Vu la procédure suivante :Mme C. A. et M. B. D. ont demandé au tribunal administratif de Pau, d’une part, de résilier ou d’annuler le contrat de bail emphytéotique portant sur les murs et dépendances de l’hôtel du Palais signé entre la commune de Biarritz et la société Socomix, d’autre part, d’annuler les délibérations des 30 juillet et 15 octobre 2018 par lesquelles le conseil municipal a, respectivement, approuvé la signature de ce contrat de bail emphytéotique, approuvé le traité d’apport du fonds de commerce de l’hôtel du Palais à la société Socomix, approuvé l’entrée au capital de cette société de la société DF collection, approuvé le pacte d’actionnaires devant être conclu entre la société Socomix, la société DF collection et sa société mère, la société JC Decaux, approuvé la modification des statuts de la société Socomix, approuvé la convention de louage de biens meubles corporels avec la société Socomix et le projet de convention de subordination prévu avec les banques qui sont créanciers privilégiés. Par un jugement n° s 1802286,1802295,1802785 du 5 juillet 2019, le tribunal administratif de Pau a rejeté ces demandes.
Par un arrêt n° s 19BX03590, 19BX03620 du 2 novembre 2021, la cour administrative d’appel de Bordeaux a rejeté les appels formés par Mme A. et M. D. contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés les 3 janvier, 4 avril et 3 octobre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. D. demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler cet arrêt en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 30 juillet 2018 approuvant la conclusion du bail emphytéotique ;
2°) de renvoyer l’affaire à la cour administrative d’appel de Bordeaux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Biarritz et de la société Socomix la somme de 5 000 € au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ;
– la directive 2006/123/CE du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2006 ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code général de la propriété des personnes publiques ;
– le code rural et de la pêche maritime ;
– l’ordonnance n° 2017-562 du 19 avril 2017 ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. François Lelièvre, maître des requêtes,
– les conclusions de Mme Cécile Raquin, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de M. D. et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Socomix et de la commune de Biarritz ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que l’hôtel du Palais, situé à Biarritz, a été acquis par cette commune en 1956. Aux termes de deux baux commerciaux portant respectivement sur les murs et sur le fonds de commerce, elle en a confié l’exploitation d’abord à la société Sobadex puis, à compter de l’année 1961, à la société d’économie mixte Socomix, dont elle possédait, jusqu’au 15 octobre 2018, 68 % des actions. Par une délibération du 30 juillet 2018, le conseil municipal de Biarritz a autorisé le maire de la commune à signer avec la société Socomix un bail emphytéotique d’une durée de soixante-quinze ans portant sur les murs et dépendances de l’hôtel du Palais. Par quatre délibérations du 15 octobre 2018, le conseil municipal a également approuvé le traité d’apport du fonds de commerce de l’hôtel du Palais à la société Socomix, approuvé l’entrée au capital de cette société de la société DF collection, approuvé le pacte d’actionnaires devant être conclu entre la société Socomix, la société DF collection et sa société mère, la société JC Decaux, et approuvé la modification des statuts de la société Socomix. Par un jugement du 5 juillet 2019, le tribunal administratif a rejeté les demandes de Mme A. et de M. A., conseillers municipaux de Biarritz, tendant à l’annulation de ces délibérations. M. D. se pourvoit en cassation contre l’arrêt du 2 novembre 2021 de la cour administrative de Bordeaux en tant qu’il a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la délibération du 30 juillet 2018 approuvant la conclusion du bail emphytéotique.
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : « Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. » L’article L. 2121-13 du même code précise que : « Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération. » Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l’importance des affaires, doit permettre aux intéressés d’appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n’impose pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.
3. Il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué, dont il n’est pas soutenu qu’elles seraient entachées de dénaturation sur ce point, d’une part, que la convocation à la séance du conseil municipal du 30 juillet 2018 était accompagnée de l’avis du service des domaines concernant le montant du loyer annuel correspondant à ce bail ainsi que d’une note explicative très détaillée, portant sur les éléments essentiels du bail concerné et, d’autre part, que l’ensemble des membres du conseil municipal avait été invité à participer à une réunion d’information qui s’est tenue le 18 juillet 2018, en présence des représentants de la société Socomix, et qui portait précisément sur le descriptif du programme de rénovation de l‘hôtel, sur le financement envisagé de celui-ci, sur la présentation du contrat de gestion entre la Socomix et le groupe hôtelier pressenti pour participer à l’exploitation et sur la présentation du projet de bail emphytéotique. C’est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que la cour en a déduit que les conseillers municipaux avaient été suffisamment informés sur ce bail et sur les motifs pour lesquels sa signature devait intervenir préalablement aux autres éléments de l’opération.
