CAA de MARSEILLE
N° 16MA02753
Inédit au recueil Lebon
9ème chambre – formation à 3
Mme BUCCAFURRI, président
M. Philippe PORTAIL, rapporteur
M. ROUX, rapporteur public
CABINET NORAY-ESPEIG AVOCATS, avocat
lecture du mardi 27 février 2018
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le syndicat mixte du Pays Lauragais a demandé au tribunal administratif de Montpellier d’annuler la délibération du 7 février 2014 par laquelle le conseil municipal de Plavilla a approuvé la deuxième révision de la carte communale définissant les modalités d’application du règlement national d’urbanisme, l’arrêté du 25 mars 2014 par lequel le préfet de l’Aude a approuvé la deuxième révision de la carte communale de Plavilla et la décision implicite par laquelle le préfet de l’Aude a rejeté son recours gracieux formé le 6 mai 2014.
Par un jugement n° 1404252 du 19 mai 2016, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2016, et un mémoire complémentaire, enregistré le 22 novembre 2017, le pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais, représenté par le cabinet d’avocats Noray-Espeig, demande à la Cour :
1°) d’annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 mai 2016 ;
2°) de faire droit à la demande de première instance du syndicat mixte du Pays Lauragais ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
– il vient aux droits du syndicat mixte du Pays Lauragais en application des dispositions de l’article L. 5741-4 du code général des collectivités territoriales et de l’arrêté inter-préfectoral du 24 décembre 2014 ;
– le mémoire en défense de la ministre est irrecevable, à défaut pour le chef du bureau des affaires juridiques de l’urbanisme de justifier d’une qualité pour signer ce mémoire ;
– le rapport de présentation de la deuxième modification de la carte communale est insuffisant, en méconnaissance de l’article R. 124-2 du code de l’urbanisme ;
– aucune évaluation environnementale n’a été réalisée, en méconnaissance de l’article R. 124-2-1 du code de l’urbanisme ;
– à supposer que la révision de la carte communale ne soit pas soumise à une évaluation environnementale préalable, le rapport de présentation devait comporter une évaluation des incidences des choix des auteurs de la carte communale sur l’environnement et la manière dont ce document prenait en compte le souci de sa préservation et de sa mise en valeur ;
– les décisions attaquées sont entachées de détournement de pouvoir ;
– la carte communale est incompatible avec les dispositions du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays Lauragais ;
– ce document contrevient aux principes posées par les lois Grenelle I et II et par la loi ALUR ;
– la révision de la carte communale méconnaît l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2017, la ministre du logement et de l’habitat durable conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
– le pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais ne justifie pas d’un intérêt à agir au regard de l’article L. 5741-3 du code général des collectivités territoriales ;
– les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
– le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;
– le code de l’urbanisme ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique :
– le rapport de M. Portail,
– les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
– et les observations de Me B…, représentant le pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais.
