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Domaine public routier / non routier : quels sont les droits des opérateurs de télécommunication selon les cas ?

Conseil d’État

N° 430972   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
8ème – 3ème chambres réunies
M. Laurent Domingo, rapporteur
M. Romain Victor, rapporteur public
SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP DE NERVO, POUPET, avocats

lecture du mercredi 27 mai 2020

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Orange a demandé au tribunal administratif de Rennes d’annuler pour excès de pouvoir la délibération du 3 février 2015 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération a fixé les conditions d’installation des antennes de téléphonie mobile sur les réservoirs de stockage d’eau potable. Par un jugement n° 501583 du 27 octobre 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NT03964 du 26 mars 2019, la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel formé par la société Orange contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 mai et 25 juillet 2019 et le 17 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société Orange demande au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) réglant l’affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération la somme de 4 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code des postes et communications électroniques ;
– le code de justice administrative et l’ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de M. Laurent Domingo, maître des requêtes,

– les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de la société Orange et à la SCP de Nervo, Poupet, avocat de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 15 mai 2020, présentée par la société Orange ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 3 février 2015, le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération a fixé les conditions d’installation des antennes de téléphonie mobile sur les réservoirs de stockage d’eau potable situés dans l’agglomération. La société Orange se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 26 mars 2019 par lequel la cour administrative d’appel de Nantes a rejeté l’appel qu’elle avait formé contre le jugement du 27 octobre 2017 du tribunal administratif de Rennes ayant rejeté sa demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette délibération.

2. Aux termes de l’article L. 45-9 du code des postes et communications électroniques :  » Les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d’un droit de passage, sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l’exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, et de servitudes sur les propriétés privées mentionnées à l’article L. 48, dans les conditions indiquées ci-après. / Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier peuvent autoriser les exploitants de réseaux ouverts au public à occuper ce domaine, dans les conditions indiquées ci-après. / L’occupation du domaine public routier ou non routier peut donner lieu au versement de redevances aux conditions prévues aux articles L. 46 et L. 47. / Le prix facturé pour l’occupation ou la vente de tout ou partie de fourreaux reflète les coûts de construction et d’entretien de ceux-ci. / L’installation des infrastructures et des équipements doit être réalisée dans le respect de l’environnement et de la qualité esthétique des lieux, et dans les conditions les moins dommageables pour les propriétés privées et le domaine public « . Aux termes de l’article L. 46 du même code :  » Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier, lorsqu’elles donnent accès à des exploitants de réseaux de communications électroniques, doivent le faire sous la forme de convention, dans des conditions transparentes et non discriminatoires et dans toute la mesure où cette occupation n’est pas incompatible avec son affectation ou avec les capacités disponibles. La convention donnant accès au domaine public non routier ne peut contenir de dispositions relatives aux conditions commerciales de l’exploitation. Elle peut donner lieu à versement de redevances dues à l’autorité concessionnaire ou gestionnaire du domaine public concerné dans le respect du principe d’égalité entre les opérateurs. Ces redevances sont raisonnables et proportionnées à l’usage du domaine. / Les autorités concessionnaires ou gestionnaires du domaine public non routier se prononcent dans un délai de deux mois suivant la demande faite par l’exploitant. / Un décret en Conseil d’Etat détermine le montant maximum des redevances assorties à l’occupation du domaine public non routier « . Selon l’article R. 20-51 de ce code, pris pour l’application de ces dispositions :  » Le montant des redevances tient compte de la durée de l’occupation, de la valeur locative de l’emplacement occupé et des avantages matériels, économiques, juridiques et opérationnels qu’en tire le permissionnaire (…) « . L’article R. 20-52 ne fixe pas de montant maximum pour les stations radioélectriques.

3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que si les exploitants de réseaux ouverts au public bénéficient d’un droit de passage sur le domaine public routier et dans les réseaux publics relevant du domaine public routier et non routier, à l’exception des réseaux et infrastructures de communications électroniques, les autorités gestionnaires du domaine public non routier ont seulement la faculté, et non l’obligation, d’y autoriser l’installation des équipements des opérateurs de communications électroniques, dans le respect des prérogatives qu’elles tiennent de leur qualité de gestionnaire de ce domaine. Par suite, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le conseil communautaire de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération avait légalement pu décider, par la délibération en litige, de ne pas renouveler, à leur échéance, les conventions en vertu desquelles était autorisée l’occupation des réservoirs de stockage d’eau potable par des antennes de téléphonie mobile, alors même que le motif de ce refus ne serait pas tiré de l’incompatibilité de cette occupation avec l’affectation de ces dépendances domaniales ou avec les capacités disponibles, mais de la volonté de conclure de nouvelles conventions d’occupation tenant compte des conditions techniques et financières nouvelles prévues par cette délibération.

4. En deuxième lieu, il ressort de la délibération en litige qu’elle a fixé le tarif applicable à compter du 1er janvier 2015 pour l’occupation d’un réservoir de stockage d’eau potable par une antenne de téléphonie mobile à 10 000 euros pour un opérateur économique dont le chiffre d’affaires annuel consolidé du groupe auquel il appartient est supérieur à 5 millions d’euros et à 1 500 euros pour un opérateur économique dont le chiffre d’affaires annuel consolidé du groupe auquel il appartient est inférieur à 5 millions d’euros, l’occupation étant gratuite pour les opérateurs de sécurité et de secours. En jugeant que le tarif applicable à l’identique aux quatre principaux opérateurs nationaux de téléphonie mobile, distinct de ceux applicables aux autres opérateurs identifiés par la délibération, permettait de prendre en compte les avantages économiques qui leur sont procurés par l’occupation du domaine public, pour en déduire que cette délibération avait légalement pu se fonder sur le chiffre d’affaires consolidé pour déterminer les niveaux de tarifs applicables, indépendamment de l’importance de la population couverte par l’antenne en cause, la cour administrative d’appel n’a pas commis d’erreur de droit. En jugeant que le tarif de 10 000 euros applicable à la société Orange n’était pas manifestement disproportionné au regard des avantages de toute nature que cette société retire de l’installation de ses antennes sur les équipements de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération et en écartant comme sans incidence à cet égard l’ampleur de l’écart entre les tarifs issus de la délibération et ceux prévus par les conventions d’occupation en cours d’exécution, la cour n’a pas commis d’erreur de droit et s’est livrée, sans dénaturation des pièces du dossier, à une appréciation souveraine des faits de l’espèce.

5. En troisième lieu, en jugeant que la société Orange, compte tenu des avantages qu’elle retire de l’installation de ses antennes de téléphonie mobile sur le domaine public non routier de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération pour l’exercice de son activité principale relative aux appels courants, ne pouvait être regardée, alors même qu’elle se prévaut de participer à une mission de service public par la couverture du territoire national en service de téléphonie mobile et que les opérateurs de téléphonie mobile assurent la prise en charge d’appels d’urgence, comme étant dans la même situation que des opérateurs de sécurité et de secours, de sorte que la délibération avait pu sans méconnaître le principe d’égalité la soumettre à des conditions tarifaires différentes de celles prévues pour ces opérateurs, la cour, qui a suffisamment motivé son arrêt, n’a pas commis d’erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Orange n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêt qu’elle attaque.

7. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté d’agglomération Lorient Agglomération, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Orange une somme de 3 000 euros à verser à la communauté d’agglomération Lorient Agglomération à ce titre.

D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la société Orange est rejeté.
Article 2 : La société Orange versera une somme de 3 000 euros à la communauté d’agglomération Lorient Agglomération au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Orange et à la communauté d’agglomération Lorient Agglomération.

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