Cas pratique DPU : titulaire, délai, notification, motivationChronologie des événements :
– 11 septembre 1992 dépôt de la DIA à la mairie par Maître xxxx, notaire
– 4 novembre 1992 avis du Service des Domaines
– 12 novembre 1992 délibération du Conseil municipal (décision d’exercer le DP)
– 19 novembre 1992 notification au notaire de la décision de préemption
– 8 décembre 1992 réception à la Sous – préfecture de la délibération Questions :
– La DIA a été signée le 1er octobre 1992.
Comment a t-elle pu être déposée le 11 septembre ?
Existe t-il un avis de dépôt.
Même déposée le 1er octobre 1992, la commune est dans tous les cas hors délai.
Elle a donc renoncé implicitement à préempter
– La lettre adressée par le Maire au propriétaire en date du 19 novembre 1992 précise « je vous ferai parvenir la délibération dès quelle sera rentrée de sous-préfecture ».
Qui est le titulaire du droit de préemption, le Maire ou le conseil municipal ? Pour le savoir, il faudrait disposer de la délibération du conseil municipal conférant au Maire le droit de préemption. (art. L.2122-22 du CGCT). Quelle est la valeur juridique de cette lettre ? Si le Maire est titulaire du droit de préemption, cette lettre a donc valeur de décision. Dans cette hypothèse, a t-elle été notifiée dans les délais, comporte t-elle les mentions nécessaires ?
En l’absence d’une telle délibération, le titulaire du droit de préemption est la commune (L.211-1 al. 2 du Code de l’urbanisme). Dès lors que la commune est titulaire du droit de préemption, c’est le conseil municipal qui a compétence pour exercer ce droit.
Si le conseil municipal est titulaire du droit de préemption, la lettre du Maire est un simple courrier d’information. La question se pose alors de savoir si la décision de préempter, c’est à dire la délibération décidant la préemption, a été notifiée au propriétaire dans les délais et si elle est suffisamment motivée ?
Conclusion :
En toute hypothèse, ni la délibération du conseil municipal, ni la lettre adressée au propriétaire n’est une décision légale de préempter car :
– Les documents sont notifiés hors délai.
– Les documents ne comportent pas les mentions obligatoires.
NOTIFICATION HORS DELAI
– Aucun document n’a été notifié dans le délai de deux mois. A compter de la réception en mairie de la DIA, date figurant sur l’avis de réception postale ou sur le récépissé du dépôt, le bénéficiaire du droit de préemption, même si ce dernier n’est pas la commune, dispose d’un délai de deux mois pour exercer sont droit. Le silence du bénéficiaire durant ce délai vaut renonciation à l’exercice du droit de préemption. (Art. L.213-2 et R.213-7 du Code de l’urbanisme.) (CE 1er décembre 1978, Sieur Elie, req. n°09562) Cette décision implicite a pour effet de purger le droit de préemption sur le bien pour une durée illimitée. (in, Patrick Hocreitère, L’urbanisme et les collectivités territoriales, tome 3, Sofiac, Fascicule 24, févier 2003).
– En cas de renonciation, la vente future devra être réalisée au même prix que celui fixé dans la DIA et sans aucune révision possible conformément aux dispositions du 1er alinéa de l’article L.213-8 du Code de l’urbanisme. Toute modification des termes de la vente, prix, condition, composition du bien, nécessiterait une nouvelle DIA. (En l’espèce, le propriétaire a vendu son bien à un prix inférieur, avait-il déposé une nouvelle DIA ? )
– La décision sera considérée comme notifiée le jour de sa réception par le destinataire (CE 1er déc. 1978, M. Elie, req. n°09562). La préemption doit être notifiée au propriétaire ou à son mandataire, il sera le destinataire de la notification de la décision de préemption même si sur le formulaire de la DIA le nom du destinataire n’a pas été indiqué (Cass. 3ème civ. 30 mars 1994, SA Aibo c/cne de Saint-Ouen). En revanche, lorsque figure sur le formulaire de la DIA que la décision doit être notifiée au propriétaire comme au mandataire, cette double notification doit être effectuée afin de ne pas viciée la procédure. (Cass 3ème civ. 14 mai 1997, M. François Azario c/ Mme Dordérian et Cne de Rives-Sur-Fure).
– Précisions sur la computation du délai de deux mois. Les textes du Code de l’urbanisme ne précisent pas les modalités de computation du délai de deux mois imparti au bénéficiaire pour exercer son droit de préemption.
– L’expiration du délai s’analyse le jour où la décision de préemption est reçue par le vendeur et non celui où la décision est prise (conclusion Arrighi de Casanova commissaire du Gouvernement, CE 16 juin 1993, Petites Affiches, 22 sept. 1994, n°114). C’est l’avis de réception postale qui fait foi et non la date d’envoi d’une lettre avec avis de réception postale (CA Versailles, 18 septembre 1997, Ville de Vaucresson c/Epx Charrier, Petites Affiches, 13 février 1998, p. 21).