1. Considérant que la carte communale de la commune de Plavilla a été approuvée le 4 novembre 2008 ; que, par une délibération du 7 février 2014, le conseil municipal de Plavilla a approuvé la deuxième révision de la carte communale dont l’objet est d’intégrer le projet d’aménagement du domaine de Saint-Pierre et la requalification d’une parcelle à l’est du village près de la ferme de Taillefer ; que, par arrêté du 25 mars 2014, le préfet de l’Aude a approuvé cette deuxième révision de la carte communale de Plavilla; que le syndicat mixte du Pays Lauragais a demandé au tribunal administratif de Montpellier l’annulation de ces décisions et de la décision implicite par laquelle le préfet de l’Aude a rejeté son recours gracieux ; que le pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais relève appel du jugement du 19 mai 2016 qui a rejeté la demande du syndicat mixte du Pays Lauragais ;
Sur la fin de non recevoir opposée par le ministre à la requête d’appel :
2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 811-1 du code de justice administrative : » Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif ou qui y a été régulièrement appelée, alors même qu’elle n’aurait produit aucune défense, peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance. (…) » ;
3. Considérant que l’article L. 5741-4 du code général des collectivités territoriales dispose : » Lorsqu’un syndicat mixte composé exclusivement d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre remplit les conditions fixées au I de l’article L. 5741-1, il peut se transformer en pôle d’équilibre territorial et rural. Cette transformation est décidée, sur proposition du comité syndical, par délibérations concordantes des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre membres du syndicat. Le comité syndical et les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification à leur président de la délibération proposant la transformation. A défaut de délibération dans ce délai, leur décision est réputée favorable. » ; que, par arrêté du 24 décembre 2014, le préfet de l’Aude, le préfet du Tarn et le préfet de la Haute-Garonne ont décidé la transformation du syndicat mixte du Pays Lauragais en pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais ; que cet arrêté dispose en son article 8 : » Conformément au dernier alinéa de l’article L5741-4 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), l’ensemble des biens, droits et obligations du syndicat transformé sont transférés au pôle d’équilibre territorial et rural qui est substitué de plein droit au syndicat dans toutes les délibérations et tous les actes de ce dernier à la date de transformation. » ; qu’il résulte de ces dispositions et de cet arrêté que le pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais s’est substitué de plein droit au syndicat mixte du Pays Lauragais dans ses droits et obligations; qu’il est, dès lors, recevable à relever appel du jugement qui a rejeté la demande formée par le syndicat mixte du Pays Lauragais devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Sur la recevabilité des observations en défense du ministre du logement et de l’habitat durable :
4. Considérant que l’article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 dispose : » A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l’acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d’Etat et par délégation, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité :… 2° Les chefs de service, directeurs adjoints, sous-directeurs, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au deuxième alinéa de l’article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé ainsi que les hauts fonctionnaires et les hauts fonctionnaires adjoints mentionnés aux articles R. 1143-1 et R. 1143-2 du code de la défense (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 du même décret : » Les personnes mentionnées aux 1° et 3° de l’article 1er peuvent donner délégation pour signer tous actes relatifs aux affaires pour lesquelles elles ont elles-mêmes reçu délégation : 1° Aux magistrats, aux fonctionnaires de catégorie A et aux agents contractuels chargés de fonctions d’un niveau équivalent, qui n’en disposent pas au titre de l’article 1er (…) » ; que, par arrêté du 12 janvier 2017, le directeur des affaires juridiques du ministère du logement et de l’habitat durable a donné délégation à MmeA…, administrateur civil, pour signer au nom du ministre tous les actes à l’exception des décrets ; que le moyen tiré de ce que Mme A…n’aurait pas été compétente pour signer le mémoire produit en défense par la ministre et de ce que ces écritures ne seraient pas recevables doit, par suite, être écarté ;
Sur la légalité de la délibération du 7 février 2014 et de l’arrêté du 25 mars 2014 :
5. Considérant que l’article L. 122-1-15 du code de l’urbanisme dispose : » les programmes locaux de l’habitat, les plans de déplacements urbains, les schémas de développement commercial, les plans locaux d’urbanisme, les plans de sauvegarde et de mise en valeur, les cartes communales, la délimitation des périmètres d’intervention prévus à l’article L. 143-1, les opérations foncières et les opérations d’aménagement définies par décret en Conseil d’Etat sont compatibles avec le document d’orientation et d’objectifs des schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. » ;
