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Carte communale : on peut classer des terrains en zone inconstructible !

Conseil d’État

N° 390113   
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
2ème / 7ème SSR
Mme Sophie-Caroline de Margerie, rapporteur
M. Xavier Domino, rapporteur public
SCP DIDIER, PINET ; SCP VINCENT, OHL, avocats

lecture du vendredi 15 avril 2016

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B…A…et la SCI SM ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg d’annuler pour excès de pouvoir la délibération en date du 16 juillet 2010 par laquelle le conseil municipal de Kemplich a adopté la carte communale de Kemplich et l’arrêté en date du 4 août 2010 par lequel le préfet de la Moselle a approuvé cette carte communale. Par un jugement n° 1003897,1005183 du 28 février 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes.

Par un arrêt n° 14NC00778 du 12 mars 2015, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par M. A…et la SCI SM contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg.

Par un pourvoi sommaire, deux mémoires complémentaires et un mémoire en réplique, enregistrés les 12 mai, 13 août, 10 décembre 2015 et 27 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A…et la SCI SM demandent au Conseil d’Etat :

1°) d’annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat et de la commune de Kemplich le versement chacun de la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de l’urbanisme ;
– la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 ;
– le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

– le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, conseiller d’Etat,

– les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de M. A…et de la SCI SM, et à la SCP Vincent, Ohl, avocat de la commune de Kemplich ;

1. Considérant qu’il ressort des énonciations de l’arrêt attaqué que, par une délibération du 16 juillet 2010, le conseil municipal de Kemplich a adopté la carte communale de la commune, qui a été approuvée par un arrêté du préfet de la Moselle en date du 4 août 2010 ; que par l’arrêt attaqué, la cour administrative d’appel de Nancy a rejeté l’appel formé par M. A… et la SCI SM contre le jugement du 28 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg avait rejeté leur demande tendant à l’annulation pour excès de pouvoir de cette délibération et de cet arrêté ; que M. A…et la SCI SM se pourvoient en cassation contre cet arrêt ;

2. Considérant, en premier lieu, qu’en vertu de l’article R. 124-1 du code de l’urbanisme, en vigueur à la date des décisions attaquées, une carte communale comprend un rapport de présentation et un ou plusieurs documents graphiques ; qu’aux termes de l’article R. 124-2 du même code :  » Le rapport de présentation :/ 1° Analyse l’état initial de l’environnement et expose les prévisions de développement, notamment en matière économique et démographique ;/ 2° Explique les choix retenus, notamment au regard des objectifs et des principes définis aux articles L. 110 et L. 121-1, pour la délimitation des secteurs où les constructions sont autorisées (…)  » ; que la cour a relevé, pour juger que le rapport de présentation de la carte communale attaquée satisfaisait à ces dispositions, que ce rapport exposait les raisons, tenant à la présence de terrains humides et aux contraintes grevant l’accès à une route départementale, pour lesquelles le document retenait le parti de ne pas relier deux zones constructibles au nord est de la commune ; qu’en statuant ainsi, la cour a suffisamment répondu à la teneur de l’argumentation qui avait été développée à l’appui de ce moyen ; que si les requérants font valoir qu’ils avaient aussi soutenu en appel que le rapport de présentation comportait des informations erronées sur la zone classée inconstructible par la carte communale où se situent leurs parcelles, il ressort des pièces du dossier des juges du fond que cette argumentation a été présentée à l’appui d’un autre moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, auquel la cour a, au demeurant, répondu ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la cour aurait insuffisamment motivé son arrêt s’agissant de l’analyse du rapport de présentation ne peut qu’être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, ainsi d’ailleurs que de celles de l’article L. 2541-17 du même code spécifiquement applicables dans les communes des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, que la participation de membres d’un conseil municipal aux délibérations relatives aux affaires dans lesquelles ils sont intéressés à titre personnel ou comme mandataires et sur l’adoption desquelles ils ont eu une influence entache ces délibérations d’illégalité ;

4. Considérant que, pour écarter le moyen tiré de ce que la délibération attaquée aurait été adoptée en méconnaissance de ces dispositions au motif que le maire de la commune avait pris part à son adoption, la cour administrative d’appel a souverainement relevé que le classement en zone constructible des parcelles appartenant au maire avait été réalisé  » de la même façon que celui des autres parcelles situées du même côté de la voie (…), dans le cadre d’un parti d’urbanisme destiné à densifier le secteur concerné  » ; qu’elle en a déduit que la circonstance que le maire était propriétaire de parcelles dans cette commune de 160 habitants ne lui avait pas conféré un intérêt personnel distinct de celui des autres habitants de la commune de nature à le faire regarder comme personnellement intéressé à la délibération attaquée ; qu’en statuant ainsi, la cour n’a pas commis d’erreur de droit et n’a pas inexactement qualifié les faits de l’espèce ;

5. Considérant, en troisième lieu, que l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, en vigueur à la date des décisions attaquées, prévoit que  » en l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune « , les constructions et installations que cet article énumère limitativement ; qu’aux termes de l’article L. 124-2 du même code, en vigueur à la date des décisions attaquées :  » Les cartes communales respectent les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1./ Elles délimitent les secteurs où les constructions sont autorisées et les secteurs où les constructions ne sont pas admises, à l’exception de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension des constructions existantes ou des constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, à l’exploitation agricole ou forestière et à la mise en valeur des ressources naturelles. (…)  » ;

6. Considérant que l’article L. 111-1-2 exclut que soit mise en oeuvre, dans les communes dotées d’une carte communale, la règle de la constructibilité limitée ; qu’en application des dispositions de l’article L. 124-2, il appartient aux auteurs du document d’urbanisme que constitue la carte communale de déterminer les partis d’aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce document, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d’avenir, et de fixer en conséquence le zonage déterminant la constructibilité des terrains ; qu’aucune disposition législative en vigueur à la date des actes attaqués ne faisait obstacle à ce que puisse être légalement décidé le classement en zone naturelle d’un secteur que les auteurs du document d’urbanisme entendent soustraire, pour l’avenir, à l’urbanisation, sous réserve que l’appréciation à laquelle ils se livrent ne repose pas sur des faits matériellement inexacts ou ne soit pas entachée d’erreur manifeste ; que, par suite, la seule circonstance qu’un terrain a pu, dans le passé, être regardé comme inclus dans les parties urbanisées d’une commune au sens des dispositions de l’article L. 111-1-2, ne fait pas obstacle à ce que ce terrain puisse être classé pour l’avenir en zone inconstructible par la carte communale ; qu’il en résulte que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la cour administrative d’appel de Nancy aurait commis une erreur de droit en jugeant que pouvaient être classées en zone inconstructible par la carte communale de la commune de Kemplich des parcelles qui avaient pu être regardées, avant l’adoption de la carte, comme situées dans les parties urbanisées de la commune ;

7. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que M. A…et la SCI SM ne sont pas fondés à demander l’annulation de l’arrêt qu’ils attaquent ;

8. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’une somme soit mise à la charge de la commune de Kemplich, qui n’est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. A…et de la SCI SM le versement de la somme que la commune de Kemplich demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :
————–

Article 1er : Le pourvoi de M. A…et de la SCI est rejeté.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Kemplich présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B…A…et la SCI SM, à la commune de Kemplich et à la ministre du logement et de l’habitat durable.

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