– Comme souligné plus haut, la notification d’une décision de préempter au-delà du délai de deux mois doit être analysée comme le retrait d’une décision implicite de renoncer à l’exercice du droit de préemption (TA Orléans, 8 avril 1993, M. Jean-Pierre Jourdain et M. Pascal Loriot, req. n°90420 et 90655). Une notification tardive est privée de tout effet juridique puisqu’elle répond à une offre qui n’existe plus (répertoire du notariat Defrénois, année 1993, art. 35 442, « des pouvoirs du juge judiciaire d’écarter une décision de préemption », Sylvain Pérignon).
– Le délai de deux mois ne peut être prorogé quelque soit le motif invoqué par le bénéficiaire (in, Patrick Hocreitère, L’urbanisme et les collectivités territoriales, tome 3, Sofiac, Fascicule 24, févier 2003).
– Une réponse d’attente du bénéficiaire informant le propriétaire de son intention de préempter un bien ne peut en aucun cas avoir pour effet de reculer la date d’expiration de délai deux mois. La notification de la décision de préempter devra intervenir dans le délai de deux mois, qu’ait pu être la teneur des échanges de courrier entre les deux parties. (in, Patrick Hocreitère, L’urbanisme et les collectivités territoriales, tome 3, Sofiac, Fascicule 24, févier 2003)
ABSENCE DES MENTIONS OBLIGATOIRES
– Aucun document ne contient les mentions obligatoires. La notification doit avoir un contenu le plus précis possible pour éviter les ambiguïtés : la désignation du bien préempté (art. L.210-1 du Code de l’urbanisme), les références de l’acte de décision de préemption, les références de l’acte accordant la délégation de l’exercice du droit de préemption, le prix et les conditions de la vente (CAA Paris, 4 juin 2002, Sté Pierre Industrie, n°98PA03938), les effets de la décision et l’indication des voies de recours (CAA Marseille, 2 mars 2000, Cne de Manosque, n°99MA00308). (in, Patrick Hocreitère, L’urbanisme et les collectivités territoriales, tome 3, Sofiac, Fascicule 24, févier 2003)
– Si les textes n’imposent aucune présentation particulière de la notification de préemption, il s’agit bien souvent d’un simple courrier accompagnant la décision elle-même (la délibération). Ainsi, comme en l’espèce, une simple lettre d’intention de fournissant aucun élément relatif à une décision de préemption, se bornant uniquement à préciser la volonté de la commune d’acquérir les biens concernés, ne satisfait pas aux dispositions de l’article R.213-8 du Code de l’urbanisme. (CAA Nantes, 17 février 1999, Cne de Saint-Arnoult, n°97NT00328). (in, Patrick Hocreitère, L’urbanisme et les collectivités territoriales, tome 3, Sofiac, Fascicule 24, févier 2003)
– La lettre doit être accompagnée de la décision (arrêté ou délibération) motivée de préemption afin de fournir au propriétaire tous les éléments d’information. Dans le cas où l’acte ne serait pas joint, la lettre de notification devrait faire apparaître clairement la motivation de la préemption, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (TA Lille, 30 juillet 1990, SNC la Madeleine, req. n°385). (in, Patrick Hocreitère, L’urbanisme et les collectivités territoriales, tome 3, Sofiac, Fascicule 24, févier 2003)
– Le défaut de motivation entache la décision de préemption d’illégalité. Le Conseil d’Etat considère que c’est l’objet pour lequel le droit est exercé qui doit être précisé (CE 2 décembre 1988, SA d’économie mixte immobilière du nord-est parisien c/ M. Soubié et autres, n°818144). Par ailleurs, la décision de préemption doit préciser l’opération pour la réalisation de laquelle le droit de préemption est exercé sur l’immeuble en cause (CE 20 mars 1991, M. Roucaute, n°103270). La motivation doit reposer sur des éléments de fait justifiant la préemption d’un bien particulier (CE 30 juillet 1997, Cne de Montreuil-sous-Bois, n°157840). La formulation ne doit pas être stéréotypée (CE 30 décembre 1998, Cne de Breuillet, n°160683). La motivation doit avoir un lien avec un projet d’aménagement suffisamment précis (CE 25 juillet 1986, M. Lebouc, n°62539). Le projet doit être antérieur à la décision de préemption (CE 4 février 1994, Cne de Levignac-sur-Save, n°135314). La motivation peut être effectuée par référence à un projet précis (CE 31 mars 1989, Société d’ingénierie et de développement économique et ville d’Arcueil, req. n°88113-89361).