Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. V. B. et autres ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, d’une part, d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur leur demande, présentée au maire de la commune de Saint-Pierre-d’Alvey le 4 avril 2016, tendant à ce que soit enlevée du domaine communal une statue de la Vierge et, d’autre part, d’enjoindre au maire de Saint-Pierre-d’Alvey de procéder au déplacement de la statue.
Par un jugement n° 1603908 du 3 octobre 2019, ce tribunal a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 novembre 2019 et 12 mars 2021, M. V. B., Mme M. R., M. G. C., Mme S. M., M. P. M. et M. M. M., représentés par Me Landot, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d’annuler ce jugement et la décision de rejet implicite du maire ;
2°) d’enjoindre au maire de Saint-Pierre-d’Alvey de procéder à l’enlèvement de la statue érigée au lieu-dit Mont-Châtel sur le territoire de la commune ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre-d’Alvey la somme de 3 000 € à verser à chacun au titre des frais du litige.
Ils soutiennent que :
– la croix du site du Mont-Châtel n’est pas un édifice cultuel ni une dépendance de l’église de la commune mais un emblème religieux distinct, implanté sur un emplacement public avant 1905 ;
– l’érection en 2014 d’une statue de la Vierge, symbole religieux manifeste, sur cet emplacement, méconnaît l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 ;
– subsidiairement, cet emplacement ne relève pas des exceptions limitativement énumérées par cet article et est situé dans une zone naturelle inconstructible.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 mars 2020, la commune de Saint-Pierre-d’Alvey, représentée par Me Lebeau, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 € soit mise à la charge des appelants au titre des frais du litige.
Elle fait valoir que la parcelle du site du Mont-Châtel sur laquelle est érigée la statue de la Vierge constitue une dépendance fonctionnellement indissociable de l’église.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat ;
– le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;
Après avoir entendu au cours de l’audience publique :
– le rapport de Mme Michel,
– les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
– et les observations de Me Horeau, représentant M. B. et autres, et celles de Me Derro, représentant la commune de Saint-Pierre-d’Alvey ;
Et avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 1er avril 2021 présentée pour la commune de Saint-Pierre-d’Alvey.
Considérant ce qui suit :
1. M. B. et autres ont demandé par un courrier adressé au maire de la commune de Saint-Pierre-d’Alvey (Savoie), reçu le 4 avril 2016, de libérer le domaine communal situé au lieu-dit Mont-Châtel de la statue de la Vierge d’une hauteur totale de 3,6 mètres installée sur une parcelle propriété de la commune et d’enjoindre au maire de Saint-Pierre-d’Alvey de procéder à l’enlèvement de cette statue. Par un jugement du 3 octobre 2019 dont ils relèvent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet qui leur a été opposée.
2. Aux termes de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l’Etat : « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires ainsi que des musées ou expositions. » Ces dispositions, qui ont pour objet d’assurer la neutralité des personnes publiques à l’égard des cultes, s’opposent à l’installation par celles-ci, ou à ce qu’elles autorisent le maintien, dans un emplacement public, d’un signe ou emblème manifestant la reconnaissance d’un culte ou marquant une préférence religieuse, sous réserve des exceptions qu’elles ménagent.
3. Il ressort des pièces du dossier que la statue de la Vierge mentionnée au point 1 a été réalisée en 2014, à l’initiative de personnes privées qui ont financé cette opération puis l’ont érigée sur la parcelle cadastrée section OA n° 2 située au sommet du Mont-Châtel et propriété de la commune de Saint-Pierre-d’Alvey. Cette statue présente un indéniable caractère religieux. Par suite, son installation sur un emplacement public autre que ceux limitativement prévus par l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905 précité méconnaît ces dispositions, sans que la commune soit fondée à se prévaloir de ce que, depuis le XVIIIe siècle, des processions partant de l’église convergent traditionnellement à l’occasion des cérémonies de la Pentecôte vers une ancienne croix romaine implantée sur cette même parcelle section OA n° 2 qui ne saurait être considérée pour cette unique raison comme l’a jugé à tort le tribunal, comme constitutive d’une dépendance indissociable et affectée de ce fait au culte de l’église de Saint-Pierre-d’Alvey, distante de cet espace naturel de deux kilomètres environ.
4. Il résulte de ce qui précède que le refus implicite contesté du maire de la commune de Saint-Pierre-d’Alvey de retirer la statue de la Vierge doit être annulé. M. B. et autres sont fondés à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande. Il y a donc lieu d’enjoindre au maire de la commune de faire procéder à l’enlèvement de la statue. Dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de laisser à la charge des appelants les frais qu’ils ont exposés au titre du litige.
Décide :
Article 1er : La décision du maire de la commune de Saint-Pierre-d’Alvey refusant de procéder à l’enlèvement de la statue de la Vierge installée sur la parcelle AO n° 2 est annulée.
Article 2 : Le jugement n° 1603908 du tribunal administratif de Grenoble du 3 octobre 2019 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au maire de la commune de Saint-Pierre-d’Alvey de procéder à l’enlèvement de la statue de la Vierge présente sur la parcelle AO n° 2.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. B. et autres au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. V. B., en sa qualité de représentant unique, et à la commune de Saint-Pierre-d’Alvey.