Arrêt rendu par Conseil d’Etat
29-06-2020
n°425514
Texte intégral :
Vu la procédure suivante :
La société anonyme (SA) Orange France a demandé au tribunal administratif de Lyon, d’une part, d’annuler la décision du 10 octobre 2012 par laquelle le président de la communauté urbaine de Lyon a rejeté sa demande tendant à l’abrogation des alinéas 2 et 4 de l’article 1.8.1 du règlement de voirie approuvé le 25 juin 2012 et, d’autre part, d’enjoindre à la communauté urbaine de Lyon d’abroger ces dispositions dans un délai de deux mois sous astreinte de 1 500 € par jour de retard. Par un jugement n° 1207771 du 26 avril 2016, ce tribunal a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16LY02156 du 20 septembre 2018, la cour administrative d’appel de Lyon, après avoir annulé ce jugement en tant qu’il a statué sur les dispositions du 2e alinéa de l’article 1.8.1 du règlement de voirie et évoqué l’affaire dans cette mesure, a rejeté la demande d’annulation de ces dispositions présentées par la société Orange France et rejeté le surplus des conclusions de l’appel formé par la société Orange France contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 20 novembre 2018, 21 février 2019 et 17 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Orange France demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt ;
2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code de l’environnement ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code des postes et des communications électroniques ;
– le code de la voirie routière ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,
– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Orange et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la Métropole de Lyon ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 22 juin 2020, présentée par la société Orange France ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil communautaire de la communauté urbaine de Lyon a, par une délibération du 25 juin 2012, adopté un règlement de voirie applicable à compter du 1er octobre suivant. La société France Télécom a, par un courrier du 8 août 2012, sollicité l’abrogation des alinéas 2 et 4 de l’article 1.8.1 de ce règlement. La société Orange France, venant aux droits de la société France Télécom, a demandé au tribunal administratif de Lyon l’annulation de la décision de refus qu’il lui a été opposée et qu’il soit enjoint à la communauté urbaine de Lyon de procéder à l’abrogation des dispositions en litige. Elle se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 20 septembre 2018 de la cour administrative d’appel de Lyon qui, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 avril 2016 en tant qu’il a statué sur les dispositions du 2e alinéa de l’article 1.8.1 du règlement de voirie et évoqué l’affaire dans cette mesure, a rejeté sa demande d’annulation de ces dispositions et le surplus de ses conclusions d’appel.
2. D’une part, aux termes de l’article L. 113-3 du code de la voirie routière : « Sous réserve des prescriptions prévues à l’article L. 122-3, les exploitants de réseaux de télécommunications ouverts au public les services publics de transport ou de distribution d’électricité ou de gaz et les canalisations de transport d’hydrocarbures ou de produits chimiques déclarées d’utilité publique ou d’intérêt général peuvent occuper le domaine public routier en y installant des ouvrages, dans la mesure où cette occupation n’est pas incompatible avec son affectation à la circulation terrestre […]. » Aux termes de l’article L. 113-4 du même code : « Les travaux exécutés sur la voie publique pour les besoins des services de télécommunications sont soumis aux dispositions des articles L. 46 et L. 47 du code des postes et communications électroniques. » Selon l’article L. 45-9 du code des postes et des communications électroniques, les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d’un droit de passage sur le domaine public routier. En vertu de l’article L. 47 de ce code : « Les exploitants de réseaux ouverts au public peuvent occuper le domaine public routier, en y implantant des ouvrages dans la mesure où cette occupation n’est pas incompatible avec son affectation. / Les travaux nécessaires à l’établissement et à l’entretien des réseaux et de leurs abords sont effectués conformément aux règlements de voirie, et notamment aux dispositions de l’article L. 115-1 du code de la voirie routière. »
3. D’autre part, aux termes de l’article L. 141-11 du code de la voirie routière : « Le conseil municipal détermine, après concertation avec les services ou les personnes intervenant sur le domaine public, les modalités d’exécution des travaux de réfection des voies communales dans lesquelles des tranchées ont été ouvertes. […] » et aux termes de l’article R. 141-14 du même code : « Un règlement de voirie fixe les modalités d’exécution des travaux de remblaiement, de réfection provisoire et de réfection définitive conformément aux normes techniques et aux règles de l’art. Il détermine les conditions dans lesquelles le maire peut décider que certains des travaux de réfection seront exécutés par la commune / Ce règlement est établi par le conseil municipal après avis d’une commission présidée par le maire et comprenant, notamment, des représentants des affectataires, permissionnaires, concessionnaires et autres occupants de droit des voies communales. » Selon l’article L. 141-12 du même code, ces attributions sont exercées par l’établissement public de coopération intercommunale compétent.
