Références
Conseil d’État
N° 341534
ECLI:FR:CESSR:2012:341534.20120606
Inédit au recueil Lebon
1ère et 6ème sous-sections réunies
M. Jacques Arrighi de Casanova, président
M. Pascal Trouilly, rapporteur
Mme Claire Landais, rapporteur public
BLONDEL ; SCP GASCHIGNARD, avocat
lecture du mercredi 6 juin 2012
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 13 juillet et 14 octobre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, présentés pour la COMMUNE DE MURVIEL-LES-MONTPELLIER, représentée par son maire ; la commune requérante demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler l’arrêt n° 08MA01927 du 7 mai 2010 par lequel la cour administrative d’appel de Marseille, après avoir annulé le jugement n° 0500568 – 0500569 du 31 janvier 2008 du tribunal administratif de Montpellier, a annulé pour excès de pouvoir, à la demande de Mme Paule A et de M. Philippe B, la décision du 9 septembre 2004 par laquelle le maire de la commune a exercé le droit de préemption sur les parcelles cadastrées section A n° 1432 et 151 ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de Mme A et de M. B le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l’urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
– les observations de la SCP Gaschignard, avocat de la COMMUNE DE MURVIEL-LES-MONTPELLIER et de Me Blondel, avocat de Mme A et de M. B,
– les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Gaschignard, avocat de la COMMUNE DE MURVIEL-LES-MONTPELLIER et à Me Blondel, avocat de Mme A et de M. B ;
Considérant que, par l’arrêt attaqué du 7 mai 2010, la cour administrative d’appel de Marseille a annulé pour excès de pouvoir la décision du 9 décembre 2004 du maire de Murviel-lès-Montpellier exerçant le droit de préemption urbain sur deux parcelles correspondant à une maison d’habitation de 80 m² ainsi qu’à son jardin de 1 300 m² environ, afin d’y créer deux logements sociaux, des places de stationnement et un espace vert ouvert au public ; que la cour a estimé, d’une part, que la commune ne justifiait pas de la réalité des projets de création de places de stationnement et d’un espace vert ouvert au public, d’autre part, qu’eu égard à l’inadéquation entre le prix retenu par la commune, soit 215 000 euros, et la destination envisagée, la décision de préemption ne pouvait être regardée comme traduisant la mise en oeuvre des objectifs de création de logements sociaux fixés par le plan local d’habitat de la communauté d’agglomération de Montpellier ; qu’elle en a déduit que la décision de préemption méconnaissait les dispositions des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l’urbanisme ;
Sur la régularité de l’arrêt :
Considérant, en premier lieu, que contrairement à ce que soutient la commune, il ne saurait être déduit de la mention de l’arrêt » délibéré après l’audience publique du 23 avril 2010 » que la cour, dont l’arrêt a été lu le 7 mai 2010, n’aurait pas pris en compte deux notes en délibéré produites les 26 et 29 avril 2010, qu’elle a d’ailleurs visées ; que, par ailleurs, il n’existe aucune contradiction entre la mention précitée et la date de lecture de l’arrêt ;
Considérant, en second lieu, qu’il ressort des écritures des parties présentées devant la cour que le moyen tiré de ce que la décision de préemption ne pouvait être regardée comme prise pour la mise en oeuvre des objectifs fixés par le plan local d’habitat a été soulevé par Mme A et M. B ; que si, pour retenir comme fondé ce moyen, la cour a relevé que le montant élevé du prix d’achat révélait que la décision attaquée ne pouvait trouver sa justification dans la mise en oeuvre de cette politique, elle ne saurait être regardée comme ayant, ce faisant, relevé d’office un moyen tiré du caractère excessif de ce prix ; que le moyen tiré de ce que l’arrêt serait irrégulier, faute pour la cour d’avoir informé les parties de ce qu’elle était susceptible de se fonder sur ce moyen, ne peut donc qu’être écarté ;
Sur le bien-fondé de l’arrêt :
Considérant qu’il résulte des dispositions de l’article L. 210-1 du code de l’urbanisme que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d’une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l’exercent, de la réalité d’un projet d’action ou d’opération d’aménagement répondant aux objets mentionnés à l’article L. 300-1 du code de l’urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n’auraient pas été définies à cette date et, d’autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;
Considérant que la cour a estimé que, compte tenu de l’inadéquation entre le prix élevé de l’acquisition des parcelles et la création de deux logements sociaux invoquée par la commune, la décision de préemption ne pouvait être regardée comme traduisant la mise en oeuvre de ce projet ; qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait relevé que la commune justifiait, à la date de la décision de préemption, d’un projet de création de logements sociaux, la cour a commis une erreur de droit ;
Considérant toutefois que la cour a également relevé, s’agissant des projets de réalisation de places de stationnement et d’un espace vert ouvert au public, qu’ils n’avaient pas été discutés préalablement à la décision de préemption et qu’il ne ressortait d’aucune pièce du dossier qu’un projet portant sur de tels objets existait à la date de cette décision ; qu’elle a pu, sans erreur de droit, déduire de cette appréciation souveraine que la commune ne justifiait pas de la réalité de tels projets à la date de la décision de préemption ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le motif tiré de l’absence de justification par la commune de la réalité, à la date de la décision de préemption, des projets de création de places de stationnement et d’un espace vert ouvert au public justifie à lui seul, eu égard au caractère indivisible de cette décision, l’annulation de celle-ci par l’arrêt attaqué ; que, par suite, la COMMUNE DE MURVIEL-LES-MONTPELLIER n’est pas fondée à demander l’annulation de cet arrêt ;
Considérant que les conclusions présentées par la commune au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent en conséquence qu’être rejetées ; qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à sa charge le versement à Mme A et à M. B de la somme globale de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la COMMUNE DE MURVIEL-LES-MONTPELLIER est rejeté.
Article 2 : La COMMUNE DE MURVIEL-LES-MONTPELLIER versera à Mme A et à M. B la somme globale de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MURVIEL-LES-MONTPELLIER, à Mme Paule A et à M. Philippe B.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.