4. En deuxième lieu, aux termes de l’article 4 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur, dont le délai de transposition s’achevait le 28 décembre 2009 : « Aux fins de la présente directive, on entend par: / […] 6) « régime d’autorisation », toute procédure qui a pour effet d’obliger un prestataire ou un destinataire à faire une démarche auprès d’une autorité compétente en vue d’obtenir un acte formel ou une décision implicite relative à l’accès à une activité de service ou à son exercice ; / […] 9) « autorité compétente », tout organe ou toute instance ayant, dans un Etat membre, un rôle de contrôle ou de réglementation des activités de service […]. » Et selon le 1 de son article 12 : « Lorsque le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles ou des capacités techniques utilisables, les Etats membres appliquent une procédure de sélection entre les candidats potentiels qui prévoit toutes les garanties d’impartialité et de transparence, notamment la publicité adéquate de l’ouverture de la procédure, de son déroulement et de sa clôture. »
5. Aux termes de l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques, issu de l’article 3 de l’ordonnance du 19 avril 2017 : « Sauf dispositions législatives contraires, lorsque le titre mentionné à l’article L. 2122-1 permet à son titulaire d’occuper ou d’utiliser le domaine public en vue d’une exploitation économique, l’autorité compétente organise librement une procédure de sélection préalable présentant toutes les garanties d’impartialité et de transparence, et comportant des mesures de publicité permettant aux candidats potentiels de se manifester. / Lorsque l’occupation ou l’utilisation autorisée est de courte durée ou que le nombre d’autorisations disponibles pour l’exercice de l’activité économique projetée n’est pas limité, l’autorité compétente n’est tenue que de procéder à une publicité préalable à la délivrance du titre, de nature à permettre la manifestation d’un intérêt pertinent et à informer les candidats potentiels sur les conditions générales d’attribution. »
6. Tout justiciable peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, des dispositions précises et inconditionnelles d’une directive, lorsque l’Etat n’a pas pris, dans les délais impartis par celle-ci, les mesures de transposition nécessaires. Si les dispositions de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006, transposées à l’article L. 2122-1-1 du code général de la propriété des personnes publiques cité ci-dessus, impliquent des obligations de publicité et mise en concurrence préalablement à la délivrance d’autorisations d’occupation du domaine public permettant l’exercice d’une activité économique, ainsi que l’a jugé la Cour de justice de l’Union européenne par son arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa Srl (C-458/14 et C-67/15), il ne résulte ni des termes de cette directive ni de la jurisprudence de la Cour de justice que de telles obligations s’appliqueraient aux personnes publiques préalablement à la conclusion de baux portant sur des biens appartenant à leur domaine privé, qui ne constituent pas une autorisation pour l’accès à une activité de service ou à son exercice au sens du 6) de l’article 4 de cette même directive. Il suit de là qu’en n’imposant pas d’obligations de publicité et mise en concurrence à cette catégorie d’actes, l’Etat ne saurait être regardé comme n’ayant pas pris les mesures de transposition nécessaires de l’article 12 de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006. Par suite, en écartant comme inopérant le moyen tiré de ce que la conclusion du bail en litige méconnaîtrait cette directive, la cour administrative d’appel de Bordeaux, qui n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce, n’a pas commis d’erreur de droit.
7. En troisième lieu, la cour n’ayant relevé qu’à titre surabondant que le bail ne portait pas sur l’utilisation de ressources naturelles ou de capacités techniques rares, les moyens tirés de ce qu’en statuant ainsi, la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt ou aurait inexactement qualifié les faits, sont inopérants.
8. En dernier lieu, aux termes de l’article 49 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne : « […] les restrictions à la liberté d’établissement des ressortissants d’un Etat membre dans le territoire d’un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s’étend également aux restrictions à la création d’agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d’un Etat membre établis sur le territoire d’un Etat membre. / La liberté d’établissement comporte l’accès aux activités non salariées et leur exercice, et notamment de sociétés au sens de l’article 54, deuxième alinéa, dans les conditions définies par la législation du pays d’établissement pour ses propres ressortissants, sous réserve des dispositions du chapitre relatif aux capitaux ». En écartant le moyen tiré de ce que la conclusion du bail emphytéotique en litige méconnaitrait les stipulations de cet article au motif que ce bail ne porte, par lui-même, aucune atteinte à la liberté d’établissement sur le territoire de la commune de Biarritz, la cour n’a pas commis d’erreur de droit.
9. Il résulte de ce qui précède que M. D. n’est pas fondé à demander l’annulation de l’arrêt qu’il attaque.
10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à ce titre à la charge de la commune de Biarritz et de la SEM Socomix qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. D. une somme au titre des mêmes dispositions.
Décide :
Article 1er : Le pourvoi de M. D. est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Biarritz et la SEM Socomix au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B. D., à la commune de Biarritz et à la société Socomix.
Copie en sera adressée à la société DF Collection et à la société JC Decaux.