Sur les conclusions relatives à l’alinéa 2 de l’article 1.8.1 du règlement de voirie :
4. Aux termes de l’alinéa 2 de l’article 1.8.1 du règlement de voirie de la Métropole de Lyon : « Lors de fouilles générant de grandes quantités de déblais, une réutilisation sur site sera recherchée par l’intervenant qui conduira à ses frais une étude géotechnique. Au vu des résultats de l’étude, le laboratoire de la voirie de la communauté urbaine de Lyon pourra autoriser la réutilisation des matériaux. »
5. En premier lieu, en jugeant que ces dispositions, éclairées par celles de l’article 2.1.4 de l’annexe 2 au règlement, ne créaient aucune obligation pour l’intervenant de réutiliser les matériaux extraits lors de travaux exécutés sous sa maîtrise d’ouvrage et que la réalisation d’une étude géotechnique ne s’impose à lui que lorsqu’il envisage de réutiliser les matériaux qu’il a extraits lors de travaux générant de grandes quantités de déblais, la cour ne s’est pas méprise sur leur portée et n’a pas commis d’erreur de droit.
6. En deuxième lieu, en jugeant que ces dispositions, qui sont relatives aux opérations de remblaiement et régissent les modalités de contrôle de la Métropole sur l’utilisation de son domaine public routier en lui permettant d’identifier la nature et la consistance des déblais au regard des normes en vigueur et de s’assurer notamment de l’absence de risque d’affaissement en cas de réemploi de déblais d’excavations, relèvent du règlement de voirie prévu par les dispositions précitées des articles L. 141-11 et R. 141-14 du code de la voirie routière, dès lors qu’elles sont relatives à la conservation du domaine public routier et visent à garantir un usage conforme à sa destination, la cour, qui ne s’est pas méprise sur leur portée, n’a pas, alors même qu’elles auraient été adoptées pour des motifs liés au développement durable, commis d’erreur de droit.
7. En troisième lieu, la cour n’a pas davantage commis d’erreur de droit en jugeant que les obligations mises à la charge de l’intervenant par les dispositions litigieuses du règlement de voirie ont pour objet la conservation du domaine public routier et ne portent pas une atteinte illégale au droit de passage sur ce domaine reconnu aux exploitants de réseaux ouverts au public par les articles L. 45-9 et L. 47 du code des postes et des communications électroniques.
Sur les conclusions relatives à l’alinéa 4 de l’article 1.8.1 du règlement de voirie :
8. Aux termes de l’alinéa 4 de l’article 1.8.1 du règlement de voirie de la Métropole de Lyon : « Si à l’occasion d’une fouille réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de l’intervenant, pour les besoins de travaux conduits sous sa maîtrise d’ouvrage, celui-ci découvre des sols pollués chimiquement ou biologiquement, la gestion des déblais issus de l’excavation du sol sera à la charge de l’intervenant. Il devra procéder à l’identification de la nature et du niveau de pollution de ces déblais préalablement à leur traitement dans un centre d’enfouissement ou de traitement agréé. La charge financière de ces actions sera supportée par l’intervenant. »
9. En premier lieu, en jugeant que ces dispositions n’imposent pas, par elles-mêmes, aux intervenants une obligation de cartographier les parties du domaine public routier de la Métropole de Lyon dans lesquelles la présence d’amiante dans les sols a été constatée, la cour ne s’est pas méprise sur leur portée et n’a pas commis d’erreur de droit.