6. Considérant que le document d’orientation générale (DOG) du schéma de cohérence territoriale (SCoT) du Pays Lauragais, approuvé le 26 novembre 2012 et opposable le 5 février 2013, dispose en son point 60 que » chaque commune veille dans son document d’urbanisme à privilégier une urbanisation recentrée autour du bourg et évitant les développements linéaires et diffus » ; que le DOG dispose en son point 65 que les constructions dans les écarts, qu’il définit comme un groupement composé de moins de 5 constructions considéré comme de l’habitat isolé, sont limitées à la règlementation en vigueur ; qu’il précise en son point 66 : » Il est souhaité que l’ensemble des communes limitent les constructions nouvelles autour des hameaux afin de privilégier le développement du bourg visant ainsi à un renforcement de la centralité villageoise. Par conséquent, l’extension des hameaux sera limitée lors de toute nouvelle élaboration ou révision d’un document de planification urbaine locale. Pourront être autorisés le comblement des dents creuses ou la construction de nouveaux logements en densification de la zone. Ponctuellement, des extensions mineures de certaines de ces zones seront tolérées, dans la limite maximale d’environ 10 à 20 % de l’emprise actuelle. » ;
7. Considérant, d’une part, que le SCoT du Pays du Lauragais définit le hameau comme un groupement d’habitat sur parcelles limitrophes de plus de cinq constructions ; que cette définition implique nécessairement que ces cinq constructions soient à usage d’habitat ; que plusieurs des implantations de la Communauté de l’Agneau au sein du domaine de Saint-Pierre ne comportent qu’un seul bâtiment d’habitation, alors même que celui-ci comporte plusieurs cellules monastiques ; que, contrairement à ce qu’a jugé le tribunal, elles ne constituent pas des » hameaux » au sens des dispositions du SCoT mais des » écarts » au sens de ces mêmes dispositions ;
8. Considérant, d’autre part, qu’il résulte des dispositions précitées du DOG que les constructions dans les écarts sont limitées à la règlementation en vigueur à la date d’approbation de ce document d’urbanisme, soit le 26 novembre 2012 ; qu’à cette date, le domaine Saint-Pierre était soumis à la règle de constructibilité prévue par l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur, aux termes duquel : » En l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : 1° L’adaptation, le changement de destination, la réfection, l’extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; 2° Les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d’aires d’accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d’opérations d’intérêt national(…)3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l’extension mesurée des constructions et installations existantes.4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l’intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu’elles n’entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n’est pas contraire aux objectifs visés à l’article L. 110 et aux dispositions des chapitres V et VI du titre IV du livre Ier ou aux directives territoriales d’aménagement précisant leurs modalités d’application. » ;
9. Considérant que la carte communale révisée de la commune de Plavilla autorise l’extension d’environ 20% de la surface de plancher de plusieurs des écarts du domaine de Saint-Pierre, lui-même d’une superficie de 90 hectares, en particulier l’écart de la » Saint-Famille « , dont il est prévu une extension de 1 094 m² par rapport à une surface existante de 5 656 m², et celui de la » Sainte-Trinité « , dont il est prévu une extension de 1 931 m² par rapport à une surface existante de 9 562 m²; que cette extension par la réalisation de constructions qui ne sont pas situées dans des hameaux au sens des dispositions du SCOT est incompatible avec les orientations de ce document rappelées au point 6 ; que cette incompatibilité qui affecte dans son intégralité l’économie générale de la deuxième révision de la carte communale est de nature à entraîner l’annulation totale des décisions attaquées ;
10. Considérant que, pour l’application de l’article L. 600-4-1 du code de l’urbanisme, aucun autre moyen n’est susceptible, en l’état de l’instruction, de fonder l’annulation des décisions contestées ;
11. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande du syndicat mixte du Pays Lauragais, et à demander l’annulation de ce jugement ainsi que des décisions attaquées ;
Sur les conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par le pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 mai 2016 du tribunal administratif de Montpellier, la délibération du conseil municipal de Plavilla du 7 février 2014, l’arrêté du préfet de l’Aude du 24 mars 2014, ainsi que la décision implicite par laquelle le préfet de l’Aude a rejeté le recours gracieux formé par le syndicat mixte du Pays Lauragais sont annulés.
Article 2 : L’Etat versera au pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au pôle d’équilibre territorial et rural du Pays Lauragais, à la commune de Plavilla et au ministre de la cohésion des territoires.
Copie en sera adressée au préfet de l’Aude.
Délibéré après l’audience du 13 février 2018, où siégeaient :
– Mme Buccafurri, présidente,
– M. Portail, président-assesseur,
– Mme Carassic, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 février 2018.
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N° 16MA02753