : Il est enjoint à la société Electricité réseaux distribution de France d’enlever, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de la présente décision et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, les quatre autres poteaux de distribution électrique situés sur la propriété de Mme B, cette dernière devant laisser la société pénétrer à cette fin sur sa propriété.
Article 4 : La société Electricité réseaux distribution de France versera à Mme B une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la société Electricité réseaux distribution de France tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mme Claudine A, épouse B et à la société Electricité réseaux distribution de France.

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