10. En deuxième lieu, en jugeant que les dispositions en litige, qui sont relatives à l’exécution des travaux réalisés sur le domaine public routier par les intervenants, sous leur maîtrise d’ouvrage, en vue d’accéder aux réseaux souterrains qu’ils exploitent, relèvent, alors même qu’elles ne font que rappeler des obligations qui leur sont prescrites par les lois et règlements applicables en matière d’amiante et qui sont destinées à assurer la protection des travailleurs et la préservation de l’environnement, du règlement de voirie prévu par les dispositions précitées des articles L. 141-11 et R. 141-14 du code de la voirie routière et ne portent pas une atteinte illégale au droit de passage de la société Orange France sur le domaine public routier de la Métropole de Lyon, la cour, qui n’a pas entaché son arrêt de contradiction de motifs, n’a pas commis d’erreur de droit.
11. En troisième lieu, aux termes de l’article L. 541-1-1 du code de l’environnement : « Au sens du présent chapitre, on entend par : / Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ; / […] Producteur de déchets : toute personne dont l’activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; / Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets […]. » Aux termes de l’article L. 541-4-1 du même code : « Ne sont pas soumis aux dispositions du présent chapitre : / – les sols non excavés, y compris les sols pollués non excavés et les bâtiments reliés aux sols de manière permanente […]. »
12. Les déblais résultant de travaux réalisés sur la voie publique constituent des déchets au sens des dispositions précitées et les intervenants sous la maîtrise d’ouvrage desquels ces travaux sont réalisés doivent être regardés comme les producteurs de ces déchets. La circonstance que la voie publique comporte, indépendamment de la réalisation de travaux, des fibres d’amiante ne saurait faire obstacle à l’application de ces dispositions. Ainsi, en jugeant que la société Orange France n’était pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait à tort fait application, pour rejeter sa requête, des dispositions relatives aux déchets et non de celles, qu’elle invoquait, relatives aux sites et sols pollués et que, lorsqu’elle réalise ou fait réaliser pour son compte des travaux sur la voirie de la Métropole de Lyon, la société Orange France a la qualité de producteur de déchets, la circonstance que la voirie comporte de l’amiante et qu’ainsi le risque pour la santé ou l’environnement préexiste aux travaux étant à cet égard sans incidence, la cour n’a pas commis d’erreur de droit dans l’application de l’article L. 541-1-1 précité du code de l’environnement. De même, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a pu juger sans erreur de droit que l’élimination des déchets mise à la charge des intervenants réalisant des travaux sur la voirie n’aboutissait pas à une cession d’amiante entre la Métropole et ces intervenants, prohibée par la réglementation applicable.
13. En outre, si les dispositions du code de l’environnement en matière de déchets confèrent de larges pouvoirs de police au maire, elles ne font pas obstacle à ce que les communes ou, le cas échéant, les établissements publics de coopération intercommunale compétents exercent les compétences qu’ils tiennent des dispositions du code de la voirie routière citées au point 3 pour adopter un règlement de voirie, qui a pour objet la réalisation des travaux sur cette voirie. Par suite, la cour n’a, contrairement à ce que soutient la société Orange France, pas commis d’erreur de droit en ne relevant pas d’office un moyen tiré de ce que le conseil communautaire de la communauté urbaine de Lyon n’était pas compétent pour adopter les dispositions en litige du règlement de voirie, alors même qu’elles portent sur des déchets.
14. La cour n’a pas non plus commis d’erreur de droit en jugeant que les dispositions précitées du code de l’environnement relatives aux déchets sont applicables lorsque, pour se conformer à ses obligations légales, l’intervenant réalise un diagnostic environnemental préalablement aux opérations de fouilles sur la voirie – laquelle ne peut être regardée comme constituant, pour cet intervenant, un sol non excavé au sens de l’article L. 541-4-1 précité du code de l’environnement – dans la mesure où ce diagnostic est réalisé pour les besoins de ses travaux générant des déchets.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Orange France n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.
16. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la Métropole de Lyon, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Orange France une somme de 3 000 € à verser à la Métropole de Lyon à ce titre.
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de la société Orange France est rejeté.
Article 2 : La société Orange France versera une somme de 3 000 € à la Métropole de Lyon au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Orange France et à Métropole de Lyon.